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sur 360 notes
«Moi, c'était pas ma conception du djihad»

Pour «Grand frère» Mahir Guven a été couronné de nombreux prix et notamment le Goncourt du premier roman en 2018. Une récompense bien méritée pour ce récit à deux voix, celle du grand frère resté en France et celle du petit frère parti en Syrie.

C'est l'histoire de deux frères. L'aîné s'appelle Azad. Ça veut dire libre. Son cadet s'appelle Hakim. Ça veut dire le juste, le sage, l'équitable ou le médecin. Celui qui oeuvre pour le bien.
Il y aurait mille façons de résumer leur histoire. D'abord familiale. Dire qu'ils ont grandi en région parisienne auprès d'un père syrien et d'une mère bretonne qui est morte trop jeune. Que l'autre et ultime membre de la famille est leur grand-mère qu'il a fallu placer dans une institution parce que son esprit commençait à vagabonder.
Puis sociale. On pourrait parler de leurs efforts d'intégration, raconter comment de jour en jour ils progressaient au football jusqu'à rêver de gloire jusqu'au jour où une agression, un tacle trop appuyé – le jours où les recruteurs du PSG les suivait – a eu raison de leurs ambitions sportives. Ils ont alors déprimé, passant des journées avec leur console. L'un cherchant refuge dans la religion, l'autre dans la drogue.
La religion, parlons-en aussi. de ces musulmans qui écument la cité pour enrôler de nouveaux adeptes en leur faisant miroiter non seulement la noble cause, mais aussi de nombreux avantages. S'ils se décident à suivre ces «frères», c'est plus désoeuvrement et par manque de moyens financiers que par dévotion.
Enfin, il y aurait leur parcours professionnel. Car ils ont fini par se caser. le grand frère est chauffeur VTC et le petit frère infirmier. Une petite main en lequel on place une grande confiance puisqu'il est l'encouragé à remplacer le chirurgien lors d'opérations chirurgicales à coeur ouvert.
Des destins ordinaires qui vont basculer le jour où une ONG va proposer à Hakim de partir en Syrie, le pays de son père qu'il voit tant souffrir, pour soigner les blessés.
Son absence va durer trois longues années.
Mahir Guven choisit de nous livrer d'une part la version d'Azad et d'autre part celle d'Hakim. Une manière subtile de nous faire comprendre à la fois le ressenti de l'un et de l'autre, de constater combien la réalité peut être distendue.
Et alors qu'en France, à la suite des attentats, tous les Syriens sont devenus suspects, en Syrie on essaie de sauver sa peau. Trois années de souffrance, trois années d'incompréhensions. Jusqu'à ces retrouvailles inattendues: « Il croit p'têt que la vie, c'est un film? Qu'on revient comme ça au milieu de la nuit sans prévenir? Pour qui y s'prend? Et il attend dans le couloir, trempé comme un chien errant. Mais moi, j'ai rien demandé, ça fait trois ans que je lui cours après et que je dors plus. Et Monsieur débarque comme ça, gratuitement. À lui de s'excuser. Petite merde. Il a pas changé, pas grandi. À présent ses doigts tremblent. Il les glisse dans sa poche pour me les cacher. C'est mon frère, l'homme que je déteste le plus au monde.
Il a lu tout ça dans mon regard. Tout ce que je veux lui dire depuis dix ans. […] C'est mon frère et je l'aime plus que tout. »
Ce face à face entre le grand et le petit frère de retour de Syrie est à la fois bouleversant, instructif et diablement bien construit. Avec un scénario digne du meilleur polar, avec des rebondissements qui vous ferons passer par toutes les émotions. Une belle réussite couronnée par le prix Goncourt du premier roman. Une récompense amplement méritée!


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Alternance de chapitre de Petit frère et Grand frère (qui en a plus). Mère bretonne, père syrien, pas facile d'y trouver sa patrie. Grand frère s'est racheté une conduite en devenant chauffeur de taxi à son compte, tandis que Petit frère, infirmier, s'est fait embarquer au Cham (Syrie).
Le lecteur se sent vite happé dans ce monde que l'auteur maîtrise bien. À lire pour ce mélange de poésie, littérature, du parler de banlieue, verlan, argot, arabe. Prose unique !
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****

Dans une banlieue de Paris... Un homme, le daron de l'histoire, a perdu sa femme et tente autant qu'il peut, d'élever ses deux fils... L'aîné, Grand frère, est désormais chauffeur VTC. malgré son appart et son autonomie, tout n'a pas toujours été facile. Il a quitté l'école sans diplôme, s'est enrôlé dans l'armée pour en revenir perdu... le plus jeune, Petit frère, est infirmier. Il est né pour soigner, pour venir en aide à son prochain. Il est tourné vers l'univers, vers Dieu, vers les religions. Plus calme et plus sérieux que son aîné, c'est pourtant de lui qui viendra leur fin à tous...

