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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
L'histoire des sociétés humaines est toujours racontée de façon linéaire et évolutionniste : les chasseurs-cueilleurs deviennent agriculteurs et sédentaires, la propriété privée apparait alors, source de toutes les inégalités, des cités sont fondées, puis des civilisations et des États, origines des armées de métier et des guerres, de l'administration et de ses formulaires, du patriarcat, de l'esclavage. L'anthropologue David Graeber et l'archéologue David Wengrow, s'appuyant sur les plus récentes recherches et découvertes scientifiques, racontent une histoire infiniment plus complexe, faite de nombreux allers-retours et de multiples combinaisons. Un panel d'organisations sociales se découvrent, oubliées ou occultées, bouleversant nombre de croyances et jetant « les bases d'une nouvelle histoire de l'humanité ».
(...)

David Graeber et David Wengrow, avec cette impressionnante somme d'informations, parviennent à briser le récit unique évolutionniste. Dans un monde où on nous rabâche qu'il n'y a plus d'alternative, où tout est verrouillé, ils parviennent à bouleverser les imaginaires, à rendre de nouveau envisageable l'avénement d'autres possibles. En s'intéressant au passé, ils nous dotent de perspectives pour d'autres futurs, nous libèrent de la fatalité progressiste qui entrave notre imagination et nos volontés. Ils montrent également que l'État est loin d'être le seul mode de fonctionnement, quel que soit l'échelle, bâtant en brèche une idée trop largement reçue. Car « si l'humanité a bel et bien fait fausse route à un moment donné de son histoire – et l'état du monde actuel en est une preuve éloquente –, c'est sans doute précisément en perdant la liberté d'inventer et de concrétiser d'autres modes d'existence sociale. »

Article très complet sur le blog :
Lien : https://bibliothequefahrenhe..
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Quelques jours avant sa mort, en septembre 2020, l'anthropologue anarchiste américain David Graeber terminait cette “nouvelle histoire de l'humanité”, co-écrite avec l'archéologue David Wengrow. Prenant le contrepied des théories de Yuval Noah Harari (Sapiens) ou de Jared Diamond (De l'inégalité parmi les sociétés), les deux auteurs lancent un caillou dans la mare des grandes explications sur l'origine des inégalités. Alors que le récit communément admis selon lequel le tournant de l'histoire de l'humanité est l'apparition des états et de l'agriculture de la révolution néolithique, sous-entendant des sociétés pré-agricoles dépourvues de créativité et d'imagination, Graeber et Wengrow mettent en avant le fait que cette façon de penser notre histoire efface l'influence des cultures non-européennes sur la pensée occidentale et masque l'inventivité politique des sociétés premières, qui savaient “faire bifurquer leur histoire, remettre en cause les formes d'exercice du pouvoir – et, c'est tout aussi important, se garder la possibilité de s'y soustraire”. Certaines de ces sociétés, qui vivaient sans état, ou avec des formes d'auto-gouvernement aux structures souples, laissant de côté la propriété privée, pourraient être source d'inspiration pour trouver la réponse à certaines des impasses auxquelles sont confrontées nos sociétés. En remettant à l'honneur ces sociétés innovantes, les auteurs montrent la possibilité (et la nécessité) de se redonner la liberté de transformer la société, de réimaginer, de recréer les sociétés humaines sous une forme différente.
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Je me permets de reproduire ici le superbe compte rendu du chercheur Clément Bur, (libre de droits d'auteur et disponible ici https://journals.openedition.org/anabases/15084) sur cet ouvrage complexe et fondateur car je n'aurais pu prétendre moi-meme a une telle justesse d'analyse:


David Graeber, décédé en 2020, était un anthropologue américain connu pour ses prises de position radicales comme l'illustrent deux de ses ouvrages ayant rencontré un certain succès médiatique : Debt : The First 5,000 Years (2011) et surtout Bullshit Jobs : A Theory (2018). Il cosigne avec David Wengrow, archéologue britannique spécialiste des débuts de l'Égypte phara­onique, un livre qui s'inscrit dans la mouvance anarchiste de l'anthropologie, courant qui a le vent en poupe ces dernières années puisque Against the Grain. A Deep History of the Earliest States (2018) de James C. Scott avait déjà suscité un réel engoue­ment. D. Graeber et D. Wengrow proposent à leur tour une « deep history » dans The Dawn of Everything : A New History of Humanity, un best-seller auréolé de récompenses traduit quasi immédiatement en français, en italien et en allemand.

