Citations sur On reconnaît le bonheur au bruit qu'il fait en s'en all.. (61)
Finalement, mon père n'a jamais autant voulu me parler que maintenant. Il me parle avec ses yeux, beaucoup, quand ses mots ne viennent pas, ou viennent n'importe comment. Emmuré dans son incapacité à communiquer, il me parle sans dire un mot, il me dit qu'il est enfermé, qu'il souffre, qu'il a tellement de choses à dire, mais qu'il ne peut plus. Aujourd'hui, il n'a pas réussi. Alors il s'est mis à pleurer, ses yeux plantés dans les miens, à pleurer à chaudes larmes, comme un enfant, un tout petit enfant devant moi, sa fille.
Je me demande jusqu’à quel point une maladie peut s’acharner sur un être. Je me demande pourquoi c’est mon père qui subit ça. Je ne sais plus quoi faire. Je ne fais plus rien pour lui. Je ne peux plus rien faire. J’essaie de vivre normalement. Je me dis que c’est la seule façon de survivre. Je reste avec mes enfants. Je suis bien avec eux. Je mets ma vie dans leur vie.
J’oublie. Je me souviens. J’ai la tristesse cachée derrière la joie.
J’ai appris qu’il ne faut pas attendre.
Les regrets de demain sont déjà dans la terre en petites graines fécondes. C’est de nos doigts qu’ils ont glissé.
Il y a quelque chose que j’aimerais dire à tous les bienheureux, tous ceux qui ont la chance d’avoir un père vaillant, un père qui peut prononcer leur nom, se lever, marcher avec eux, j’aimerais leur dire : « Fermez ce livre, ce plaisir solitaire du livre, vous avez toute la vie pour être seuls face à un livre, et sortez, descendez dans la rue, videz les artères des immeubles, répandez-vous sur les chemins en une hémorragie de fils et de filles, suivez le bruit de votre cœur qui bat et courez le retrouver. » Mon père n’était pas parfait. Il l’est devenu le jour où il a arrêté de parler, d’être froid, de toujours donner raison à ma mère, de me contredire. Ce jour où mon père est devenu invalide, je l’ai mis sur un piédestal. Mais ce sont toutes ses imperfections qui me manquent.
C’est ainsi que ma vie a commencé, dans les grandes mains de mon père, à refaire, jour après jour, le chemin des papillons.
Aujourd’hui, cela fait un milliard quatre cent vingt millions quatre-vingt-douze secondes que mes parents s’aiment continuellement. Pas une seconde vide, chacune replète et comblée par la présence de l’autre. Une éternité de petits grains courant dans le sablier, de gestes tendres, de regards, frôlements et battements de cœur glissant et s’entrechoquant dans la course du temps.
Quarante-cinq ans. Toute une vie dévalée main dans la main.
Et aujourd’hui encore, quand j’ai du mal à enfiler les chaussures des citadines, je sens mes racines traverser le béton, percer l’écorce terrestre et ressortir de l’autre côté du monde, dans la forêt, ma forêt de Guyane, et s’abreuver de l’eau des fleuves, Oyapock, Maroni, Sinnamary, de l’eau des marécages, de l’eau des pluies de l’équateur. Je suis un acajou planté en plein Paris, aussi grand et fort que les immeubles qui m’entourent. J’ai le bonheur de mon enfance qui se diffuse au goutte-à-goutte dans la sève de mes veines.
Et je te remercie.
Je me dis que peut-être l’insouciance, c’est quelque chose qu’on a jusqu’à un certain âge, et que lorsqu’on la perd, on ne la retrouve plus jamais.
Ma ère est seule.Elle est deux inséparables séparés.
Je me dis que peut-être l'insouciance,c'est quelque chose qu'on a jusqu'à un certain âge,et que lorsque la perd,on ne la retrouve plus jamais.
Cette petite femme aux yeux clairs a enlevé mes parents à leur tristesse.