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4,06

sur 1009 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Avec Soleil amer, je découvre une autrice que je ne connaissais pas.
Dans ce roman à la fois réaliste et nostalgique, Lilia Hassaine me fait prendre conscience de ce que représente l'arrachement au pays de ces familles venues vivre en France pour suivre un mari qui travaille dur afin de tenter de donner une vie décente à sa femme et assurer un avenir à leurs enfants.
Soleil amer, avec des chapitres courts, percutants, débute en 1959 pour se terminer en 1997.
Lilia Hassaine note soigneusement les années pour que son lecteur suive bien l'évolution de ses principaux personnages.
Ceux-ci se nomment Daniel et Amir. Leur naissance cache un secret que je me garderai bien de révéler. Naja a 26 ans et vit dans la Wilaya de Sétif, en Algérie.
Son mari, Saïd, est parti depuis six mois et travaille, en région parisienne, dans une usine produisant des automobiles. Finalement, Naja le rejoint avec ses trois filles : Maryam, Sonia et Nour. Naja qui ne sait ni lire ni écrire, est à nouveau enceinte.
Le frère de son mari, Kader, a épousé une Française, Ève ; une femme qui subjugue Naja. Kader réussit dans son travail : une chocolaterie en Belgique.
À partir de là, je suis deux garçons : Amir et Daniel. L'un vit chez Naja et Saïd, l'autre chez Ève. Beaucoup de péripéties jalonnent le récit mené par Lilia Hassaine, un récit rythmé par quantité d'événements, moments de bonheur et de malheurs, la vie quoi !
Si Daniel est fort et développé, Amir a beaucoup de problèmes. Non seulement il est chétif mais durant sa petite enfance, il ne parle pas. Daniel le protège. À l'école, il n'hésite pas à être violent pour éloigner ceux qui s'en prennent aux plus faibles, comme Amir.
Tout au long de ce roman, l'arrachement au pays d'origine cause bien des tensions. Pour les enfants de Naja et Saïd, la France est leur pays même si leurs parents tentent d'éveiller leur esprit pour qu'ils prennent conscience de cette dualité difficile à accepter.
Toutes ces familles d'origine algérienne sont logées dans ces barres d'immeubles construites au début des années 1970, ces HLM édifiés rapidement. C'est la banlieue où tout se passe bien au début.
Si Maryam est mariée en Algérie par son père, ses deux soeurs ne subiront pas le même sort. Quant à Amir, il va souvent dans la famille de Daniel où il est choyé par Ève.
Un peu plus tard, c'est Daniel qui est recueilli par Naja et Saïd car Ève a subi un grave accident et a été hospitalisée de longs mois. Quand Kader, chaque dimanche, vient chercher Daniel, celui-ci n'apprécie pas, tellement il vit en parfaite complicité avec Amir.
En 1977, dans l'usine où travaille Saïd, un événement révélateur se produit lorsque celui-ci se voit proposer une promotion. Pour la première fois, il se fait traiter de « Bougnoule » et, la mort dans l'âme, préfère refuser cet avancement qui aurait permis à sa famille d'améliorer ses conditions de vie.
C'est l'arrivée au pouvoir de Giscard qui amplifie le racisme. En effet, ce Président décide d'offrir 10 000 francs à chaque Algérien qui retourne au pays. de plus, les conditions de vie dans ces quartiers de banlieue se dégradent rapidement avec l'arrêt des aides qui permettaient animations, nettoyage des immeubles et de leurs abords.
Lilia Hassaine me conduit ainsi dans les années 1980 avec la drogue qui commence à envahir les cités. Amir, devenu un élève brillant, pour payer ses études de médecine, refuse l'argent proposé par Ève. Pour y arriver, il travaille très tôt le matin dans la boulangerie d'un certain Gilbert.
Amir, Sonia et Nour ont grandi et tentent de faire leur place dans la société. Amir, Daniel et leur copain Miloud font la fête, vont en boîte mais, dès 1987, une maladie sans nom commence à faire des ravages dans la jeunesse…
Ce parcours démontre les liens étroits entre la France et l'Algérie. Il rappelle la guerre d'Algérie, les Harkis et les manifestations pacifiques réprimées sauvagement par notre police.
Avec ces vies qui défilent, Lilia Hassaine me rappelle toutes ces années difficiles dont les conséquences n'ont pas disparu aujourd'hui. Il suffit de consulter les déclarations de certains hommes et femmes politiques.
J'ai bien apprécié ce roman au plus près de ce qu'ont vécu ces familles arrachées à leur pays d'origine qui ont eu beaucoup de peine à faire leur place en France. Il ne faut pas oublier cela et c'est bien que Soleil amer fasse partie des huit romans retenus pour le Prix des Lecteurs des 2 Rives car je n'en avais jamais entendu parler jusqu'ici.

