Comment envisager alors ce retour des préoccupations morales? On ne peut pas faire comme si elles étaient bienveillantes en soi, confondant ainsi morale et bonnes intentions alors que ces dernières font partie de ce qui a fait le plus de mal. De fait, elles peuvent servir aujourd'hui encore aux pires justifications, comme appeler à des efforts indifférenciés de tous en arguant que la crise écologique est la même pour tous, ou bien affirmer que la population humaine serait trop nombreuse, au nom de la défense de la nature. p.12
[...] si l’on observe des non-humains, des fourmis par exemple, on ne pense pas apprendre quelque chose aux fourmis elles-mêmes. On entame plutôt cette recherche dans le but d’apprendre soi-même, ainsi qu'aux autres entomologistes et à tout amateur de fourmis et/ou de sciences, quelque chose à propos des fourmis. Il en va de même pour les sciences humaines : le sociologue n’apprend pas quelque chose aux personnes qu’il étudie, mais cherche plutôt à apprendre d’elle comme à dire ce qu’elles font. p.36
Il nous faut alors cultiver une relation de “non-symétrie” avec Gaia : “La nature nous intéresse alors que nous n'intéressons pas la nature”. L’enjeu (moral) n’est pas de sauver la planète mais plutôt de nous protéger. Il s'agit de passer de l’idée que la Terre serait en danger à l’idée que c’est nous qui le sommes: si la planète est rendue inhabitable par notre faute, il y aura probablement évolution vers un régime qui sera plus favorable à la vie, mais pas obligatoirement à notre avantage. p.96
Le monde que nous habitons n'est pas composé que de populations, d'activités économiques, de terres habitables et d'espaces inexplorés : il est aussi tissé de récits. Face à la crise écologique, nous devons fabriquer de nouveaux imaginaires, plaident les auteurs d'un livre collectif radical et inventif dirigé par la philosophe Émilie Hache : "De l'univers clos au monde infini".