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Stephanie Haerdle (Autre)Stéphanie Lux (Traducteur)
EAN : 9782895963684
307 pages
Lux Éditeur (08/04/2021)
4.2/5   10 notes
Résumé :
Ce qui fascine dans l’histoire de l’éjaculation féminine, explique Stephanie Haerdle, c’est d’y découvrir que dans plusieurs cultures, et à plusieurs époques, elle était non seulement une expression parfaitement évidente de la sexualité, mais était révérée. Ce qui soulève une question tout aussi passionnante: pourquoi, à partir du XIXe siècle, l’éjaculation féminine a-t-elle été sans cesse ignorée, honnie ou reléguée au domaine du « antasme sexuel masculin»?
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Critiques, Analyses et Avis (5) Ajouter une critique
Bon, je sais, vous allez penser : de quoi il se mêle celui-là ? Auquel cas je serai obligé de répondre que j'ai subrepticement dérobé ce livre pour ne pas être pris en flagrant délit... Cela me rappelle ma jeunesse au siècle dernier et certaines cassettes...
On commence donc ce livre avec des phrases amusantes après la période que nous venons de vivre : « La médecine et l'anatomie n'ont jamais été des sciences stables: elles sont influencées par des facteurs socioculturels, économiques et politiques. ». J'oserai questionner : est-ce alors complètement de la science ?
En tout cas, j'avoue avoir été surpris de peu de connaissances académiques autour de l'organe féminin sujet de ce livre. C'est à peine croyable d'être si mal être informé de cette partie d'anatomie jusqu'aux mots qui s'y rattachent : éjaculation, orgasme, clitoris, vagin, urètre, prostate.
Le préliminaire est ici culturel puisqu'on commence avec la Chine et la place occupée par l'acte sexuel dans la culture et les écrits : « Pour que l'homme et la femme puissent s'unir en toute harmonie, l'homme doit apprendre à «lire» le plaisir de la femme. Les textes chinois anciens décrivent jusqu'à la moindre de ses réactions sexuelles et indiquent précisément à l'homme comment réagir à quels signes. ». L'auteure cite de nombreux textes qui gagneraient peut être (si ce n'est déjà fait) à être traduits en français : Fleur en fiole d'or, Femmes derrière un voile...
Le voyage continue en Inde, où on apprend qu'en sanskrit, un seul et même mot, śukra, désigne l'éjaculat masculin et féminin. Kamasutra, Kāmashāstra (manuels d'érotologie ) Bouddhisme tantrique ...
On s'approche ensuite : antiquité... un début d'explication pour notre civilisation gréco-romaine (désolé pour les autres) : « le désir et le plaisir sexuels de la femme n'y jouent plus qu'un rôle négligeable, et par conséquent la semence féminine ne jouit pas de la même considération que les fluides sexuels féminins dans les textes anciens chinois et indiens. »
La femme devient alors une version imparfaite de l'homme, puis avec l'avènement de la chrétienté, elle est essentiellement là pour procréer. Il est vrai que les livres érotiques (L'École des filles ou La philosophie des dames) existent également mais on les cache, on les brûle...
Au 19ème les mots se précisent pour nommer l'éjaculation féminine : «pollutions» que certains médecins identifient comme un symptôme de l'hystérie. Moriz Rosenthal dans son « Traité clinique des maladies du système nerveux », ouvrage de « référence » traduit partout, consacre un chapitre entier à l'hystérie la «plus mystérieuse parmi toutes les maladies des femmes et leurs troubles nerveux». C'est à lui que l'on doit l'ajout aux signes cliniques de l'hystérie la fameuse pollution nocturne. Décidément, les viennois...
On rappelle que la théorie psychanalytique de M. Sigmund Freud tend à considérer la femme comme un être masculin incomplet, un homme castré.
Il faut attendre en gros 1978 pour étudier sérieusement la prostate féminine, le clitoris, l'urètre et le lecteur sera surpris d'apprendre qu'aujourd'hui, avec toute la technologie d'investigation dont nous disposons (scanners, IRM, échographie etc...) subsiste une telle incertitude de représentation autour de cet organe féminin par excellence.
« En 1998, Helen O'Connell publie dans la revue Journal of Urology les résultats de ses recherches sur l'anatomie du clitoris et montre que le clitoris est bien plus qu'un «petit bouton de chair». Il s'agit au contraire d'un organe érectile complexe qui, au-delà de sa partie visible, la perle, se prolonge à l'intérieur du corps et est étroitement lié au vagin et à l'urètre. O'Connell explique que les manuels d'anatomie, même récents, ainsi que la plupart des articles scientifiques, décrivent le clitoris de manière imprécise, incomplète ou carrément fausse »
On s'interroge... On apprend en passant que des organismes sont chargés de définir la dénomination exacte des organes : l'International Federation of Associations of Anatomists (IFAA), établit ainsi une terminologie médicale unifiée à l'échelle internationale. L'une de ses extensions le Federative International Committee for Anatomical Terminology (FICAT), décide seulement en 2001, d'inclure la notion de «prostate féminine» dans la nouvelle édition de sa Histological Terminology.
Enfin, la dernière partie est résolument sociétale (et plutôt étasunienne) et insiste sur tous les aspects du plaisir sexuel féminin, allant jusqu'au porno qui mise à fond sur cette redécouverte.
Il est temps pour moi de rendre ce livre aussi discrètement que je l'ai emprunté, au moins ai-je l'impression d'avoir appris quelque chose. Mais il ne faut pas l'ébruiter...
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Retraçant l'histoire de l'éjaculation féminine, Stephanie Haerdle montre comment celle-ci, pourtant admise et même parfois révérée de la Chine ancienne à l'Inde, a été niée, refoulée, tabouisée en Europe à partir de la fin du XIXe siècle. Cette histoire est aussi celle de la femme et de son plaisir, celle du corps féminin, de sa célébration ou de sa dévalorisation, car la médecine et l'anatomie, longtemps aux mains des hommes, ont été modelées selon des perspectives, des attentes et besoins masculins.
(...)
En empruntant un angle original, Stephanie Haerdle donne à lire une histoire du corps de la femme, de sa place dans la société.

