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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Pour aborder ce très grand classique du patrimoine littéraire russe, je disposais de deux traductions : celle de 1859 d'Ernest Charrière et celle de 2009 de Marc Séménoff (pour Garnier Flammarion). Entre les deux, plus de 300 pages de différence ! Intriguée, j'ai commencé par lire successivement un chapitre de l'une et un chapitre de l'autre. Constat : je ne pensais pas avoir un jour des reproches à adresser à Garnier Flammarion mais c'est un fait, leur traduction des "Âmes mortes" est si terriblement appauvrie, synthétisée et tronquée que j'en ai été choquée. Dès lors, mon parti a été vite pris et je me suis concentrée sur l'édition contemporaine de Gogol.

Pavel Ivanovitch Tchitchikof est un petit escroc, ancien fonctionnaire qui sillonne les contrées provinciales russes pour faire l'acquisition "d'âmes mortes". Avant l'abolition du servage en Russie, une âme désignait un serf mâle et les barines (nobles propriétaires fonciers) payaient l'impôt à l'Empereur sur le nombre d'âmes de leurs domaines. Notre héros Tchitchikof entreprend une tournée des propriétés pour racheter les âmes mortes, c'est-à-dire les moujiks morts entre deux recensements administratifs (qui survenaient environ tous les cinq ans) mais encore inscrits dans les rôles, ceci dans le but secret et obscur de s'enrichir illégalement.

A travers les pérégrinations - ou peut parler d'odyssée ! - de Tchitchikof, c'est un grand tableau social et moral de la Russie de l'époque qui se dresse verste après verste devant le lecteur qui se retrouve plongé jusqu'au cou dans un contexte unique, un voyage dans le temps époustouflant qui, s'il souffre de vraies longueurs, n'en brille pas moins par le génie de son auteur dont l'humour et le don pour la caricature servent à merveille ce qu'il définit lui-même comme un grand poème épique, masquant une très réelle satire sociale et politique.

Difficile de faire bref quand on aborde un tel roman, dont le thème fut inspiré à Gogol par le grand Pouchkine et dont le corps fut livré sans merci aux censeurs. Dans cette oeuvre colossale - dont le second tome fut publié à titre posthume -, le propos de Gogol est de présenter non pas une âme morte mais au contraire une âme bien vivante, celle de la Russie éternelle. Pour avoir voyagé en Russie et y compter plusieurs amis, en ville ou à la campagne, j'ai été frappée tout au long de ma lecture par l'actualité de l'argument et par la justesse des portraits qui sont faits des différents types sociaux qui composent le peuple russe et font l'identité de ce qu'on nomme avec romantisme "l'âme russe".

D'état d'escroc, Tchitchikof va finalement, par ruse et procédés illégaux, se hisser jusqu'aux fonctions les plus élevées et terminera sa carrière en qualité de maréchal de gouvernement - c'est-à-dire maréchal de la noblesse de son district. A ses yeux, la fin justifie les moyens et Gogol le conforte dans cette vue, son dessein d'auteur étant de montrer plus que de dénoncer la corruption éhontée de l'administration, la crasse et l'ignorance de la paysannerie et l'oisiveté des nobles et des nantis.

"Politique, diplomatie, administration intérieure, justice, hommes, choses, défauts, préjugés, vices, abus nombreux, variés, universels, il acceptait, il protégeait, il adorait tout, tout ce qui était en Russie, tout ce qui était russe, parce que c'était russe, parce que cela existait au profit de la noblesse dans son pays, parce que, à travers tout cela, le Russe habile, en dirigeant bien la barque de ses convoitises, pouvait, même sans talents particuliers, sans génie, sans services illustres, arriver à la noblesse, à la fortune, aux honneurs, et rêver même les plus grandes dignités ; et que les vices, les torts, les crimes, les anomalies et les fréquentes contradictions d'un état de choses où tout le monde croit au mal et personne à la loi, avaient à ses yeux leurs bons côtés pour les ambitieux, et, en tout cas, le droit de prescription. Que trente millions de familles, serfs et bourgeois, restassent immolées aux jouissances douteuses, à l'existence de luxe barbare et de fantaisies insensées souvent sauvages, de trois cent mille satrapes, appuyés sur un million de hobereaux corrompus et flanqués de trois ou quatre mille nababs juifs, grecs ou mongols, il n'y voyait pas d'inconvénient pour la patrie." (Chant XX)

