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Critique de MarcoKerma


Vers 1980, je pense, j'avais vu et entendu Pierre Guyotat lire, dans une émission de tv (chez Pivot ? alleurs ?) un extrait d'un de ses textes et j'avais reçu un choc de la puissance de feu de cet extrait scandé, craché, comme un vagissement, un langage primaire, brut, sauvage etc.. Voilà pourquoi j'ai eu envie de lire ce livre.
Je ne mets aucune étoiles, non pas parce que je considérerais que ce livre ne vaut rien mais parce que je ne peux pas le noter pour la bonne raison que je renonce à continuer à le lire au bout de 17 pages fortes et pénibles, ceci parce que les situations dont il est question y sont l'horreur absolue (la même "horror" que gémit Brando/Kurtz dans d'Apocalypse Now ) des viols, sévices, tortures, meurtres, massacres, crimes, abominations inimaginables mais bien réelles que des soldats français d'un RIMA (Régiment d'Infanterie de Marine) font lors de descentes dans des mechtas ou dans les casernements pendant la guerre d'Algérie.
Pour dire ces horreurs y a-t-il des mots ? Il faut pourtant bien que quelqu'un le fasse, puisque les soldats eux-mêmes ont bien du mal (et pour cause !) à le faire ou que cela a été systématiquement censuré. Guyotat, qui a certainement vu cela, tente de le faire en créant un texte haletant et halluciné, les seules "respirations" étant des ;
Le livre est donc constitué d'une seule phrase, sans point final, phrase qui ne se termine pas puisque les derniers signes de ponctuation sont ... 3 petits points.
Littérairement c'est donc un ovni (Objet Vérité Naturellement Interdit, une fois édité), peut-être même sans équivalent (même si je suis quasi sûr que d'autres l'ont fait). Cette audace littéraire, plus proche de la musique que de l'écriture, est importante mais, dans le style je préfère de loin Claude Simon (qui est un de mes auteurs favoris et qui appréciait l'oeuvre de P Guyotat) et, plus éloignés, Nedjma de Kateb Yacine ou les Chants de Maldoror de Lautréamont.
Ici c'est davantage le "mal d'horreur" et c'est, en tous cas pour moi, juste impossible que je continue à laisser entrer dans mon cerveau la description sans auto-censure de tels actes. Je n'ai jamais pu lire jusqu'au bout non plus la cité de la joie de Dominique Lapierre ou les 120 journées de Sodome ou Justine du marquis De Sade : c'est trop crade, trop cruel, trop insupportable pour ma sensibilité..
Cela ne m'empêche pas de comprendre que c'est un livre important dans l'histoire de la littérature française et par rapport à l'histoire de la guerre d'Algérie. Les brefs textes de Roland Barthes, Philippe Solers et Michel Leiris, placés en exergue, sont là pour le signaler.
Donc un livre qui, sûrement, parvient à s'approcher d'une restitution écrite de l'Horreur.
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