Sorti à la rentrée littéraire de 2017, je me souviens vaguement avoir entendu parler de ce roman. C'est grâce à la sélection anniversaire des 68 premières fois que je l'ai ouvert il y a quelques jours...

Et ce que je peux en dire, c'est que c'est une sacrée gifle... C'est un roman percutant, qui coupe le souffle, qui tord le ventre et vous submerge de questions.
C'est un roman qui sonne comme la banlieue, avec son rythme, ses mots, ses personnages emblématiques.
C'est un roman sur l'embrigadement, sur les bonnes volontés bafouées, sur les rêves piétinés et la dure réalité qui rattrape et casse tout.

C'est aussi une formidable déclaration d'amour fraternel. le lien qui unit ces deux frères, l'incompréhension, la fidélité et la main tendue, à n'importe quel prix...

C'est enfin une histoire terriblement actuelle. Avec ces horreurs, ces blessures et ces pansements, qui tentent de masquer les douleurs et de sécher les larmes...
Lien : https://lire-et-vous.fr/2020..
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La mère elle est allée sonner à la porte de Dieu un 8 septembre, il y a 18 ans, ses mains, son odeur, sa voix lui manquent. le père moitié arabe, moitié kurde, mais avant tout communiste est chauffeur de taxi, il rêve de monter une petite entreprise familiale avec ses deux fils. Mais le Petit frère, surnommé Pansement, car il est infirmier, veut partir de la France pour soigner dans son pays ceux qui en ont vraiment besoin. La vie est trop courte, il veut l’aventure, la vraie. Alors il est parti sur la terre des fous et des cinglés, en Syrie. Le Grand frère, surnommé Pilote, travaille pour les traites, il est chauffeur VTC chez Uber, son seul diplôme, le permis de conduire, sa seule maitresse, sa voiture. Mais trois ans après, Petit frère revient, on ne rentre pas de Syrie par hasard.

Ce qui fait la force de ce roman c’est que tout sonne juste, l’utilisation du langage imagé des jeunes où verlan, argot et Arabe se mélangent y est pour beaucoup et le glossaire à la fin du livre est le bienvenu. Un style particulier, vivant, rapide, avec deux narrateurs qui alternent dans le récit. L’auteur nous parle de deux mondes qui se côtoient sans jamais se rencontrer, la vie des banlieues, les trafics, les indics, la mosquée, les joints, les meufs qu’ont emmènent au formule 1, des jeunes qui ne peuvent trouver leur chemin, qui ne savent pas d’où ils viennent, qui n’ont pas de colonne vertébrale, ni vraiment français, ni vraiment arabe. L’histoire de jeunes perdus, qui partent combattre en Syrie, et qui reviennent en France se faire exploser.

Mahir Guven nous entraine avec Petit frère, dans un hôpital de fortune, à 30 km d’Alep, sous les tirs meurtriers des partisans de Bachar, opérer, soigner, recoudre, sans aucun matériel. Nous roulons dans la grosse voiture de Grand frère, la précarité des conducteurs de VTC qui sont soumis au diktat des plateformes et leur conflit avec les taxis.

Un livre puissant et percutant, qui traite de ce qui gangrène notre société, cela fait mal, mais c’est la vérité. Une immersion dans une jeunesse qui se sent rejetée et qui est tentée par le terrorisme seul moyen d’exister, avec une fin qui est loin de tout ce que le lecteur a pu imaginer tout au long du récit. Un premier roman de grande qualité, qui a déjà été salué par de nombreux prix dont le Goncourt du premier roman.