Les Russes adorent "Les âmes mortes" malgré tout ce que l'oeuvre dénonce de leur état d'esprit et de leurs manières ; et il n'y a pas à s'étonner de cet engouement car le paradoxe est viscéralement au coeur de "l'âme russe". Avec "Les âmes mortes", on peut dire que si Gogol doit beaucoup à Pouchkine, la Russie doit beaucoup à Gogol.


Challenge XIXème siècle 2017
Challenge PAVES 2016 - 2017
Challenge MULTI-DÉFIS 2017
Challenge Petit Bac 2016 - 2017
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Un classique russe, tellement russe, mais aussi un livre controversé, à l'interprétation difficile.
Rien que le titre prête à confusion. S'agit-il d'une critique de l'immortalité de l'âme? Mais l'âme ne signifie-t-elle pas la personne tout simplement? Et les âmes mortes les personnes décédées, des serfs en l'occurrence? Et si c'était la dépravation de la société qui faisait mourir les âmes?
En plus c'est un livre en deux parties, à la publication espacée, et à la tonalité assez différente.
C'est l'histoire de Tchitchikof, dont au départ on ne sait rien. Il débarque dans une ville de province, s'intègre dans la "bonne" société. Puis parcourt les campagnes environnantes à la recherche de serfs morts, pour les racheter. La pratique est bien étrange mais comme personne n'y perd, cela fonctionne. Dans quel but? Mystère. Au passage, Gogol dresse une galerie de portraits hauts en couleurs de la société provinciale russe, avec ses prétentions ridicules et ses usages désuets, ou même ses bizarreries. Je passe sur la fin de la première partie qu'il vaut mieux ne pas connaître avant de lire le début. La deuxième partie voit Tchitchikof s'assagir et tenter de s'installer. Elle est inachevée.
Mon avis est un peu mitigé sur ce grand classique. Je ne suis pas emporté par cette lecture comme par Tolstoï, Dostoïevski ou Tchekhov. La lecture est pourtant agréable et la peinture des personnages vive et bigarrée. le livre a pour lui aussi une part de mystère. Alors pourquoi? Peut-être quelque chose de trop anecdotique, face à ses illustres successeurs. Chez eux je retrouve une dimension universelle qui m'apparaît moins chez Gogol. Cela reste néanmoins une lecture hautement recommandable.
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Ce livre reposait sagement dans ma bibliothèque depuis très longtemps. Je ne sais pas pourquoi, mais entreprendre sa lecture m'angoissait. Il y a de ces chefs-d'oeuvre qui par leur renommée et leur grandeur impressionnent et créent au lecteur une pression morale, un sentiment obligatoire d'extase. Je souffrais de la crainte d'être déçu, de devoir me battre pour arriver au bout de cette histoire. Mais puisque la curiosité et le désir l'emportent toujours, quelques pages lus en retenant mon souffle ont suffit pour dissiper mon inquiétude.

Gogol nous amène rapidement dans l'univers russe, extravagant et complètement loufoque qui nous retient page après page. Le projet singulier d'enrichissement de Tchitchikov plonge les personnages du récit dans un malaise comique, régalant le lecteur qui participe en tant que témoin, à l'escroquerie du héros. Ce petit héros sans vergogne m'a séduite de par sa façon habile de nous faire douter de sa culpabilité pourtant évidente.