Article complet sur le blog :
Lien : https://bibliothequefahrenhe..
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Stéphanie se frotte à un sujet difficile qui puise au plus profond d'elle même et qu'elle nous exprime avec originalité.

La science ne sera pas à la source de cet ouvrage, car si les deux premières phrases exposent avec une précision au pourcent près que
« les femmes aussi éjaculent […] c'est le cas de près de 69% d'entre elles », on lit aussi plus loin : « les chiffres varient énormément d'une source à l'autre […] entre 10% et 69% » (p.22).
On retient donc que la précision se resserre sensiblement pour achever.

Pour pénétrer ce sujet fuyant, plutôt que de science « dure », il s'agirait en effet de science humaine, en l'occurrence, d'histoire :
« Cet essai a donc pour ambition de retracer l'histoire culturelle de l'éjaculation féminine ».
Soit, mais depuis le point de vue de quel contexte culturel ?

Fallût-il prendre l'homme pour gabarit ?
« Lorsqu'on entend « éjaculation féminine », on pense immédiatement à « éjaculation masculine » [bas de la note de première page] et même : « L' « éjaculation féminine » et la « prostate féminine » […] font directement référence à leur équivalent « masculin » et mettent ainsi en avant la ressemblance entre les corps humains »…
Les humains – et les femmes – sont donc des hommes comme les autres, nous progressons.

Doit-on alors parler de science historique féminine, déchargée d'une science historique masculine :
« je crois profondément en la diversité sexuelle [première note de bas de page] La classification des êtres humains en deux « catégories », homme et femme […] est problématique […] pourtant, pour raconter cette histoire des fluides sexuels, c'est bien avec ces catégories que je vais devoir travailler. Car c'est à travers elles que, pendant plusieurs milliers d'années, le monde a été perçu, compris et expliqué […] j'emploie [donc] l'expression « éjaculation féminine » »...
L'universalisme violerait en effet avec intolérance l'unité de la théorie des genres (homme/femme) et de la biologie (de l'homme, de la femme) qui s'impose et forcerait à la nuance, ce qui n'est pas ici notre propos. Il n'est pas du tout dans notre idée, pour rester au sein de la biologie, de faire surgir une distinction entre l'éjaculation pénienne et l'éjaculation vulvaire.

La règle est donc l'unicité qu'il faut exprimer d'un trait :
« Dans un monde où l'ouverture et la fluidité des sexes et des genres sera omniprésente et connue de toustes [sic], nous ne parlerons plus que d'éjaculation, comme d'un phénomène propre aux personnes de tous sexes ».
L'homme est la mesure de toute chose comme disait l'autre et la fonction d'un organe dominant ne saurait sans iniquité être retirée aux corps qui en sont dépourvus. La science historique, c'est une évidence, sera donc masculine.