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Dans la wilaya de Sétif, en A1gérie, en 1959, Naja élève seule ses trois filles Maryam, Sonia et Nour, son mari Saïd a été recruté six mois plus tôt pour travailler à Paris dans une usine automobile. À peine âgée de vingt-six ans, elle vit déjà dans l'angoisse de la perte, elle a perdu son petit garçon Ismaël d'une angine de poitrine, il avait trois ans et elle craint que son mari ne revienne pas non plus…
Mais, en 1964, la guerre était finie et Saïd a assez d'argent pour faire venir sa famille en région parisienne.
Cependant, très vite, Naja déchante en découvrant l'appartement et surtout, son mari n'est plus le même, il avait vieilli brutalement.
Quand Naja tombe enceinte, leurs conditions de vie étant très rudimentaires, la question se pose de savoir comment l'accueillir. La question semble réglée mais une surprise va modifier quelque peu leur plan, Naja va donner naissance à des jumeaux !
Avec Soleil amer, Lilia Hassaine signe un roman psychologique et historique. Au fil de trois périodes qui découpent le roman, les années 1960, les années 1970 et les années 1980, elle aborde la question de l'intégration des populations algériennes dans la société française. Elle nous fait comprendre leur évolution d'autant mieux qu'avec ces deux frères, elle nous immerge dans deux milieux très différents.
Elle montre bien comment ces immigrés oscillent entre les deux pays, entre le désir de rentrer au bled et le rêve que leurs enfants s'intègrent, et comment ils sont l'immigré dans le regard des Français et comment ils le deviennent également lorsqu'ils retournent en Algérie.
Il est particulièrement intéressant de pénétrer dans cette cité HLM des années 60, l'utopie du vivre-ensemble, avec cette diversité sociale, ce mélange de populations, de cultures, de religions. On voit bien également comment ces cités, en 1960, toute neuves, se sont peu à peu dégradées et ont progressivement été abandonnées.
Élément ignoré pour ma part, nombre d'Algériens étaient recrutés chez eux pour leur robustesse et leur résistance, fournissant ainsi une main d'oeuvre bon marché.
De même, aucun chiffre, aucune statistique n'a témoigné de l'épidémie de Sida qui a fait une hécatombe dans les banlieues dans les années 80 : « À la télévision, on parlait des acteurs homosexuels,,. des stars Hollywood, des écrivains à succès, mais la maladie se répandait aussi dans les périphéries urbaines, là où le chômage rampant et la misère avaient déjà fait des ravages. »
C'est aussi tout le mystère qui entoure la gémellité que Lilia Hassaine soulève.
Sans savoir qu'ils sont jumeaux, en vivant dans deux familles différentes, Daniel et Amir seront toujours liés et soudés quelles que soient les situations, chacun comprenant et ressentant les joies et souffrances de l'autre intuitivement.
Certes, les deux garçons que l'on suit de l'enfance à la fin de l'adolescence sont le fil rouge du roman, mais c'est quasiment l'ensemble des personnages féminins, même si Naja a un rôle majeur, qui sont remarquables et flamboyants. Leurs sentiments sont dépeints avec une grande sensibilité et beaucoup de justesse. Quant à la force de ces femmes, leur patience ou leur rébellion, tout simplement admirable, l'auteure la restitue de manière grandiose et touchante.
Une scène m'a émue aux larmes, lorsque Maryam, profitant de la fête foraine, est sur le point de fuguer, voulant échapper à un mariage forcé. Son petit frère Amir, trois ans, très sensible mais ne parlant pas, va alors lui adresser son premier mot : « Reste ».
Soleil amer, deuxième roman de Lilia Hassaine, pourrait se situer entre témoignage et fiction, le romanesque se déroulant dans un contexte historique. Relativement court et cependant très dense et très riche, il présente une histoire intense et passionnante qui, malgré la réussite de quelques-uns, m'a cependant laissé un petit sentiment d'amertume devant tant de vies gâchées.
Il n'est pas du tout étonnant que ce roman ait figuré sur la liste des quinze livres retenus pour le Prix Goncourt 2021 !