Superbe récit du combat entre ce qui est moralement acceptable et ce qui ne l'est pas. Conflit actuel plus que jamais présent dans nos sociétés bondées de petits Tchitchikov !
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J'ai lu ceci pour la première fois il y a plus de 45 ans, alors que je n'avais que 17 ans. J'avais déjà lu quelques nouvelles de Gogol, avec beaucoup de divertimento, mais là c'était une autre histoire : un roman solide, d'ailleurs inachevé. le style narratif fluide, le dessin drôle des personnages et l'intrigue improbable m'ont immédiatement séduit. C'était le début de ma « période russe », une fascination qui durera deux ans et s'étendra de Gogol à Tourgueniev et culminera bien sûr avec Dostoïevski et Tolstoï. Il sera reconnaissable par d'autres lecteurs passionnés.
Maintenant, bien plus tard, je l'ai relu. Et encore une fois j'ai été captivé par le style narratif détaillé et l'histoire accrocheuse. Gogol a consciemment adopté la position du narrateur omniscient, qui entraîne son auditeur dans une histoire racontée avec beaucoup de goût, avec les digressions nécessaires, des dessins de personnages saisissants, des descriptions de paysages et parfois un commentaire moralisateur. Ce qui m'a le plus frappé, c'est que l'auteur ne s'intéresse manifestement pas à Chichikov lui-même, notre futur propriétaire terrien qui rachète les noms de serfs morts afin d'acquérir un certain statut. Ce n'est qu'au chapitre 11, vers la moitié du roman, que Gogol commence à élaborer sur le caractère, la jeunesse et l'ambition de son protagoniste. Et à mon avis, l'auteur ne s'est pas tellement préoccupé du côté divertissant et picaresque des aventures de son (anti)héros, qui réussit à tromper beaucoup de monde, mais dont la fortune elle-même monte et descend. Non, ce picaresque n'est – comme dans tout roman picaresque – que l'emballage qui devrait cacher le véritable objectif de l'histoire.
Et alors, quel est cet objectif ? Eh bien, surtout dans la première partie longue (et achevée), il s'agit clairement d'un dessin de l'âme russe dans toute sa diversité, des paysans et des laquais ainsi que des bourgeois et des nobles. Gogol les dépeint avec beaucoup de goût, avec toute leur méchanceté, avec une nuance moralisatrice : oh, grands ou petits, nous ne sommes que des gens pathétiques, qui sont tous soumis aux caprices du destin et qui ont tous de petits côtés. On pourrait débattre sans fin pour savoir si la vision de Gogol de l'humanité est essentiellement misanthropique ou non, mais pour moi, ce roman et ses nouvelles expriment une véritable compassion pour la condition humaine. C'est ce qui rend cet écrivain si génial.
Il est dommage que "Âmes morts" nous soit parvenu inachevé. La deuxième partie en souffre particulièrement. Il a également un caractère un peu différent : beaucoup moins picaresque, moins un kaléidoscope de l'homme russe, mais beaucoup plus moralisateur. Avec sa grande attention envers un propriétaire foncier assidu, qui gérait son domaine de manière très efficace, Gogol semble même avoir écrit un traité pour ses collègues propriétaires fonciers. La même ambiguïté se retrouve également lorsque l'auteur parle de la Russie, avec un très grand « R » : régulièrement, et plus encore dans la 2ème partie, il loue sa patrie et le caractère unique des valeurs russes, le caractère russe, etc. ; mais la facilité avec laquelle il expose et ridiculise ses personnages de roman, et souligne même explicitement les faiblesses russes, suggère que nous devrions prendre cet éloge avec des pincettes. Il est donc inévitable de conclure que Gogol se concentrait sur l'homme universel, pas seulement l'homme russe. C'est une valeur de son oeuvre qui restera toujours attrayante.
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Les Âmes Mortes ou les tribulations d'un arnaqueur de passage.

Tiens, encore une oeuvre de Gogol où le personnage principal (Tchichikov) est en transit.
Faut-il y voir une allusion sérieuse à une période de la vie du petit Nicolas Gogol où il avait la bougeotte ?
Mais si, rappelez-vous cette période où il n'arrêtait pas de passer d'une ville à une autre sans s'y établir vraiment de peur d'être pris par le vertige de la page blanche…

Bref, venons-en aux Âmes Mortes. Il y a de ces romans qui, en les refermant, nous laissent un sentiment doux-amer. Ce fut le cas pour moi avec celui-ci.