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Histoire banale de deux frangins, une histoire qui ne fait jamais la "Une" des journaux, sauf le jour où....une histoire qui vous explose à la figure...
Azad, le Grand-frère est chauffeur Uber, il conduit 11 heures par jour une grosse berline étrangère, noire. Il aime conduire, c'est d'ailleurs pour cela qu'il fait ce boulot. Conduire vite, c'est pour ça qu'il n'a presque plus de points sur son permis et que Le Guen, un flic l'a dans le collimateur.
Hakim, Petit frère est quant à lui infirmier à l'hôpital Pompidou à Paris.
Maman, bretonne d'origine, est partie rejoindre les anges, et Papa quant à lui guérit sa solitude en conduisant un taxi depuis qu'il est arrivé en France. Il râle contre ce fils qui, avec sa grosse voiture noire, lui prend le travail...Le sien et celui de tous ses collègues.
Une famille banale de banlieue. Papa est venu de Syrie il y a longtemps, pour fuir Assad qu'il ne porte pas dans son coeur.
Petit-frère s'ennuie. Idéaliste et le coeur sur la main, il trouve peut d'intérêt dans son travail parisien. Il y a tant à faire pour aider le peuple syrien, calmer et soigner les souffrances dues à la guerre....alors il s'engage dans une organisation humanitaire musulmane et part vers cette Syrie qu'il ne connaît pas.
Il ne sait pas ce qui l'attend...on s'en doute un peu.
Grand frère est superficiel, il veut "tout niquer", ne se pose pas de questions. Sa bagnole est son monde, rouler, rouler, faire des heures..là est son plaisir. Cravate et mocassins sont de mise, bien éloignés de la casquette des copains de banlieue.
Opposition apparente de deux personnalités, des deux personnages.
Début d'un roman, qui bouscule le lecteur, à la fois par l'écriture et l'histoire. Ce premier roman fut couronné de prix littéraires. Et pourtant des puristes n'apprécieront peut être pas l'écriture, regretteront d'avoir à consulter le glossaire pour comprendre les mots des personnages de banlieue. Mais comment raconter ce monde de banlieue, ce monde d'immigrés de la première et de la deuxième génération autrement, sans en adopter les mots et les codes.
Cette vérité de la langue donne vie au roman, et plaisir au lecteur.
On s'en doute. On sait que Mahir Guven va nous bousculer, nous émouvoir. Mais comment ?
Chacun des trois personnages, le père, Grand frère, Petit frère m'a ému, même s'ils ne sont pas tous des anges, loin de là. Impossible de rester indifférent face à leurs histoires, face au drame.
Je pense avoir compris le destin de chacun des deux frères, ce qui ne veut pas dire excuser, loin de là. Ni pardonner.
Tous deux traversent la vie "hors des clous", chacun à leur façon.
Solitude et mal-être dans notre société, intégration, racisme...On se pose des questions sur le comportement des deux frères.
La faute à qui ? Peut-on espérer pardonner sans expliquer, sans tenter de comprendre ? Peut-on simplement pardonner ?
Tout l'intérêt de ce roman !
Nous retourner, nous bousculer...
Lien : https://mesbelleslectures.co..
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Un regard très intéressant sur le monde des banlieues défavorisées, des chauffeurs Uber, de la double culture et du djihad. le vocabulaire n'est pas très académique, c'est celui des jeunes de ces banlieues, mais il sonne juste comme l'ensemble du récit, et l'ouverture sur le point de vue de ces deux frères est enrichissante. Qui plus est, l'intrigue est judicieusement distillée et la lecture est très agréable.
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Chauffeur de VTC et indic pour la police, Grand frère n'attend pas grand chose de la vie. Il essaie juste de garder son taff, son appart et sa grosse, il évite les conneries pour en pas aller à l'ombre, et passe le reste de son temps à se demander où peut bien être passé son petit frère. Il est partie en Syrie, sur un coup de tête, soi-disant pour aller jouer au toubib. Est-ce qu'il est vivant? Ou est-ce que le bled et la guerre ont eu raison de lui? Et s'il décidait de revenir en France un beau jour?

Difficile pour moi d'entrer dans ce récit, j'en suis restée spectatrice, sans vraiment m'y jeter à corps perdu comme d'autres l'ont fait. Je suis restée admirative de cette plume atypique, tout en pestant dès que je devais aller chercher un mot dans le glossaire en fin d'ouvrage. J'ai aimé relire certains paragraphes en ayant l'impression d'avoir sous les yeux les paroles d'une chanson de rap – incroyable comme le texte peut prendre vie, se transformer en mélodie, juste avec quelques sons récurrents. Je n'avais jamais lu un livre comme celui-ci, sans caricatures, sans fioritures, où se mélangent tous les mots qui font notre langue française de tous les jours. Surprenant.