L'accouplement du féminin au masculin est d'ailleurs clairement revendiqué :
« Si la société ne peut pas reconnaître l'éjaculation féminine, c'est parce que celle-ci fait de la femme l'égale de l'homme » [exergue 1]… « Est-il si effrayant de croire qu'une femme puisse, en quelque sorte, éjaculer elle aussi ? » [exergue 2].
Ben oui, ce serait vraiment donner une verge pour se faire fouetter que d'introduire la supputation que la sécrétion dont on nous abreuve ici ne comprend pas ordinairement de gamètes !

L'objection est vite évacuée :
« les hommes stérilisés n'éjaculent pas eux aussi ? » surtout s'ils ont « subi une vasectomie » ? « qu'est-ce qui nous empêche, dès lors, d'employer le terme « éjaculer » dans les deux cas » [le pénis, la vulve] ? Mais oui, enfin, c'est vrai, disons la vérité toute nue comme elle se présente : la biologie sacrifie à la science humaine et celle-ci est bien soumise à la masculine ! Je sens que ça vient maintenant, on touche au but.

Éructons alors pour finir à la surface de la terre la puissance de notre désir de conformer le monde à son vocabulaire :
« l'existence MÊME de l'éjaculation féminine est AUJOURD'HUI ENCORE un sujet de controverse. [Elle] a été interprétée, voire INSTRUMENTALISÉE […] Il est tout aussi passionnant de se demander pourquoi l'éjaculation féminine [ici, les guillements ont disparu] a été SANS CESSE IGNORÉE, REJETÉE ou RELÉGUÉE… »
Voilà, c'est clair comme de l'eau de roche, inutile de préciser, nous enfonçons des portes ouvertes...

Pour conclure, nous suggérons de nous introduire, avec son consentement, dans la pensée de Stéphanie, qui aurait tort de survoler la théorie des genres, et de placer dans sa bouche ce qui lui occupe l'esprit et que nous résumons ici d'un jet : je suis un homme, moi aussi, je pisse debout et je gicle quand je jouis. Je vais produire pour vous le dire un bouquin au prétexte de traiter un sujet quelconque, mais si je me suis fait comprendre avant la fin de l'introduction, vous vous exonèrerez deux cents pages confuses que d'autres ouvrages mieux documentés traitent plus précisément. Je m'excuse par avance de n'avoir pas trouvé d'autre moyen de vous le dire.

Bon, ben voilà, merci Stéphanie de nous avoir fait ton coming-out, mais c'était vraiment pas la peine d'en faire un orgasme ; débande un peu maintenant que c'est dit, intéresse-toi à la masculinité toxique, histoire de voir si tu ne serais pas un peu concernÉ, et consulte de temps à autres des ouvrages gays pour apprendre à vivre une sexualité apaisée. Tiens-nous au courant de tes avancées, et ne t'en fais pas, c'est arrivé à d'autres, nous aussi on t'aime, ça va bien se passer mon bonhomme. Bises.
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« Fontaines », de Stephanie Haerdle, traduit par Stéphanie Lux, est un essai passionnant qui retrace les recherches existantes et l'histoire culturelle de l'éjaculation dite féminine, de l'Antiquité à nos jours. D'un côté, nous avions les textes anciens de Chine et d'Inde dans lesquels le plaisir de la femme occupait une place prépondérante (malgré le statut de la femme dans la société), ce qui donnait lieu à de surprenantes et avant-gardistes découvertes. de l'autre, l'obscurité des penseurs de l'ère gréco-romaine qui ne respectaient les femmes ni dans la vie, ni au lit, les considérant comme une version défectueuse de l'homme.

À partir de ces faits historiques, l'autrice déroule le récit palpitant d'une anatomie et d'une jouissance considérées comme inférieures, jamais étudiées. « Toutes les études rigoureuses qui ont été menées sur la vie sexuelle jusqu'à présent l'ont été par l'homme pour l'homme uniquement. Lui seul a étudié le sujet, et lui seul a fait de la femme un objet d'étude », écrivait Anna Fischher-Dückelmann... en 1908. Si elle savait...

