-"Euh...à propos de l'exécution... vous êtes avertis à l'avance ?
- Oui, la veille au soir... Quand la nouvelle tombe, nous les éducateurs, on est obligés de boire pour la faire passer. Ce sont des criminels, au début on les déteste... mais en les accompagnant un bout de chemin, on finit par s'attacher. À lire la presse, ce sont des bêtes, mais quand on les connaît, ce sont des êtres humains comme nous. Et les hommes sont à peu près tous pareils finalement. Après l'exécution, pendant encore un mois à peu près, on ne peut pas vivre sans alcool. Tenez, il y a quelqu'un qui a dit, quand on est témoin d'un meurtre, on devient partisan de la peine de mort, quand on a été témoin d'une exécution, on devient partisan de l'abolition de la peine de mort... Enfin, ni le meurtre ni la peine de mort ne sont vraiment acceptables. Je vous ai dit tout à l'heure que j'étais content de travailler ici, mais après une exécution, j'ai vraiment envie de tout laisser tomber. Il y a beaucoup d'anciens éducateurs de prison qui se mettent à faire du prosélytisme chrétien ou deviennent moines bouddhistes. C'est assez compréhensible, en fait."
Je crois que ce passage donne bien le ton, reflète assez bien le propos du roman best-seller bouleversant de
Gong Ji-Young, écrivaine et militante féministe, activiste engagée dans les années 80 contre la dictature militaire et pour la démocratisation de son pays.
Ce roman a pour thèmes centraux la libération de l'individu à travers le cheminement obligé vers l'amour, le pardon, la rédemption.
Cette quête, ce cheminement vont être incarnés par deux naufragés de la vie que sont Yujeong, une jeune trentenaire célibataire, violée à quinze ans par un de ses cousins, rejetée par sa mère pour ne pas mettre en péril le statut social de la famille, et par Jeong Yunsu, un criminel de vingt-sept ans au parcours "Dickensien" (j'aurais pu choisir une autre référence... il y en a tant...), en attente d'être exécuté après avoir commis deux féminicides, dont un viol sur une mineure de dix-sept ans...
Ces deux êtres à la dérive, qui n'ont apparemment en commun qu'un attrait morbide pour la mort, vont s'apprivoiser et commencer à apprendre à vivre.
En dehors de l'intrigue proprement dite, le roman de
Gong Ji-Young, outre le fait de nous offrir quelques personnages d'envergure, nous permet d'approcher une Corée, que par méconnaissance, beaucoup associent à une démocratie idyllique... en opposition à sa turbulente "frangine" du nord, incarnée depuis 1953 par la dynastie des Kim.
Or le background dans lequel évoluent les personnages de l'oeuvre montre qu'il n'en est rien...
Comme je l'ai dit précédemment, j'ai trouvé cette lecture bouleversante. Pour trois raisons.
D'abord parce qu'elle l'est, ensuite parce que j'ai voulu m'affranchir de toute velléité "psychologisante".... Et que pour finir, j'ai refusé de me laisser aller à la tentation de "la ficelle est un peu trop grosse"...
J'ajoute que le style de l'auteure coule,fluide, limpide, simple, naturel, fort et efficace...
Si vous souhaitez faire connaissance avec une certaine Corée du Sud, superbement illustrée par les personnages et l'histoire écrite par
Gong Ji-Young. Si vous voulez vivre de belles et fortes émotions, ce roman vous comblera.
Roman d'amour, roman "policier", roman sociétal et social, roman "militant" au sens noble du terme, on comprend pourquoi on dit de
Gong Ji-Young qu'elle a révolutionné le genre.