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Je suis souvent réticent à répondre aux sollicitations de Masse Critique de Babelio, et Babelio n'y est pour rien.
Lire et commenter un livre qui s'offre à moi, c'est, en ce qui me concerne, affronter deux écueils: celui de ne pas aimer l'histoire ni la façon dont elle est racontée, ou au contraire celui de paraître complaisant en faisant son éloge.
Et, de ce fait, je l'avoue, je ne réponds qu'aux demandes qui me semblent entrer dans ma zone d'appétence et de compétence, et encore avec une certaine appréhension.

Cette fois pourtant, cette appréhension a été vite levée, car je dois dire que j'ai énormément apprécié ce court roman, Soleil amer, lu d'une seule traite, le coeur serré et à la fin, beaucoup d'émotion.

J'ai été profondément touché par ce livre qui aborde avec une extraordinaire justesse et beaucoup de sensibilité, je trouve, différents thèmes:
la condition des immigrés venus de l'Algérie et le racisme auquel ils ont été confrontés; la difficulté d'être soi-même pour celle ou celui qui devient l'étrangère ou l'étranger hors de son pays, mais aussi qui le devient dans son pays d'origine; le désarroi et le déchirement des enfants issus de l'immigration; la condition très difficile des femmes et le poids de la tradition qui pèse sur elles, mais aussi leur extraordinaire solidarité; la désillusion qui s'installe dans les années 1970, à la fin des Trente Glorieuses avec, en toile de fond, le chômage et la déshérence des HLM; l'espoir qui semble poindre avec la troisième génération (dont nous savons, hélas, qu'il n'est pas le fait de tous); et enfin, le poison sournois du secret de famille.

Soleil amer raconte tout cela au travers de l'histoire magnifique, que je ne détaillerai pas, de Naja, cette femme algérienne qui vient, dans les années 1960, rejoindre son mari Saïd, ouvrier dans l'automobile, celle de ses trois filles Maryam, Sonia et Nour, puis celle de son fils Amir et son « cousin » Daniel.
L'histoire, par touches successives, traversera les années 1960, 1970 et 1980, avec son lot de joies et de drames cruels.
C'est peint avec beaucoup de justesse, en peu de mots, mais si bien choisis, sans cette pesanteur et cette vulgarité qui caractérisent malheureusement, je trouve, beaucoup de romans contemporains.

Et puis, j'ai beaucoup aimé l'écriture élégante et fluide.
Le prologue et l'épilogue du livre sont très beaux, pleins de poésie, j'en donne quelques citations.
Et enfin, c'est certes un détail, mais le titre du livre et l'incipit faisant allusion au Bateau Ivre de Rimbaud ne pouvaient que me toucher. «Les aubes sont navrantes. Toute lune est atroce et tout soleil amer » Oui, c'est vrai, il y a de cela dans cette histoire, l'espoir du départ et la désillusion à la fin.

J'ai lu sur internet que l'autrice, Lila Hassaine, est une jeune journaliste qui fait une chronique dans une émission télévisée, Quotidien, et qu'elle a déjà publié un autre livre remarqué, L'oeil du paon.
Mon (modeste) avis est que cette journaliste est une romancière de grande qualité, et je remercie chaleureusement à la fois Masse critique et les Éditions Gallimard de m'avoir fait découvrir son « Soleil amer ».
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Comme j'ai aimé ce roman ! C'est fort, triste, mélancolique, joyeux, drôle… c'est la vie.
Mais c'est la vie pas facile. Celle des émigrés qui doivent trouver leur place dans un nouveau monde. Un monde qu'il ne comprenne pas toujours et qui les exclut souvent.
Soleil amer c'est l'histoire des banlieues quand les premiers immigrés algériens arrivent et se créent un réseau d'amis auprès des autres premiers habitants des HLM rutilants proposés à l'époque. Ce sont les années 60 et les communautés ouvrières cohabitent et se serrent les coudes. Tout le monde est logé à la même enseigne, même si entre les murs chacun vit selon ses propres coutumes. Car il est difficile au début de laisser derrière soi l'héritage traditionnel.
Puis les années se succèdent et voient l'évolution des moeurs, les coutumes qui se perdent, les mariages mixtes apparaître, les HLM qui s'effritent, les locaux sociaux disparaître, la délinquance et la drogue prendre place… C'est tout cela que raconte Lilia Hassaine à travers Saïd, Naja et leurs enfants. Tout cela et ce terrible secret de famille qui traversera avec eux toutes ces années de bonheur, malheur et d'espoir.