Cette somme est une attaque en règle contre la théorie évolutionniste structurant encore trop souvent notre conception de l'histoire de l'humanité. Les auteurs visent ici les recherches sur les origines des inégalités et de l'État qui subiraient encore l'influence plus ou moins inconsciente du mythe d'Adam et Ève, mais aussi des théories hobbesiennes et surtout rousseauistes. Ils dénoncent en particulier le postulat qui lie complexité sociale découlant d'un accroissement de la communauté et hiérarchisation selon un processus engagé depuis le néolithique. Il s'agit de démontrer comment l'humanité s'est retrouvée piégée, selon eux, dans un système monolithique de domination étatique légitimée par ces récits et théories. Ils ne prétendent cependant pas faire des chasseurs-cueilleurs un exemple de société idéale puisqu'ils réfutent tout autant leur supposé caractère égalitaire. Contre ce qu'ils considèrent comme un mythe des origines, les auteurs entendent montrer au contraire l'extrême diversité des modes d'organisation des sociétés humaines depuis des millénaires et souligner que l'État fut plus l'exception que la règle jusqu'à tout récemment. Ils s'appuient pour cela sur de nombreux exemples issus de la recherche récente en archéologie et en anthropologie sur tous les continents (même si l'Amérique prédomine). L'antiquisant ne peut que saluer cette entreprise qui vise à sortir le public du présentisme dénoncé par François Hartog, de l'obsession pour l'histoire contemporaine (voire très contemporaine), rejetant les expériences plus anciennes comme des états révolus – et souvent regardés avec condescendance – dont le seul mérite serait d'avoir conduit à notre société actuelle.

Comme il est malheureusement impos­sible de résumer en quelques lignes un livre aussi dense et foisonnant, je me contenterai de signaler les points les plus stimulants pour le lecteur d'Anabases. Tout d'abord, les auteurs ont à coeur de réhabiliter la pensée et les institutions des sociétés extra-européennes encore trop souvent considérées comme se situant à une étape antérieure aux sociétés occidentales sur l'échelle du progrès. Cette idée serait due aux philosophes des Lumières qui reléguèrent au stade de primitifs les indi­gènes pour répondre à leurs critiques sur le manque de liberté dans les sociétés occidentales. En effet, la liberté de partir, de désobéir et de « reconfigurer sa réalité sociale », constitua longtemps le pilier de la majorité des sociétés humaines selon les auteurs qui déplorent sa disparition. Ils soulignent ainsi que, si des européens choisirent de vivre avec les indigènes, l'inverse n'arriva jamais et que les Occi­dentaux durent recourir à la force pour convertir les colonisés à leur modèle social et politique. Cette réflexion s'accompagne d'une analyse particulièrement intéressante de l'influence de la pensée « sauvage » sur la pensée occidentale, avec notamment l'exemple du chef wendat Kondiaronk.

La naissance de l'État – et donc la ques­tion du pouvoir – constitue le coeur de l'ouvrage. C'est pourquoi D. Graeber et D. Wengrow reviennent d'abord sur la révolution agricole considérée géné­ralement comme inéluctable et comme indissociable de l'émergence des premiers États. Ils montrent que de nombreuses sociétés s'efforcèrent au contraire de ne pas y recourir et adoptèrent même des traits culturels opposés à leurs voisins selon un processus de « schismogénèse » qu'ils mobilisent fréquemment. Les auteurs défendent également l'idée que l'adoption de l'agriculture n'entraînait que rarement la clôture des champs et que la propriété privée apparut plutôt dans des contextes sacrés. Ils soulignent enfin l'importance des femmes dans l'émergence des techniques agricoles, parlant de savoir féminin. Ils poursuivent leur réfutation de la vision évolutionniste de l'histoire en s'opposant également à la théorie des quatre stades (bande, tribu, chefferie et État). Ils distinguent à la place trois formes élémentaires de domination (par la violence, le savoir, ou le charisme) pouvant chacune se « cristalliser sous une forme institutionnelle propre – souverai­neté, administration, politique héroïque » (p. 525) mais qui s'associent aussi pour former différents types de régimes.

