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Citations sur Un roi sans divertissement (109)

Chaque soir, désormais, les murailles du ciel seront peintes avec ces enduits qui facilitent l'acceptation de la cruauté et délivrent les sacrificateurs de tout remords. L'Ouest, badigeonné de pourpre, saigne sur des rochers qui sont incontestablement bien plus beaux sanglants que ce qu'ils étaient d'ordinaire rosé satiné ou du bel azur commun dont les peignaient les soirs d'été, à l'heure où Vénus était douce comme un grain d'orge.
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C 'est juste au virage ,dans l 'épingle à cheveux ,au bord de la route .Il y a là un hêtre ; je suis bien persuadé qu 'il n 'en existe pas de plus beau : c 'est l'Apollon-citharède des hêtres .Il n 'est pas possible qu 'il y ait ,dans un autre hêtre ,où qu 'il soit ,une peau plus lisse ,de couleur plus belle , une carrure plus exacte , des proportions plus justes , plus de noblesse , de grâce et
d 'éternelle jeunesse : Apollon exactement , c 'est ce qu 'on se dit dès qu 'on le voit et c 'est ce qu 'on se redit inlassablement quand on le regarde .
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Chaque soir, désormais, les murailles du ciel seront peintes avec ces enduits qui facilitent l'acceptation de la cruauté et délivrent les sacrificateurs de tout remords. L'Ouest, badigeonné de pourpre, saigne sur des rochers qui sont incontestablement bien plus beaux sanglants que ce qu'ils étaient d'ordinaire rose satiné ou du plus bel azur commun dont les peignaient les soirs d'été, à l'heure où Venus était douce comme un grain d'orge. Un blême vert, un violet, des taches de soufre et parfois même une poignée de plâtre là où la lumière est la plus intense, cependant que sur les trois autres murailles s'entassent les blocs compacts d'une nuit, non plus lisse et luisante, mais louche et agglomérée en d'inquiétantes constructions : tels sont les sujets de méditation proposés par les fresques du monastère des montagnes. Les arbres font bruire inlassablement dans l'ombre de petites crécelles de bois sec.
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Vous n'avez jamais besoin que quelqu'un vous assure dans vos propres bottes, vous autres, hein ? La bouse de vos vaches ça vous suffit comme point de vue, hein ? C'est votre Grande Ourse et votre Étoile polaire, hein ? Et quand vous casserez votre pipe (elle peut s'égosiller l'église), je t'en fiche d'une grande face qui sera de l'autre côté, c'est une vache en baudruche qui viendra voltiger au-dessus de votre lit de mort, et qui visera bien. Et, passer, pour vous, c'est quand vous recevrez enfin en pleine figure une bonne grosse bouse bien étalée, bien éclatée, bien bouillante et bien marron. La voilà votre sainte farce !
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Le plus extraordinaire est qu 'il puisse être si beau et rester si simple .Il est hors de doute qu 'il se connaît et qu 'il se juge .Comment tant de justice pourrait-elle être inconsciente ? Quand il suffit d 'un frisson de bise , de mauvaise utilisation de la lumière du soir , d 'un porte-à-faux dans l'inclinaison
des feuilles pour que la beauté , renversée, ne soit plus du tout étonnante .