La première partie du roman où l'on suit Tchichikov arnaquer les notables d'une ville de province en Russie est jouissive.
Pourquoi ce diable de Tchichikov veut-il acheter des « âmes mortes » (autrement dit des serfs qui n'ont pas encore été déclarés comme morts à l'administration) ?
On y retrouve l'humour cher à Gogol, où chaque personnage est peint avec férocité, doublé d'une critique du soi-disant « beau monde » de l'époque des Tsars.

La deuxième partie, elle, n'est qu'un brouillon que l'auteur aura recommencé plusieurs fois sans en être satisfait.
C'est linéaire, classique, gentil, rédempteur, … bref circulez il n'y a plus rien à voir.
Cela ne m'étonne pas que Gogol ait bouté le feu à cette suite car même au bout de son mysticisme délirant Nico avait encore le Nez fin pour faire la part des choses entre ce qui est de qualité de ce qui ne l'est pas.
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Мёртвые души
Traduction : Henri Mongault.

Il suffit de lire jusqu'au bout "Les Ames Mortes" pour réaliser que le terme "monumental" n'est pas du tout exagéré. Bien qu'un peu lent dans son allure générale (c'était le ton de l'époque), ce roman constitue une analyse minutieuse et réaliste de la société campagnarde russe des années 1830/1840. Si l'on excepte quelques développements sur l'âme russe dans le goût sentimental du XIXème siècle - et que l'on retrouve, sous d'autres formes, chez Dickens, Balzac, etc ... - le style est vif, presque moderne et plein d'humour, de cet humour russe si particulier fait de férocité et de tendresse et qui a perduré contre vents et marées tout au long de l'histoire de ce peuple étonnant jusqu'à nos jours.

Comme idée de départ, une escroquerie. Pavel Ivanovitch Tchitchikov, un quadragénaire célibataire dont on ne sait pas grand chose (son passé sera brièvement esquissé dans le premier fragment qui nous a été conservé de la seconde partie du roman), fait le tour des campagnes russes pour y acheter des âmes mortes. (Le terme "âmes" désigne ici les serfs des domaines - le servage ne sera aboli que trente ans plus tard, par Alexandre II qui, pour sa peine, sera assassiné par les nihilistes.)

Evidemment, la grande question - celle que le lecteur n'arrête pas de se poser jusqu'à la fin de la première partie - c'est : "Pourquoi des âmes mortes ?" Tout d'abord parce qu'elles coûtent bien moins cher que des serfs bien en vie. Et ensuite parce que, contrairement à ce qu'il affirme, Pavel Ivanovitch n'entend pas s'en aller coloniser quelque coin perdu du Chersonèse. Non, en fait, ce qu'il désire, c'est contracter un emprunt en donnant pour garanties ces âmes mortes mais que, bien sûr, il affirmera en parfaite santé.

La quête de Tchitchikov permet à Gogol de nous présenter toutes sortes de propriétaires ruraux typiques : Manilov le rêveur, le très retors Sobakévitch, Pliouchkine, cette étonnante personnification d'Harpagon revu et corrigé à la russe, et quelques autres ... Sans oublier la pléthore de fonctionnaires que les tractations entreprises - Tchitchikov et ses acheteurs trompent l'administration en faisant croire qu'ils achètent et vendent des serfs vivants - vont mettre en branle, à la recherche de quelque pot-de-vin toujours bienvenu.

La première partie se clôt - ou presque - sur un bal donné par le gouverneur de la province, où ce sont les épouses et filles de ces messieurs qui prennent la vedette et où commencent à courir sur Tchitchikov quelques rumeurs qui enflent, qui enflent ... et qui, finalement, l'amènent à se sauver dans sa vieille britchka, avec son cocher Sélipane et son valet, Pétrouchka.

De la deuxième partie - dont seuls deux fragments ont été conservés - il est très difficile de dire quelque chose de valable. Si la première partie donne une solide impression d'unité, ici, on en est loin. Une chose est certaine cependant : Tchitchikov ira en prison d'où le tirera cependant une âme bien intentionnée.
Une fois qu'on a fait son deuil de la continuité de l'oeuvre, il reste toujours le regard acéré avec lequel Gogol condamne l'oisiveté et l'insouciance des propriétaires russes et surtout cet amour du trafic et des tricheries dont le personnage de Nozdriov représente une caricature achevée, tour à tour sympathique, grotesque et répugnante. L'étrange passivité du peuple russe est aussi soulignée - et l'auteur, ici, se fait inquiet, à l'image d'un père pour ses enfants. Quant à l'appareil fonctionnarial, il est implacablement démonté et, plein d'une satisfaction cruelle, Gogol se complaît à nous exposer toute la rouille qui encombre ses multiples rouages.