Cet essai, fruit de vingt ans de recherche, est là pour combler ces lacunes. J'y ai notamment appris que toutes les personnes munies d'une vulve ont potentiellement déjà éjaculé (en 1997, une étude parlait de 75% de personnes assignées femme). Car il faut différencier les sécrétions plus importantes pendant l'orgasme issues de la prostate (à ne pas confondre avec la lubrification vaginale, la cyprine) et celles qui ont lieu quand on « squirt », issues de la vessie mais qui ne sont pas de l'urine.

Quant au point G, nommé d'après un homme, je savais qu'il était en fait une zone, mais pas que c'était un groupe de lesbiennes qui y avaient dirigé l'attention des chercheurs. le livre fait la part belle aux militantes queer qui ont participé à briser les tabous, notamment Shannon Bell, pour qui « il n'existe qu'un seul corps humain, et les frontières entre masculin et féminin sont fluctuantes ».

Alors, si autant de personnes éjaculent, si nos corps ne sont finalement pas si différents que ça, pourquoi n'a-t-on jamais entendu parler que du sperme des hommes cis ? Je vous laisse méditer là-dessus. Et vous plonger dans les eaux plus si troubles de l'éjaculation féminine en lisant « Fontaines ». Je termine par une citation issue du livre : « L'éjaculation est une manifestation possible, parmi de nombreuses autres, de la puissance sexuelle féminine. Elle ne doit pas devenir une injonction de plus faite aux femmes. Ce qui est important, c'est de savoir que les femmes peuvent éjaculer. Que celles qui le font sachent ce qui leur arrive. »
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Stephanie Haerdle présente ici un fantastique travail de recherche sur l'éjaculation féminine, et plus largement sur la représentation du plaisir sexuel féminin à travers les âges. Dès les premières pages, le constat est sans appel : on souffre aujourd'hui d'un cruel manque de savoir concernant l'éjaculation féminine, savoir qui semblait pourtant avoir déjà été acquis par le passé.
A travers l'exemple de différentes sociétés acceptant voire vénérant l'éjaculation féminine, Stephanie Haerdle cherche à comprendre comment un tel savoir peut disparaitre. En lisant son texte, le lecteur ou la lectrice prend rapidement la mesure du désastre. Pendant longtemps, l'éjaculat féminin a été perçu comme indispensable à la conception d'un enfant, attribuant donc un rôle crucial au plaisir féminin. Au fur et à mesure que les scientifiques ont rejeté cette idée, l'éjaculat féminin est tombé dans l'oubli, l'essentiel de la recherche s'intéressant désormais au sexe "supérieur" : le pénis. de nombreux intellectuels ont participé à cette vision de la femme comme un homme en moins bien (Freud Freud Freud...) plongeant alors le plaisir féminin dans un oubli total. Cependant, grâce aux travaux de recherches et militants de nombreuses femmes, le sujet revient désormais sur la table, laissant espérer une future période de prospérité sexuelle pour de nombreuses femmes encore gênées voire terrifiées par un phénomène parfaitement accepté il y a quelques centaines d'années.
Plus largement, le texte s'intéresse aux relations homme-femmes, et aux conséquences négatives de l'hégémonie patriarcale sur le corps et le psyché des femmes.
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Citations et extraits (4) Ajouter une citation
Dans les cultures qui considéraient le corps féminin comme semblable au masculin et où on accordait une grande importance au sexe et au plaisir féminins, la femme éjaculait elle aussi. En revanche, dès lors que l’ovule et le spermatozoïde ont pu être observés au microscope et que l’on a compris le mécanisme de la procréation humaine, l’éjaculation féminine, si elle avait toujours lieu dans les faits, a complètement disparu du discours médical, qui a contribué à l’invisibiliser.
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Ce n’est pas un hasard si les personnes qui contestent l’ordre hétéronormatif et binaire, gender terrorists, lesbiennes ou gender déviants sont aussi précurseurs en matière d’éjaculation. Pour Bell, le corps féminin éjaculant est le corps postmoderne par excellence.
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Les rôles passif ou actif, donnant ou recevant, fort ou faible, pénétrant ou pénétré, baiseur ou baisé, ne sont pas des caractéristiques des corps en soi, mais des constructions culturelles, qui poursuivent un but idéologique. Il est nécessaire de porter un regard nouveau sur nos corps, de trouver d’autres mots.
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Le corps éjaculant n’est pas un corps maternel, c’est un corps sexuel, autodéterminé, agressif. Pour Bell, l’éjaculation est synonyme de prise de pouvoir, d’auto-affirmation, d’autonomie, une démonstration de sa propre réalité corporelle. 
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