Pour autant, cet exercice de style m'a séduite de manière assez théorique – j'ai admiré la prouesse mais elle n'a pas su me prendre aux tripes, me mettre à la place du Grand frère, m'immerger dans cette histoire familiale difficile. Plusieurs indices m'ont mise sur la voie du dénouement, je n'ai pas été particulièrement surprise malgré les efforts de l'auteur pour ménager un certain suspense. Tout se passe à la fin, tout le reste n'est que description et contextualisation, et finalement, le plus intéressant n'est pas l'intrigue en soi, mais le portrait que dresse Mahir Guven de cette génération désabusée, ayant grandi en banlieue parisienne, avec un plafond de verre pour tout horizon, le béton pour toute référence et le Cham à porter comme seule identité dans une France en proie au terrorisme.
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Waouw quel livre! Sur fond de djhiadisme, l'histoire de 2 frères issus d'un couple mixte (père syrien et mère française).Le père, taximan "légal" a tout fait pour "bien" élever ses 2 garçons après le décès de son épouse. Grand Frère , après une adolescence chaotique est devenu chauffeur VTC. Il mène une vie plus ou moins normale. Petit frère est devenu infirmier et travaille à l'hôpital tout proche. Il fréquente de plus en plus assidument la mosquée.Et puis un jour, il part en Syrie, officiellement en tant qu'infirmier. Qu'est-il vraiment devenu ? Il ne donne plus de nouvelles. Jusqu'au jour où ....
Le livre alterne le point de vue de Grand Frère et le point de vue de Petit frère. le style est dynamique, jeune (utilisation de mots d'argot pour lesquels on trouve un glossaire en fin de livre),poignant , captivant.
Ce roman (biographique ?) a reçu plusieurs prix bien mérités.
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On apprend leurs noms seulement en fin de roman mais cela n'a pas d'importance, ils restent pour nous « Grand frère » et « Petit frère ». le grand, resté seul, orphelin de son petit frère, désemparé, au volant de son VTC à bord duquel il passe de longues heures, à tourner dans la ville, avec à son bord des passagers qui, parfois, ne lui parlent pas. Ce qui l'agace. Tiens, j'ai toujours trouvé les chauffeurs de taxis bavards assez fatigants, j'apprends qu'ils ont besoin de s'occuper l'esprit et la langue...

Quant à Petit frère, ce qu'on sait c'est qu'un jour il a disparu, entraîné en Syrie par un membre d'une association humanitaire qui oeuvre au service des citoyens dans les zones de guerre contre Bachar el Assad. Disparu, envolé, sans un mot, sans même que sa famille puisse imaginer son projet ! D'infirmier le voilà promu médecin voire chirurgien à l'occasion, sous les tirs de kalachnikov.

Derrière lui, un père, taxi (donc totalement en désaccord avec le Grand frère, VTC), effondré, abasourdi, d'autant que la mère est décédée depuis longtemps et que sa vie ressemble à un long trajet triste. Où donc se trouve son jeune fils ?

Les textes alternent, sous la plume de l'un et de l'autre frères. Les sentiments et les émotions affleurent, discrets, bien réels, entre rancune, colère, ressentiment et tendresse ineffable, émergence des souvenirs doux de l'enfance.

Un joli texte, qui nous donne quelques clés pour comprendre ce qui se passe dans la tête de jeunes Arabes dont le pays est à feu et à sang, entre désir d'aider leurs frères et terreur de se faire engager quasi malgré eux dans des combats cruels.

Le dernier looping final vient déconcerter le lecteur et maintient l'intérêt jusqu'au bout de la lecture. Intéressant et sensible.

Merci à Archie dont la chronique m'a incitée à lire ce livre!
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Sur la dédicace de mon livre, Mahir Guven a écrit « le bitume avec une plume ».

Voici en quelques mots toute l'essence de ce roman choral. le vocabulaire charrie le béton, la cité et la rue dans un récit qui accroche tout en restant poétique. C'est l'amour et la haine de ce grand frère privé d'une moitié, son frère plus jeune parti en Syrie puis revenu. C'est la débrouille, la vie. Une société qui les écorche, le profit, la lutte et une réalité qui interroge : le Djihad en Syrie, l'endoctrinement et la radicalisation la violence, la précarité, l'ubérisation… les faits se lient d'une narration à l'autre nous entrainant de Paris au Cham, du siège d'un VTC à la guerre dans une angoisse soutenue jusqu'à la dernière ligne.

Un roman vif d'une franchise stupéfiante qui prend aux tripes et s'avale d'une traite.
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