François Hartog est historien, directeur d'études à l'EHESS. En mai 2021 paraissait son ouvrage "Confrontations avec l'histoire" (Collection "Folio histoire", Gallimard), qui interroge les confrontations de l'Histoire au temps, aux hommes et aux idées. Il s'intéresse notamment à ceux qu'il nomme les "outsiders", des auteurs qui ne sont pas historiens de métier mais dont les interventions ont souvent servi de points de repère pour l'histoire elle-même.
Albert Camus,
Jean-Paul Sartre,
Claude Lévi-Strauss,
Roland Barthes,
Michel Foucault,
François-René de Chateaubriand sont de ceux-là.
L'ouvrage revient en outre sur un avant de l'Histoire : l'épopée homérique -l'origine du récit-, le poids d'
Hérodote d'Halicarnasse (Ve siècle avant notre ère) qui donnera sa forme et son nom à historia,
l'enquête, ou encore le développement de l'anthropologie historique dans les années 1970.
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L'affaire commence avec les Grecs qui ont dédoublé le temps en chronos et kairos : le premier est le temps ordinaire, celui des saisons, celui qui passe et qu'on mesure ; le second est celui de l'inattendu, de l'occasion à saisir, du moment favorable et de l'instant décisif.
Depuis la seconde moitié du XIIIe siècle, "ce n'est plus dans le temps, relevait [Reinhardt Kosseleck], mais par le temps que s'accomplit désormais l'histoire. Le temps se dynamise en une force inhérente à l'histoire elle-même". [...] Avec ce temps nouveau s'impose aussi un nouveau concept d'histoire. Elle s'entend désormais comme un "singulier collectif". On passe des "histoires", à "l'histoire au singulier" ; l'Histoire en soi.
"Quand le passé n'éclaire plus l'avenir, l'esprit marche dans les ténèbres." Par ces quelques mots, [Tocqueville - De la démocratie en Amérique] prend acte de la fin de l'ancien régime d'historicité (demeuré opératoire aussi longtemps que la lumière venait du passé) et donne du même coup la définition du régime moderne : il revient désormais à l'avenir d'éclairer le passé et le présent pour tracer un chemin [...]
La question, à la fois la plus pressante et la plus compliquée, est comment tenir ensemble les temps du monde et ceux du Système de la Terre.
Si la remarque pointe quelque chose de tout à fait juste, reste que le fondement même de patrimoine réside dans le fait de la transmission. Or l’environnement a été qualifié comme “patrimonial” à partir du moment où on a pris conscience que sa dégradation, accidentelle ou ordinaire (la pollution), temporaire ou irréversible, faisait surgir le problème de sa transmission, en la mettant en question
Le patrimoine, c'est ce dont l'on hérite et ce que l'on transmet. Or, au cours des dernières décennies, on a parfois créé et inventé du patrimoine et, souvent, opéré une mise au présent du patrimoine, en mobilisant des techniques qui relèvent de la scénarisation et de la présentification.
La cité grecque peut trouver ou retrouver une pertinence comme utopie
Des mémoires à faire reconnaître dans l'espace public comme un droit : un droit à la Mémoire. Avec la difficulté supplémentaire que ces mémoires s'avèrent souvent incompatibles.
Prophètes et historiens, non seulement recourent à l'écriture, mais font partie du monde de l'écrit.
C'est moi qui fus la belle Clio, si adulée. Comme je triomphais au temps de mes jeunes réussites. Puis l'âge vint [...] Alors j'essaie de me tromper. Je me livre à des travaux [...] Moi l'histoire, je trompe le temps.
Charles Péguy