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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
David Graeber, l'auteur du coriace Dette : 5000 ans d'histoire,s'allie avec un autre David pour se lancer à son tour dans un gros bouquin d'histoire globale. Commençons par les défauts. Déjà, c'est parfois pénible à lire, la faute à une structure un peu fourre-tout. Ça manque de direction, de sens de la narration, et pour cette raison je vois mal ce livre devenir un classique. Ensuite, les auteurs aiment taper sur Jared Diamond et Yuval Noah Harari, à qui ils reprochent, sans doute pertinemment, de céder à des préjugés idéologiques. Pourtant, nos deux David font exactement la même chose : leur perspective idéologique, ancrée dans la gauche universitaire américaine, est clairement féministe, anticoloniale et anarchiste. Je ne veux pas dire que ces sensibilités seraient « mauvaises » (je les partage en bonne partie) mais qu'il y a dans ce bouquin un biais idéologique évident. Ainsi, on a droit à quelques absurdités, par exemple cette affirmation sortie de nulle part que le pain levé aurait nécessairement été inventé par une « femme non blanche ». Là comme à d'autres moments, les auteurs laissent clairement de côté le scepticisme scientifique au profit des guéguerres idéologiques modernes, ce qui jette le discrédit sur l'ensemble de leur propos. Heureusement, la plupart du temps, ils développent leur argumentation de façon plus convaincante.

On commence inévitablement avec Rousseau et Hobbes, et la critique de la position défendue (partiellement) par Diamond et Harari : l'idéalisation du monde pré-agriculture et, paradoxalement, une sorte de téléologie qui rend inévitables les structures de domination moderne (raison pour laquelle, selon moi, Harari est tant apprécié par les puissants). Nos David défendent la théorie selon laquelle les sociétés à petite échelle ne sont pas nécessairement égalitaires et les sociétés à grande échelle ne sont pas non plus nécessairement autoritaires. Commence donc une plongée profonde dans nombre de sociétés passées, une plongée à la richesse inégalée dans, je crois, aucun autre livre que j'ai bien pu lire. S'il y a bien une raison de lire Au commencement était, c'est cet incroyable aperçu de la variété stupéfiante de l'organisation sociale des sociétés et civilisations passées, variété à laquelle je ne peux que faire allusion ici. En somme, il n'y aurait aucune forme originale des sociétés humaines.

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Voila un livre dont le titre aurait pu être "contre histoire de l'humanité", tant le but poursuivi par les deux auteurs, David Graeber anthropologue américain anarchiste et David Wengrow archéologue anglais spécialiste du moyen orient, est de déconstruire les mythes sur lesquels reposent notre vision du passé de l'homme.
Au premier rang de ceux ci figurent le mythe du bon sauvage "déchu" développé par J.J Rousseau et son symétrique inversé, "la guerre de tous contre tous" de Hobbes, nécessitant la construction d'un Etat fort.
Dénonçant les mises à jour qu'en font Harrari ( ROUSSEAU ) et Diamond ( HOBBES) , les auteurs passent en revue les hypothèses qui poussent à d'autres interpénétrations: ainsi les hommes du paléolithique ne vivaient pas nécessairement dans des petits groupes égalitaires, mais à certaines saisons pouvaient se rassembler en groupes importants pour certaines chasses, en mettant en oeuvre des forces de police spécialisées. Ainsi la coopération était possible plutôt que la guerre, et l'inégalité promue provisoirement.
Tout au long du livre les auteurs attaquent d'autres mythes comme la révolution néolithique car l'invention de l'agriculture n'aurait rien eu de fulgurant et aurait été pratiquée de manière transitoire et intermittente pendant des millénaires, voir refusée par certains groupes qui la connaissait pourtant parfaitement. Un phénomène important de comportements des hommes à l'échelle des sociétés serait d'ailleurs la shismogénèse qui induit des pratiques culturelles opposées pour des groupes au contact les uns des autres, plutôt que des oppositions à plus grande échelle.
Le mouvement aboutissant à la création des villes ne proviendrait pas d'une complexité engendrée par l'agriculture car d'une part l'administration s'est développée dans les villages pour tenir la comptabilité complexe des dettes et des créances de travail entre les habitants, et d'autre part les villes ont fonctionné sur un mode démocratique soit dans leur phase initiale ( villes sans roi), soit ont remis en cause la centralisation du pouvoir inégalitaire ( Théotihuacan et l'invention du logement social).
Enfin les origines de l'Etat actuel ne serait pas nécessairement à rechercher dans les grandes civilisations antiques ( Égypte, Empire inca, Chine...) car il manque systématiquement une dimension au mode de pouvoir exercé dans ces civilisations ( d'ailleurs le terme est également à questionner).