Le seul inconvénient de ce roman, c'est que l'on ne peut pas y évoquer de véritable héros. Bien qu'il se place au-dessus des autres en raison de son intelligence et de sa grande fourberie, Tchitchikov ne peut prétendre à pareil statut. Sa rencontre avec Tentietnikov et avec les frères Platonov dans la seconde partie du roman aurait pu lancer celui-ci dans une autre direction mais ce qu'il nous reste de ce manuscrit-là est trop fragmentaire pour qu'on puisse en tirer des conclusions sûres.

Tel qu'il est, "Les Ames mortes" laisse donc le lecteur sur sa faim. Cependant, il faut le lire, ne serait-ce que pour avoir un aperçu plus exact du grand talent qui fut celui de Nikolaï Vassiliévitch Gogol. ;o)
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Les "âmes" dans la Russie féodale du XIXème siècle, ce sont les serfs mâles ; un propriétaire terrien possédait un certain nombre de serfs donc d'âmes au moment du recensement et il payait un impôt en fonction de ce nombre ; mais entre deux comptages souvent espacés de nombreuses années, des serfs mourraient et le propriétaire continuait de payer la taxe, la capitation, pour eux, comme s'ils étaient encore vivants.
Ce sujet c'est Pouchkine qui l'a confié à Gogol, persuadé que celui-ci saurait le faire fructifier : l'idée était d'écrire les aventures, heurs et malheurs d'un personnage peu scrupuleux, Tchitchikov, qui veut acheter à des propriétaires des "âmes mortes", donc des noms de serfs morts depuis le dernier recensement. Il pourra ainsi s'enrichir car il peut acheter un peu de terre, y placer ses serfs fictifs et obtenir de l'argent en hypothéquant le tout.
Tout se passe à peu près bien selon ses projets, Tchitchikov arrive dans la ville de N..., et se lie d'amitié avec tout ce que la ville compte de notables ; il achète alors ses âmes mortes sans révéler ce qu'il va en faire jusqu'à ce qu'à une réception un des propriétaires, ivre, parle de cet achat d'âmes mortes et Tchitchikov est alors regardé avec suspicion, c'est le début de sa chute ; les hommes, censés être le sexe intelligent, se conduisent sottement, les femmes ne sont bonnes qu'à faire circuler des rumeurs sans vraiment de fondement et tous n'ont aucun bon sens, c'est ce que décrit Gogol avec beaucoup de malice.

Alors pourquoi lire - ou relire - l'écrivain russe du XIXème siècle, Nicolas Gogol ?

Parce que ce qu'il écrit est très intéressant, c'est une peinture précise de la société russe des années 1820 et une étude de caractères humains universelle et intemporelle :
Quand il s'adresse à une vieille femme rétive à son projet, Nastassia Pétrovna Korobotchka, l'auteur en profite pour faire cet aparté : "des gens fort respectables, des hommes d'Etat se conduisent tout comme Mme Korobotchka. Se sont-ils mis quelque chose en tête, impossible de les en faire démordre ! Vous avez beau accumuler les arguments, tous clairs comme le jour, ils y opposent la résistance obstinée d'un mur qui renvoie une balle de caoutchouc." (p 71)
Un peu plus loin, Tchitchikov est en compagnie d'autres propriétaires : "Le blond appartenait à la catégorie des pseudovolontaires. A peine ouvrez-vous la bouche que les gens de cette sorte sont prêts à discuter ; vous ne croiriez jamais qu'ils puissent admettre une idée contraire aux leurs, traiter un sot d'homme d'esprit, emboîter le pas à qui que ce soit ; mais finalement, ils admettent ce qu'ils ont repoussé, traitent un sot d'homme d'esprit, emboîtent le pas au premier venu, en un mot taillent bien, mais cousent mal." (p 89)

Parce que c'est vraiment drôle : on ne peut tout citer mais l'écriture est toujours teintée d'humour : il y a des pages très amusantes dans lesquelles on voit Tchitchikov marchander âprement ses morts avec le propriétaire terrien Sobakévitch ; les moujiks dont Tchitchikov fait la liste ont souvent des surnoms amusants : Piotr Savéliev Mets-les-pieds-dans-le-plat, ou Grigori Va-toujours-et-tu-n'arriveras-pas par exemple ...

