Gunther Grass, «
Pelures d'oignon », Seuil, 2007
C'est l'histoire d'un garçon brillant, précocement doué, avec une forte sensibilité romantique. Grass sait, dés le départ, choisir son destin. Bien qu'il soit d'ascendance mixte, allemande et polonaise, il admire les nazis pour leurs idées de grandeur, de discipline et leur esthétisme.
Il collectionne les cartes de cigarettes représentant des chefs d'oeuvres européens - rêvant un moment de porter un uniforme et d'accomplir son service militaire, loin de sa mère aimante et d'un père effacé, loin de leur deux-pièces exigu, de sa Dantzig natale.
Après une période comme jeune conscrit, Grass se joint à une unité de Waffen SS, rassemblée à la hâte pour protéger l'écroulement du front de l'Est. Cette période de sa vie, caché depuis des décennies et d'abord révélée dans ce livre, a tout naturellement éclipsé le reste l'ouvrage.
Grass passe les derniers mois de la guerre, souvent pris au piège, derrière les lignes russes. Il survit à plusieurs accidents (évités de justesse). À la fin du conflit, il se retrouve dans un camp de prisonniers de guerre américain, où il prend des leçons de gastronomie et discute de religion, de poésie et de métaphysique avec un jeune fervent catholique nommé Joseph (futur
Benoit XVI) sic !
Après avoir été libéré du camp, il passe plusieurs années d'errance à travers un pays en ruines. Au début, il travaille sous terre dans une mine de charbon, avant de se faire embauché comme tailleur de pierre. Un tremplin pour obtenir l'admission à l'école des beaux-arts. Devenu sculpteur, il voyagea à travers l'Europe et fit la rencontre de sa première épouse Anna, avec laquelle il s'installa à Paris dans les années 50, et où il commença à écrire le roman qui allait le rendre célèbre «
le tambour ».
Pelures d'Oignon c'est une métaphore, ça permet de faire ressurgir à la surface le passé enfoui, souvent douloureux. Il est très facile pour les lecteurs qui ont grandi à l'abri de l'endoctrinement politique et les impératifs du conflit de la seconde guerre de porter un jugement moral. La guerre est injuste, elle crée des victimes des deux côtés. Peut-on reprocher à un gamin de 16 ans de s'être enrôlé dans les « jeunesses hitlériennes » ?
Ce qui est reproché à Grass – prix Nobel de littérature -, c'est d'avoir une sorte de mémoire sélective : une touche de victimisation avec des chicanes rhétoriques pour minimiser le passé sombre de l'histoire de l'Allemagne. C'est ainsi que chaque sentiment de culpabilité est équilibré par la comptabilité de sa propre terreur pendant les derniers mois de la guerre, la faim dans le camp de prisonniers, et son statut de refugié, déplacé et semi-orphelin.