Un très beau roman familial sur trois générations, traversé par les (néfastes) décisions politiques accordées aux banlieues. Un très beau roman aux personnages féminins forts qui « portent le monde ». Une très belle histoire sur la difficulté d'intégration et du vivre ensemble.

Un livre à recommander !
Et pour moi, une lecture que je dois à la libraire d'Argeles-Gazost (Hautes-Pyrénées) qui a su si bien m'aiguiller.
Je ne dirai jamais assez combien ces personnes sont essentielles :))
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Livre magnifique porté par des héroïnes inoubliables, où la question de l'intégration des populations algériennes entre 1959 et 1997est abordée avec lucidité :
Des cités HLM à leur abandon progressif , on dévore cette chronique éclairante dépeinte avec minutie , un style inimitable, des mots bien choisis , une écriture fluide , une intrigue relatant la vie quotidienne de ces femmes courageuses , écartelées entre le monde occidental et la tyrannie des traditions ancestrales de leur pays d'origine.

L'histoire est passionnante , je ne la détaillerai pas ——-saisissante , les personnages féminins flamboyants ———autant que poignants ! .
Touchant , intense , sensible , magnifique !
Une auteure à suivre !
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Il y a le soleil des jours heureux, des rires insouciants et des jours bleus.
Il y a le soleil de miel et de feu des conteurs, des voyageurs et des aventuriers.
Il y a le soleil noir de Gérard de Nerval.
Il y a le soleil amer de Rimbaud et celui aussi, à présent, de Lilia Hassaine qui cite d'ailleurs l'enfant terrible de Charleville-Mézières en exergue de son roman, et ce soleil-là, avec toute son amertume, est une déflagration.
Un crochet du droit bien décroché, une gifle, un coup de poing dans le ventre à cracher du sang et à voir des étoiles.
Un soleil dur, âpre, douloureux, violent, mais d'une beauté à couper le souffle. Une beauté un peu brute, un peu sauvage. Troublante et sans fard.
"Soleil Amer" m'a mise par terre et j'en remercie Babelio et les éditions Gallimard.

Ce deuxième roman de Lilia Hassaine court de 1959 à 1997, de l'Aurès à la banlieue parisienne et, à travers le parcours, intense, d'une famille algérienne contrainte au départ, revient sur l'immigration et l'intégration algérienne en France entre le début des années 60 et la fin des années 90. "Soleil Amer" se présente donc autant comme une fresque familiale flamboyante et douloureuse, hantée par le poids d'un secret de plus en plus étouffant au fil des années que comme une chronique sociale... amère et tristement réaliste.

L'incipit, vertigineux, du roman est écrasant de soleil, de presque misère et d'espoir. Au coeur des montagnes et du désert, là où le sable fait sa loi, Naja attend des nouvelles de Saïd. Son époux travaille en France et l'a laissée là, avec leurs trois filles. Quelques temps plus tard, ce dernier parvient à la faire venir en France à son tour. Naja découvre alors le pays des droits de l'homme (hum,hum!). Malgré la chaleur de Kader, son beau-frère et d'Eve, sa belle-soeur, l'intégration se révèle ardue, presque violente pour la jeune femme arrachée aux siens. Saïd n'est plus le jeune homme solaire qu'elle a connu, la famille vit dans un taudis et lorsque Naja tombe enceinte, le drame couve.