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[Le feuillage du hêtre de la scierie] était d'un dru, d'une épaisseur, d'une densité de pierre, et sa charpente (dont on ne pouvait rien voir, tant elle était couverte et recouverte de rameaux plus opaques les uns que les autres) devait être d'une force et d'une beauté rares pour porter avec tant d'élégance tant de poids accumulé. Il était surtout (à cette époque) pétri d'oiseaux et de mouches ; il contenait autant d'oiseaux et de mouches que de feuilles. Il était constamment charrué et bouleversé de corneilles, de corbeaux et d'essaims ; il éclaboussait à chaque instant des vols de rossignols et de mésanges ; il fumait de bergeronnettes et d'abeilles ; il soufflait des faucons et des taons ; il jonglait avec des balles multicolores de pinsons, de roitelets, de rouges-gorges, de pluviers et de guêpes. C'était autour de lui une ronde sans fin d'oiseaux, de papillons et de mouches dans lesquels le soleil avait l'air de se décomposer en arcs-en-ciel comme à travers des jaillissements d'embruns. Et, à l'automne, avec ses longs poils cramoisis, ses mille bras entrelacés de serpents verts, ses cent mille mains de feuillages d'or jouant avec des pompons de plumes, des lanières d'oiseaux, des poussières de cristal, il n'était vraiment pas un arbre. Les forêts, assises sur les gradins des montagnes, finissaient par le regarder en silence. Il crépitait comme un brasier ; il dansait comme seuls savent danser les êtres surnaturels, en multipliant son corps autour de son immobilité ; il ondulait autour de lui-même dans un entortillement d'écharpes, si frémissant, si mordoré, si inlassablement reprétri par l'ivresse de son corps qu'on ne pouvait plus savoir s'il était enraciné par l'encramponnement de prodigieuses racines ou par la vitesse miraculeuse de la pointe de toupie sur laquelle reposent les dieux. Les forêts, assises sur les gradins de l'amphithéâtre des montagnes, dans leur grande toilette sacerdotale, n'osaient plus bouger. Cette virtuosité de beauté hypnotisait comme l'oeil des serpents ou le sang des oies sauvages sur la neige. Et, tout le long des routes qui montaient ou descendaient vers elle, s'alignait la procession des érables ensanglantés comme des bouchers.
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Les forets , assises sur les gradins de l 'amphithéâtre des montagnes ,dans leur toilette sacerdotale ,n 'osaient plus bouger ,Cette virtuosité de beauté hypnotisait comme l 'œil des serpents ou le sang des oies sauvages sur la neige .Et tout le long des routes ,qui montaient ou descendaient vers elle , s' alignait la procession des érables ensanglantés comme des bouchers .
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Il remonta chez lui et il tint le coup jusqu’après la soupe. Il attendit que Saucisse ait pris son tricot d’attente et que Delphine ait posé ses mains sur ses genoux. Il ouvrit, comme d’habitude, la boîte de cigares, et il sortit pour fumer.
Seulement, ce soir-là, il ne fumait pas un cigare, il fumait une cartouche de dynamite. Ce que Delphine et Saucisse regardèrent comme d’habitude, la petite braise, le petit fanal de voiture, c’était le grésillement de la mèche.
Et il y eut, au fond du jardin, l’énorme éclaboussement d’or qui éclaira la nuit pendant une seconde. C’était la tête de Langlois qui prenait, enfin, les dimensions de l’univers.
Qui a dit : « Un roi sans divertissement est un homme plein de misères » ?
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Car, disait-il, rien ne se fait par l'opération du Saint-Esprit. Si les gens disparaissent, c'est que quelqu’un les fait disparaitre. S'il les fait disparaitre, c'est qu'il y a une raison pour qu'il les fasse disparaître. Il semble qu'il n'y pas de raison pour nous mais il y a une raison pour lui. Et, s'il y a une raison pour lui, nous devons pouvoir la comprendre. Je ne crois pas, moi, qu'un homme puisse être différent des autres hommes au point d'avoir des raisons totalement incompréhensibles. Il n'y a pas d'étrangers. Il n'y a pas d'étrangers ; comprends-tu ça, ma vieille ?
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Cette histoire n'est pas l'histoire d'un homme qui buvait, suçait, ou mangeait le sang (je n'aurais pas pris la peine, à notre époque, de vous parler d'un fait aussi banal), je ne veux pas parler du goût (qui doit être simplement un peu salé), je veux dire qu'il est facile d'imaginer, compte tenu des cheveux très noirs, de la peau très blanche, du poivre de Marie Chazottes, d'imaginer que son sang était très beau. Je dis beau. Parlons en peintre.
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