Zut, me voilà coincée.
Qu'en dire ?
Qu'écrire au sujet d'
Apaiser nos tempêtes de
Jean Hegland ?
C'est un beau pavé – quelques 550 pages – je devrais trouver matière, me direz-vous, et pourtant. Pourtant rien ne vient.
Mon cerveau patine, mes émotions en berne.
Alors.
Disons que j'ai souvent (beaucoup) aimé ce livre, et parfois (beaucoup) moins.
Que j'ai souvent (très souvent) été emportée, séduite, touchée au coeur, au corps et à l'âme, et parfois, un peu moins.
Galvanisée par son sujet – la maternité sous toutes ses formes – qui résonne tant en moi depuis que je suis mère, subjuguée par la puissance de la préface (rédigée par
Jean Hegland elle-même), c'est avec une immense joie que j'ai entamé
Apaiser nos tempêtes.
Les premières dizaines de pages m'ont littéralement plaquée au mur, m'empêchant de lâcher le roman, ne serait-ce que quelques heures.
Il semblait avoir été écrit pour moi, mettant des mots sur les milliers de choses que je ressentais sans en avoir même conscience.
Je le voyait alors comme un jalon dans mon parcours de lectrice.
De cela, je ne suis plus certaine aujourd'hui mais qu'importe.
Certains passages – comme celui que je m'apprête à citer m'ont émue aux larmes (je me souviens, j'attendais mon train, un vendredi soir, en gare de Lausanne). Voyez plutôt :
« Personne n'avait dit à Anna que ça ferait si mal. Personne ne lui avait dit que l'infirmière lui poserait un masque noir sur le visage, un masque lourd et caoutchouteux qui puait et menaçait de l'étouffer. Personne ne lui avait dit que l'homme en blouse bleu aboierait « Ne bougez pas », tout en tordant ses instruments l'un après l'autre à l'intérieur de son corps. Personne ne lui avait raconté qu'il essaierait de la fendre en deux, de l'évider comme une pomme, personne ne lui avait parlé de la douleur rouge, odieuse, implacable. Une machine se mit en route, avec un bruit de shampouineuse à moquette, mais Anna était trop obnubilée par sa souffrance pour réfléchir à la signification de ce bruit. Personne ne lui avait dit qu'elle se tordrait de douleur, qu'elle transpirerait toute entière d'une sueur épaisse, qu'elle cesserait de se préoccuper de sa blouse béante, ou de s'inquiéter des bruits qu'elle faisait. Personne ne lui avait dit qu'en combattant la douleur et ce masque étouffant, elle détesterait les gens qui étaient en train de l'aider tout autant qu'elle détestait le sculpteur et qu'elle se détestait elle-même ».
Des passages comme celui-ci, puissants, terribles, justes à n'en plus savoir que dire, ce roman en regorge. Car il est porté par une voix. Une force, une présence.
Un esprit qui, après le succès de
Dans la forêt (Gallmeister, 2017), n'est plus à démontrer. Il est empli de ce fameux « souffle » dont on parle très souvent lorsque l'on qualifie un roman.
Pourtant, en le refermant, je réalise qu'il a manqué quelque chose.
Une chose sur laquelle je peine à mettre le doigt.
Quelque chose qui relève peut-être du rythme tout d'abord.
Trop rapide parfois, empli d'ellipses un peu « faciles ». Des sauts dans le temps qui, s'ils font avancer la narration, nous éloignent également d'elle en nous tenant à distance de ses personnages, des années durant. Lorsqu'on les retrouve, ce sont des étrangers, dont le sort nous indiffère parfois.
J'ai également été gênée par quelques stéréotypes liés à la maternité notamment, et par certains personnages, esquissés grossièrement, un peu caricaturaux.
Malgré ces quelques petits bémols, ce face à face entre Anna et Cerise est absolument poignant. Il recouvre
Apaiser nos tempêtes d'un manteau de lumière étincelant,
très beau, très pur, très juste.
Qui transpire le vécu, le vrai, l'amour inconditionnel.
Il est simple et pudique, complexe et cru.
Comme la vie,
Et les « samedi matins »
- comprenne qui lira.
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