Dans une langue toute à la fois âpre et poétique, d'une beauté poignante, Lilia Hassaine nous raconte la vie de cette famille sur deux générations, s'arrêtant tour à tour sur Naja, puis sur ses filles et nous offre le sublime portrait d'un clan qui porte en lui le poids de l'exil et de la déchirure entre les traditions du pays natal et les habitudes d'une terre d'adoption qui n'a rien de bienveillant. La romancière s'attache plus particulièrement aux femmes de la famille qui tentent de chacune à sa manière de s'intégrer et aux garçons de la dernière génération qui subissent de plein fouet l'abandon des cités hlm, ces îlots d'espoir et de vivre-ensemble dans les années 60, devenus les quartiers que l'on sait à l'aube des années 90. L'issu du roman, bâti sur les drames intérieurs voire intime de personnages à qui l'on donne enfin la parole et à travers des instantanés, des flashs forts et extrêmement parlants, est d'une amertume qui confine au désespoir et ça fait mal.
ça dérange même, mais on n'a que ce qu'on mérite: cela fait des décennies que les banlieues et les cités ont été abandonnées, laissées au journalisme à sensation qui se gargarise de la misère et de la violence de certains faits divers, des années qu'elles gardent prisonniers leurs enfants qui n'ont qu'eux mêmes pour s'en sortir et qui mériteraient tellement mieux que l'amertume d'un soleil qui brûle et puis se meurt.
Si seulement "Soleil Amer", avec toute sa douloureuse beauté et ses très beaux personnages, pouvait faire prendre conscience de deux ou trois choses à deux, trois personnes... On peut toujours rêver, pas vrai? Et en attendant, faire lire "Soleil amer", dire et répéter combien ce roman est beau, sublime et nécessaire. Combien il transperce.
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Lilia Hassaine, dans un roman émouvant, nous emmène, sur près de quarante ans, dans les pas d'une famille franco-algérienne.
Ces familles qui ont quitté une Algérie, alors en guerre pour son indépendance, pour suivre le chef de famille que l'industrie française, en manque de main-d'oeuvre, est venue recruté dans ce pays qui sera bientôt une ancienne colonie.
Elle nous invite à prendre le bateau avec Naja et ses trois filles.
La France, terre d'accueil.
Comment ne pas rêver d'un avenir meilleur ?
Et pourtant...
Ce qui est appréciable,  c'est que la jeune romancière ne fait pas de procès, elle ne dénonce rien.
C'est de nous qu'elle parle, c'est un miroir qu'elle nous tend.
Ceux que d'aucuns pointent du doigt aujourd'hui, c'est de là qu'ils viennent,  c'est leur histoire, mêlée, quoi que l'on pense, à la nôtre.
Elle raconte.
Elle raconte l'installation, elle raconte les rêves, elle raconte la réalité d'une époque, les désillusions.
Elle raconte une mère et un père dans un pays qui n'est pas le leur.
Elle raconte des enfants qui s'adaptent, qui grandissent, des filles que l'on fait femme au nom de traditions ancestrales et puis il y a les autres, ceux qui naîtront sur cette terre d'exil et ne connaîtront de leurs origines que ce que l'on veut bien leur dire.
Et puis, il y a les secrets de famille.
Ce que l'on tait.
Il y a Daniel, il y a Amir, les cousins... enfin, c'est ainsi qu'ils sont élevés.
Il y a les voisins, les amis, les proches.
Il y a l'insouciance.
Il y a les dangers d'un monde qui évolue.
C'est touchant sans être larmoyant.
C'est des personnages auxquels on s'attache.
Ce roman est une vraie réussite, un véritable coup de coeur de la dernière rentrée littéraire pour moi.




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Certains drames de ce livre me rappellent « Louve Musulmane », où l'auteure Amale El Atrassi racontait la maltraitance qu'elle avait subie, avec ses soeurs, dans son enfance et dans son adolescence. Tout cela parce qu'elle était née fille.

Certains drames me rappellent aussi « Et ces êtres sans pénis » où Chahdortt Djavann raconte son enfance aussi et qu'elle ne fut pas un enfant désiré. Ses parents voulaient un garçon.


Le livre de Lilia Hassaine, n'est pas une biographie, bien que les scènes décrites dans son roman auraient pu être réelles.
« Soleil amer », c'est l'histoire qui se répète dans certains pays, où ces enfants qui naissent filles n'auront pas un avenir doux et prometteur. Car toutes ces filles et jeunes filles auront à subir bien des humiliations, des violences, des viols même parfois et auront à souffrir aussi des mariages forcés, dès l'apparition de leurs premières règles.


Mais le roman est bien plus que cela. C'est aussi l'histoire d'une famille modeste d'Algérie qui arrive en France, des rêves plein la tête et qui va être très vite confrontée à la dure réalité de la vie française.
Une famille comme celle de Saïd, sa femme Naja et leurs trois filles, qui va réaliser qu'elle n'a plus vraiment de pays. Et qui cherchera vainement sa place entre une France qui la voit comme une étrangère, comme une famille d'arabes et l'Algérie qui la considère comme des « d'émigrés », un peu francisés.


