Citations sur Féroces (124)
On ruine sa propre vie puis, très délicatement, on ruine la vie de ceux qui nous entourent.
On a tendance à vouloir aimer sa famille. En fait, on a même tendance à le faire.Même si l'on choisit de couper les liens avec tout ce qui avait été pour nous "chez nous", pour redéfinir l'espace dans lequel on vit, les émotions qui nous paraissent le plus naturelles, notre manière d'aimer, on reste hanté par un sentiment persistant de deuil et d'admiration à l'égard des êtres que l'on a connus en premier et le mieux. Même si on ne leur adresse plus jamais la parole, ils demeurent nos premiers et nos plus purs amours. Il y a, pour chacun de nous, une époque où ils signifiaient tout.
Parfois, cette époque dure toute notre vie. Elle est aussi éternelle que notre souffle. Elle ne s'altère ni ne meurt.
Parfois, elle prend fin à un âge très précoce. On n'y peut rien. Il arrive des choses.
Ce que j'achetai ce jour-là ne changea strictement rien, et j'ai passé ma vie entière à en parcourir, des kilomètres à pied, à chercher une chose ou une autre, la chose qui ferait la différence entre ce que j'étais et ce que je voudrais être. [...] Quelque chose qui viendrait apaiser la terrible beauté et l'inconsolable tristesse de la vie. Je ne l'ai jamais trouvé. Je ne cesserai jamais de le chercher.
Je vois ma propre enfance comme une aventure qui serait arrivée à quelqu'un d'autre, que je ne reconnais pas, comme une simple série d'images mouvantes dans lesquelles je ne suis qu'une silhouette insignifiante.
On a tendance à ne pas vouloir faire de mal, au départ. Ni à soi-même ni aux autres. Tout ce que l'on veut, c'est donner de l'amour, et recevoir en retour le don de l'amour, offert sans raison et au-delà de nos mérites.
Un jour, j'ai entendu un vieux gars de la campagne dire : "je crois qu'on décide très tôt si on va être heureux dans la vie ou pas, et ensuite on s'y tient."
J'ai continué. J'ai fait semblant d'être un enfant. Je savais que je jouais la comédie, que je n'étais pas la personne que je montrais. Je bâtissais sans malice une fiction, afin de pouvoir apparaître tel que les autres enfants : poli, avenant et drôle. je savais que je n'étais rien de tout cela. Je sentais bien que je copiais ce visage souriant, que je n'étais qu'une imitation. J'étais un tricheur, une contrefaçon.
Mon père est mort parce qu'il buvait trop. Six ans auparavant, ma mère était morte parce qu'elle buvait trop. Il fut un temps où moi-même je buvais trop. Les chiens ne font pas des chats.
Après un dîner, lors duquel les femmes étaient vêtues de robes de taffetas ou de soie et portaient des boucles d'oreilles, des colliers et des bagues ingénieuses spécialement choisies pour l'occasion, ma mère faisait passer un plateau de digestifs assortis de verres minuscules : crème de menthe, triple sec, Drambuie, cognac et liqueur de cerise. Parfois elle confectionnait un pousse-café, ce qui impliquait d'empiler des couches d'alcools en fonction de leur densité, pour finir avec un arc-en-ciel vertical de six ou sept liqueurs. Elle était un peu la Marie Curie des digestifs.
Ensuite, nous nous asseyons sur la terrasse dans la tiédeur des soirs d'été, à boire du Coca dans des verres en aluminium coloré. Les glaçons fondaient en cinq minutes. A l'époque, le Coca avait un goût différent, il était meilleur, ou du moins paré d'une certaine intensité, sur la terrasse, dans ces verres roses, rubis ou turquoise, dans la pénombre embaumée par le parfum humide du caladium et du mimosa. Assis là, sur la balancelle, les adultes prenaient leur "dégraissant", expression typique de Virginie pour désigner ce que les gens normaux appellent un dernier verre. Ils buvaient des Tom Collins de cinq heures de l'après-midi jusqu'au coucher.