Tout au long du livre, l'antiquisant trou­vera ample matière à réflexion et à remise en cause de ses propres préjugés. Un des exemples les plus frappants est ainsi le refus de considérer les mégasites ukrainiens et moldaves (1 000 habitations réparties sur 300 ha à Taljanky au IVe millénaire par exemple) comme de véritables villes car on n'y trouve aucune trace d'État. D'autres exemples, comme ceux des logements sociaux dans certaines villes américaines, montrent que la vie en ville n'impliquait pas nécessairement un gouvernement vertical. L'étude des changements saisonniers de l'ordre social chez certains peuples renverse la perspective puisque l'on s'intéresse habituellement au rapport entre pouvoir et espace. Les auteurs s'intéressent enfin au jeu, notamment rituel, et à son rôle comme terrain d'expérimentation sociale. L'étude du caractère spectaculaire du pouvoir les conduit également à s'interroger sur le pouvoir réel de certains chefs (comme le Grand Soleil des Natchez) qui ne dépasse parfois guère leur environnement immédiat.

L'ouvrage fourmille d'exemples, souvent peu connus des antiquisants, qui sont autant d'invitations au comparatisme et à changer notre regard sur les institutions antiques. Il offre également de nombreuses idées, plus ou moins originales, qui, si elles n'emportent pas toujours l'adhésion, ont le mérite de susciter la réflexion et de suggérer de nouvelles pistes de recherches. On peut toutefois regretter deux choses. L'écriture à quatre mains, le décès de D. Graeber avant la finalisation du manuscrit et sa longue gestation (près de dix ans) donnent le sentiment d'une suite de dossiers juxtaposés faisant parfois perdre le fil de la démonstration. Ensuite les opinions et arguments contraires sont évacués un peu rapidement (comme le reconnaissent les auteurs p. 649). Il n'en demeure pas moins que cette lecture est doublement salutaire. D'abord, comme citoyen, parce que ce livre déborde d'optimisme : en présentant l'incroyable diversité des expériences sociales de l'humanité, les auteurs incitent à poursuivre cette expérimentation pour résoudre les problèmes contemporains. Ensuite, comme historien, parce qu'il nous pousse à l'introspection et à réfléchir aux préjugés qui nous hantent et qui freinent notre compréhension de l'altérité des sociétés antiques.





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Graeber & Wengrow s'attaquent ici à un gros morceau : ni plus ni moins que de remettre en jeu notre vision de l'humanité, et de son Histoire. Difficile de ne pas y voir une réponse au "Sapiens" de Harari. Tout au long du livre, les auteurs n'ont de cesse de bousculer nos idées pré-conçues, à commencer par exemple par notre vision des Lumières, qui aurait potentiellement été nourrie par les réflexions des premiers "Sauvages" entrés au contact de la civilisation occidentale. En explorant d'autres formes historiques de société et d'organisation, tout est ainsi questionné, le rapport à la propriété, au travail, au marché, à la liberté. D'autres mondes sont bien possibles, et nous les avons déjà en partie expérimentés.
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Époustouflant Il est NORMAL, selon moi NORMAL, remplace le qualitatif bien, que je trouve comme création religieuse, donc fruit de l'imagination fallacieuse des non acomplis
NORMAL pour moi veut dire Naturel ethymologiquement derive de NATURE. Ce qui n'est pas normal n'est pas NATUREL.
Donc cette oeuvre c'est UNIVERSELLE, INQUALIFIABLE, sans possibilité de qualification
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