Citations sur On reconnaît le bonheur au bruit qu'il fait en s'en all.. (61)
« Dieu nous préserve » pour éloigner le malheur. Quand un avion tombait, qu’un bateau coulait, quand une connaissance avait un cancer, ou qu’on risquait de rencontrer la tante Adrienne, celle qui faisait le mauvais œil, ma mère ouvrait sa main sur nous et nous disait : « Dieu nous préserve. » Elle s’armait de sa petite phrase comme une guerrière face au destin.
Comme tous les enfants, j’ai détesté mon père quelquefois, sa rudesse, sa froideur. Son autisme face à mes sœurs et moi. Il venait me chercher à l’école, et dans la promiscuité de la voiture, incapables d’échanger une conversation, notre malaise était palpable.
Ton rire jaillissant de tes petites dents espacées, le rire de ce bonheur passé. Je me souviens de ton rire. Un peu. Alors, je l’imagine lui aussi, qui revient faire un tour entre les petites dents écartées, tes dents d’enfant que tu as gardées jusqu’à devenir vieux, trop vite. Je ne sais pas, et pourtant, je t’imagine distinctement dévaler la ville à toute vitesse, pour retrouver au bout de ta course la Méditerranée, la mer, l’amour de ta vie, belle et translucide et te jeter dedans, comme un fou, au milieu des éclaboussures et des rires des autres enfants d’Algérie.
Il a parlé comme il parlait autrefois. Et c'est comme si sept petites bougies s'étaient allumées dans notre obscurité. Des bougies de la Toussaint, sur le cimetière de notre vie passée.
Les regrets de demain sont déjà dans la terre en petites graines fécondes. C'est de nos doigts qu'ils ont glissé.
Ma fille a couché sa tête sur ses genoux. Mon fils est blotti sous son bras. Les enfants regardent la télé et lui, il ne bouge pas. Ses mains ne s'agitent plus frénétiquement sur le tissu du canapé. Il ne se lève plus toutes les deux minutes. Il est immobile. Comme un arbre avec des oiseaux dessus. Immobile, pour ne pas qu'ils s'envolent, jamais.
On sait que chaque recoin cache un mystère, un animal étrange, une tribu, une pirogue qui suit le sillon d’un fleuve…
Le bonheur du passé nous réchauffe encore et encore. Nous le sortons de nous et nous nous rassemblons autour, tous les trois, serrés les uns contre les autres, voûtés autour de son feu déclinant. Comme trois misérables, collés tout près des braises, avec le froid glacial qui nous entoure. Les braises sont rouges encore et leur chaleur nous aide à rester vivants.
Nous ne parlons pas de nous. Jamais. Les timides ne savent pas parler d eux-mêmes. Ils ne peuvent pas. Ils parlent de la pluie et du beau temps. Ils laissent l autre s exposer, être dans la lumière. Un timide né brille jamais plus que dans l ombre.
Combien d'étoiles filantes emportent vers le ciel les vœux des gens désespérés ? Est-ce qu'ils s'imaginent qu'elles iront assez haut pour se faire entendre de Dieu ?