Difficile de se faire une place et de se sentir bien, parmi un certain racisme ambiant, dans la nostalgie de l'Algérie, dans la cité qui engloutit la chaleur des coeurs, dans la grisaille de la vie, avec les petits boulots et le manque d'argent.
Viendra pour Saïd le temps de la désillusion qui le remplira d'amertume. L'homme se mettra à boire et se montrera violent envers sa femme et ses filles.
Et puis il y a Naja, la mère courageuse, la femme soumise. Naja qui va découvrir un autre monde en arrivant dans cette France fin des années 50. Une femme qui sera « décalée » par sa culture et de ses traditions et dépassée par les moeurs plus libérées qu'elle découvre de ce nouveau pays.


Et c'est pourtant dans cette petite vie étriquée et désespérante parfois, que Naja va tomber une nouvelle fois enceinte.
Commencera alors une autre grande histoire, entrainant dans son sillage un lot de mille lueurs d'espoir, mais aussi des autres drames et des autres douleurs.


Le roman de Lilia Hassaine est d'une grande intensité et bouleversant.
J'ai beaucoup aimé la finesse, la tendresse et la douceur de sa plume.
L'auteure nous livre avec justesse une histoire d'êtres qui ont chacun ses brûlures à l'âme et ses petits secrets aussi et dont le destin fera croiser leur chemin de vie.

Mais il est un peu dommage que le roman ait été si court. Car si Lilia en avait écrit 150 pages de plus, cela lui aurait permis de développer et d'approfondir les divers événements qui se sont trop précipités à la fin du livre.


« L'oeil du paon » me regarde aujourd'hui, Lilia, car je l'ai mis sur le dessus de ma pile de livres.
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Un petit bijou de finesse et d'intelligence, un roman écrit avec le coeur dont chaque personnage tient son rôle afin de permettre une lecture à la fois agréable et curieuse. C'est le 2ème roman de Lilia Hassaine, le précédent, L'oeil du paon, valait déjà le détour mais manquait peut-être d'une certaine audace. Ici, on sent que l'auteure a progressé, travaillé mais surtout, on sent bien qu'elle a osé utiliser ses propres sentiments pour écrire des dialogues forts et aborder sans tabou le sujet sensible de l'Algérie des cités dans les années 60 et 80. Une belle histoire portée par des hommes et des femmes à qui le destin n'a pas fait de cadeau mais qui sauront rester dignes et transmettre à leurs enfants le sens de l'honneur et du courage.
Soleil amer mérite sa place dans la 1ère sélection du Goncourt 2021.
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La quatrième de couverture m'avait séduite, je ne m'attendais pas cependant à être à ce point embarquée dans l'histoire.

L'histoire justement est celle de Naja et de ses 3 filles qui quittent l'Algérie dans les années 60 pour rejoindre Saïd recruté quelques années plus tôt pour travailler dans une usine automobile en région parisienne. En France ils s'imaginent pouvoir vivre une vie plus confortable et paisible. Peu de temps après leur arrivée Naja va tomber enceinte, mais les conditions de vie de la famille n'étant aussi bonnes que celles qu'ils avaient espéré, ils décident de céder l'enfant au frère de Saïd comme cela se fait parfois en Algérie... Je m'arrête là car vous vous en doutez, ce livre est bien plus, mais je ne voudrais vraiment pas vous en dévoiler les petites "surprises". Je préfère vous laisser découvrir l'histoire si particulière de cette famille.

Sachez juste que l'écriture est vraiment très belle, juste, sans fioritures et qu'elle porte merveilleusement bien les émotions. On y apprend beaucoup de choses, sur l'intégration de ces familles algériennes entre les années 60 et la fin des années 80, leurs espoirs, leurs désillusions...mais aussi sur l'évolution des cités HLM, de leur construction ou elles étaient considérées comme ce qui se faisait de mieux et ou se mélangeaient toutes les classes sociales, jusqu'à leur abandon petit à petit par les classes supérieures.

J'ai découvert ce livre grâce à Masse Critique et j'en suis ravie car ce fut indubitablement ma plus belle surprise de cette rentrée littéraire.
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