Et parce que régulièrement l'auteur prend son lecteur à témoin, il interrompt son récit pour dire ce qu'il pense à celui qui le lit ; cela fait des pauses dans un texte assez dense et permet à Gogol de s'assurer que son lecteur est bien de son côté, une façon de se "le mettre dans la poche".

Enfin plein d'autres "trouvailles" peuvent être faites dans ce texte qui est un grand classique russe, à lire ou à relire avec beaucoup de plaisir !
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je ne connaissais pas beaucoup la litterature russe, je me suis laisse quand meme tenter par ce roman inacheve de gogol. Je ne le regrette pas, j ai ete conquis par cette aventure ou l auteur nous depeint la societe russe durant la periode napoleonienne avec ferocite, d ailleurs gogol a eu d enormes problemes avec la censure ce qui a empeche l aboutissement de cette oeuvre.
l histoire tourne autour de ce tchikitov un escroc qui va de bourg en bourg acheter aux proprietaires des terres des paysans decedes pour toucher d autres subsides encore plus important, mais son aventure ne va pas etre de tout repos le reste je vous laisse le soin de le decouvrir
je n ai pas donne une note maxi car la deuxieme partie est moins interessante

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Je ne suis pas plongée dans la littérature Russe depuis un petit moment et récemment, je me suis procurée les âmes mortes de Gogol.

Je ne connaissais pas cet auteur mais j'avais envie de m'initier à un style différent, la Russie littéraire de 19ème siècle.

Je suis tombée sous le charme des personnages qui incarnaient des caricatures extraordinaires et accrocheuses. le personnage principal (Tchitchikov) est roublard et essaie de manigancer à droite et à gauche dans la campagne russe. Pour gagner de l'argent facilement mais pas forcement légalement, tous les coups sont permis.

C'est une histoire satirique, comique et très théâtrale .

En somme, j'ai trouvé cette ambiance Russe absolument délicieuse et j'ai hâte de découvrir d'autres livres du même auteur.
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Un début somptueux mais une terrible frustration au final !
En effet la première partie est tout à fait remarquable. On sent un Gogol, un auteur inconnu pour moi jusqu'à ce jour, appliqué et ironique. Quelle écriture ! Quelle finesse dans les descriptions, dans les dialogues et dans l'humour ! Autant dire que j'ai vraiment été emporté par l'écriture de l'auteur plutôt que l'histoire qui me rend un peu confus. Un escroc, Tchitchikov achète des âmes mortes aux grands propriétaires de domaines à une époque où l'économie provenait du travail des serfs, très nombreux à cette époque. Et oui, tandis que la France a arrêté le servage au Moyen-Âge, les russes ont quant à eux développé cela au XVIII-XIX siècle. Bref le dénouement était proche, mes sens étaient tout excités à l'idée de connaître le sort de notre ami, je lis la dernière page de la première partie.
La deuxième partie a mal débuté avec une préface assez étrange où l'auteur demande à chacun de lui prévenir des erreurs très nombreuses de son poème. Je continue donc l'histoire est là chamboulement de mon esprit, je me rends compte que ce n'est plus pareil, on ne ressent plus la même fluidité dans le récit, plus la finesse d'écriture. Non on ressent un auteur en pleine tourmente où se confond des idées croyantes mais également des idées rudes contre le tsarisme. de plus certaines parties sont manquantes et le récit est inachevé.
Je termine le livre, je le referme et je pousse un long soupir. Mais très bonne nouvelle, pleins de récits de cet auteur, par son écriture, qui m'a envoûté sont encore à lire.
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