Même si parfois on se perd dans le dédale des groupes humains, villes antiques et civilisation évoquées,l'important est certainement le voyage entrepris par le lecteur, qui le met en rapport avec l'intelligence des hommes en lien avec l leur environnement et l'influence que les uns peuvent avoir les autres ( ainsi des indiens d'Amérique sur les lumières européennes et donc sur le monde occidental actuel).

Ce qu'il faut retenir de ce gros livre très riche c'est le caractère protéiforme de l'organisation passée des hommes et donc des possibilités que cela ouvre pour l'avenir, rien ne semble gravé dans le marbre et rien ne permet de dire à priori comment une situation donnée va évoluer, ce livre peut être ainsi considéré comme un hymne à la liberté des hommes, d'ailleurs il y en aurait trois dont la dernière, la liberté de repenser l'organisation sociale nous resterait accessible.
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Je viens enfin à bout de ce gros pavé de plus de 700 pages que j'ai traîné tous l'été à tel point qu'il s'est à présent désolidarisé en plusieurs morceaux. Les auteurs, de sensibilité anarchiste, se sont donné pour objectif d'apporter une réponse nouvelle à la question souvent posée de l'origine des inégalités sociales. Dans ce but ils montrent que c'est une erreur de croire que l'histoire de l'humanité à été linéaire. On serait passé des chasseurs-cueilleurs aux agriculteurs avec la fameuse révolution néolithique, sorte de point de non retour. Avec l'agriculture viendraient la propriété privée -et donc les inégalités- les villes et enfin l'État. En fait, nous disent-ils, les archéologues et anthropologues occidentaux ont trop souvent analysé les sociétés qu'ils étudiaient au prisme de celle dans laquelle ils vivaient. Mais les êtres humains ont été, à travers les temps, capables d'une grande imagination sociale et ce n'est pas parce qu'un mode de vie n'existe plus qu'il n'a jamais existé. Les auteurs prennent leurs exemples chez des peuples de la préhistoire, de l'antiquité ou chez des peuples premiers.

J'ai été particulièrement intéressée par ce qui est dit de ces organisations sociales originales et diverses. J'ai trouvé fascinante la variété qui nous est présentée. J'apprends ainsi que certains peuples ont été socialement et politiquement organisés de façon saisonnière : vivant une partie de l'année en petits groupes autogérés, l'autre en grands rassemblements sous l'autorité d'un chef tout puissant capable d'organiser la construction de monuments d'envergure (Stonehenge). Les grandes vacances à la française sont présentées comme une survivance de cette organisation.

L'inéluctabilité de la révolution néolithique est remise en question : des peuples qui auraient pu le faire ont refusé d'adopter l'agriculture, d'autres l'ont fait puis sont revenus en arrière. Dans le Croissant fertile le passage à l'agriculture est un processus qui dure 3000 ans, elle est d'abord saisonnière à la saison des pluies en complément de la chasse et de la cueillette. Enfin l'agriculture n'est pas née dans le seul Croissant fertile. Il existe de nombreux berceaux indépendants de la domestication des plantes et des animaux et on en découvre encore de nouveaux.

