Je meurs. C’est un beau mot, la mort. On dirait le soupir long et lent d’un violoncelle.
La mooort…
Mais bon, à part le son, la mort n’a rien de beau. En tous cas pas la mienne.
Là-haut, je m’assieds dans l’anfractuosité, je mets les bras autour de mes genoux, et je regarde. Je suis la gargouille de ce flanc de montagne. Si j’avais des ailes, elles seraient de geai. Elles se déploieraient en craquant comme du vieux cuir puis, une fois étendues, lâcheraient des gouttes d’huile.
De mon perchoir vertigineux, voici ce que je vois : une ville et des arbres miniatures. Le monde est une boite à joujoux renversée. Je vois des maisons de poupées, des camions que conduisent des puces. Et je vois d’autres choses, plus grosses et pourtant plus lointaines. Je vois des forêts, des champs, des montagnes et des nuages. Je vois l’ivoire des dents de requin acérées que forment les pics. Tout ça d’un regard. Au-delà de ce que je vois, il n’y a rien. Il n’y a pas d’endroit au-delà de celui-ci. D’où je suis, je vois tout ce qui arrive avant d’être vu, moi.
Mes cheveux dansent devant mes yeux. Je les repousse du bout des doigts.
Surrender se retourne et réfléchit. Il a envie de mordre. Sa lèvre supérieure ondule comme une vague. Rien d’important, ici, à part mon lévrier.
"Il essaye de me poignarder avec son regard tranchant. Je suis pas très inquiet. Je risque pas grand-chose. Il a du mal à respirer. Dans ses poumons, çà siffle, çà gronde. Il est en train de comprendre que, si malade qu'il soit, je n'aurai pas pitié de lui. Il commence à s'enfoncer dans le ciboulot que je suis là parce que çà sent le sapin pour lui. Je ne reculerai pas. Je ne renoncerai pas. Il le savait, mais il l'avait pas encore intégré pour de bon."
Les feuilles tombaient, jonchant le chemin avant d’être balayées par un vent du nord desséchant. Le cortège de feuilles était passé devant Finnigan en raclant le sol ; puis il avait tournoyé et s’était éloigné.
Je me tordais les doigts, partagé entre l’indécision et le désespoir. Je ne voulais pas céder, mais je connaissais le risque : Finnigan ne perdrait pas son temps avec quelqu’un comme moi, toujours entravé par son fil à la patte. Je le sentais prêt à m’abandonner. Je m’étais soudain mis à prier pour que le salut tombât du ciel.