J'apprécie que les auteurs aient à coeur de questionner le regard occidentalocentré des historiens et anthropologue du temps passé. C'est une critique décoloniale que j'ai croisée à plusieurs reprises dans mes lectures cette année (Les femmes aussi sont du voyage, Une femme à la mer, L'exploration du monde) et que je trouve très intéressante. Il existe de sérieuses raisons de penser, nous disent les auteurs, que les penseurs des Lumières ont puisé les idées de liberté individuelle et d'égalité dans les récits de débats avec des Amérindiens écrits par des missionnaires.

Il est aussi question dans cet ouvrage des premières villes, qui sont plus anciennes qu'on ne le croyait et de la façon dont elles étaient gérées, qui n'était pas nécessairement verticale ; de sociétés qui s'organisent pour éviter les différences sociales.

C'est une lecture que j'ai appréciée. Si les auteurs revendiquent d'avoir placé au coeur de leur réflexion des civilisations insolites, habituellement considérées comme marginales, leurs thèses sont étayées par de nombreuses sources et donnent à réfléchir. C'est une mise au point bienvenue sur l'état de la recherche contemporaine en archéologie.
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Passionnante étude de civilisations disparues qui, grâce aux toutes dernières découvertes archéologiques, nous offrent un éclairage sur notre passé bien différent de celui unanimement enseigné et diffusé jusqu'alors.
Mais cette thèse, extrêmement érudite (la seule bibliographie fait 100 pages !), ne nous apprend-elle que notre passé ? Ne pourrait-elle pas constituer un guide pour nous créer un avenir nouveau ?
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David Graeber, l'auteur du coriace Dette : 5000 ans d'histoire,s'allie avec un autre David pour se lancer à son tour dans un gros bouquin d'histoire globale. Commençons par les défauts. Déjà, c'est parfois pénible à lire, la faute à une structure un peu fourre-tout. Ça manque de direction, de sens de la narration, et pour cette raison je vois mal ce livre devenir un classique. Ensuite, les auteurs aiment taper sur Jared Diamond et Yuval Noah Harari, à qui ils reprochent, sans doute pertinemment, de céder à des préjugés idéologiques. Pourtant, nos deux David font exactement la même chose : leur perspective idéologique, ancrée dans la gauche universitaire américaine, est clairement féministe, anticoloniale et anarchiste. Je ne veux pas dire que ces sensibilités seraient « mauvaises » (je les partage en bonne partie) mais qu'il y a dans ce bouquin un biais idéologique évident. Ainsi, on a droit à quelques absurdités, par exemple cette affirmation sortie de nulle part que le pain levé aurait nécessairement été inventé par une « femme non blanche ». Là comme à d'autres moments, les auteurs laissent clairement de côté le scepticisme scientifique au profit des guéguerres idéologiques modernes, ce qui jette le discrédit sur l'ensemble de leur propos. Heureusement, la plupart du temps, ils développent leur argumentation de façon plus convaincante.

On commence inévitablement avec Rousseau et Hobbes, et la critique de la position défendue (partiellement) par Diamond et Harari : l'idéalisation du monde pré-agriculture et, paradoxalement, une sorte de téléologie qui rend inévitables les structures de domination moderne (raison pour laquelle, selon moi, Harari est tant apprécié par les puissants). Nos David défendent la théorie selon laquelle les sociétés à petite échelle ne sont pas nécessairement égalitaires et les sociétés à grande échelle ne sont pas non plus nécessairement autoritaires. Commence donc une plongée profonde dans nombre de sociétés passées, une plongée à la richesse inégalée dans, je crois, aucun autre livre que j'ai bien pu lire. S'il y a bien une raison de lire Au commencement était, c'est cet incroyable aperçu de la variété stupéfiante de l'organisation sociale des sociétés et civilisations passées, variété à laquelle je ne peux que faire allusion ici. En somme, il n'y aurait aucune forme originale des sociétés humaines.

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