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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
J'ai choisi la citation qui figure au début de cette chronique parce qu'elle souligne la gageure relevée par Cyril Herry. Ce livre nous parle de Braconne, où il n'y a rien à voir, un village sur lequel il y aurait de quoi écrire un livre, mais que personne ne lirait.

Eh bien, si, on le lit, ce livre. Même sans avoir vécu là. Parce qu'il parle de choses qui se produisent partout. Parce qu'il parle de la vie ! Et, comme il l'écrit, il y a « Des anecdotes, un peu d'amour, de la rancoeur, beaucoup d'orgueil ».

Lorsque la tempête survient, la priorité, c'est de survivre. En espérant que les chiens, les lapins, les chevaux, le bétail… survivent aussi. La peur, l'adrénaline, l'instinct de survie prennent le dessus sur tout le reste. Et, forcément, après la catastrophe, la première réaction consiste à se serrer les coudes, face à l'adversité. Presque tous se rassemblent autour de Mélanie, la vieille Mélanie, qui tenait le restaurant du village. Manquent à l'appel les « étrangers », et une famille, qui vit en quasi-autarcie, presque des survivalistes. Et puis P'tit Léon, dont la mère est morte, écrasée par un arbre qui s'est abattu sur la maison. C'est ce que les penseurs de la politique appellent l'effet « ennemi extérieur », face auquel on peut souder le groupe. Mais ces mêmes théoriciens savent aussi que, s'il n'y a pas de haine à l'intérieur, il n'y aura pas d'ennemi extérieur…

Les jours passent. Toujours aucun signe de l'extérieur, pas de colonnes de fumée dans le ciel, pas d'avions non plus. Mais le village s'organise. le jour, le groupe s'attache à dégager les routes, pour pouvoir atteindre le cimetière, d'abord, afin d'enterrer la mère de P'tit Léon. Puis vers Puy Soudain, le hameau le plus proche. La vie reprend malgré tout un semblant de normalité.

Pourtant, la tempête n'est pas la catastrophe, ou, du moins, pas la seule catastrophe. Elle est aussi le révélateur de la catastrophe à venir. Mais s'agira-t-il d'une catastrophe plus grande encore, ou, au contraire, d'une catastrophe intime, individuelle ?

Car une fois passée la phase critique, chacun revient à ses préoccupations d'avant la tempête. Jalousie, tromperie, envie, méfiance, colère, petites ou grosses blessures mal cicatrisées… tout ressort subitement, et prend racine dans un terreau finalement favorable, celui du huis-clos à l'échelle du village. Chacun, avec ses cassures, avec ses failles – le manque d'amour dans l'enfance, le rejet, le repli sur soi, un syndrome de choc post-traumatique… – essaye de s'en sortir, comme il peut, entre culpabilité et colère.

Et c'est peut-être là où réside le tour de force de Cyril Herry : comme il travaille sur cette matière humaine qui s'exprime partout, en ville, à la campagne, en montagne, en forêt, chacun se sent directement interpelé par des comportements connus, déjà expérimentés. Peut-être la présence forte de la nature et l'isolement renforcent-ils l'intensité des sentiments… mais pas forcément. du coup, Braconne devient une caisse de résonance, que l'on n'oubliera pas de sitôt, même après l'avoir traversé !

Ce qui est amusant, c'est que cette lecture me renvoie à deux choses très différentes. J'ai d'un côté eu l'impression de retrouver une version moderne d'un roman de l'école de Brive, ancré dans un terroir, avec cette primauté donnée à la nature, dans sa violence mais aussi dans sa beauté. Et, en même temps, cette lecture m'a aussi fait retrouver quelque chose de l'ordre de ce que j'avais ressenti en lisant Tristesse et beauté, de Yasunari Kawabata : une impitoyable violence dissimulée sous une magnifique douceur. Et, en effet, la langue de Tempête Yonna est très belle, et m'a parue servir de révélateur, d'exhausteur, si j'ose dire, à la brutalité des hommes.

Alors un seul conseil : quelles que soient vos propres tempêtes, lisez Tempête Yonna !
Lien : https://ogrimoire.com/2021/0..
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Une fois que la tempête Yonna s'est retirée, il reste à évaluer les dégâts. Toitures arrachées, arbres déracinés, routes bloquées... C'est le temps de la solidarité pour tenter de dégager la voie jusqu'à la prochaine bourgade, pour espérer du secours. Et sans électricité, sans téléphone, sans eau, cette communauté de quinze âmes s'organise, se serre les coudes... le temps que les soucis personnels, ceux d'avant la tempête, refassent surface et priment sur l'intérêt du groupe, annonciateurs d'une tempête peut-être encore plus dévastatrice.

Cyril Herry, la nature et ses lois, il les connait bien. Et ça se sent tout au long de la lecture. Sans doute connaît-il bien aussi l'âme humaine, ses contradictions, ses bons et ses moins bons cotés, sa noirceur parfois. En transformant un hameau isolé par les conditions climatiques en un microcosme rassemblant des échantillons de ce que la société propose à grande échelle, l'auteur nous entraine sur des pentes dangereuses. Là où l'égoïsme, l'orgueil, l'envie, la jalousie, l'amour et la haine aussi peuvent transformer un groupe d'individus d'abord animé par le même objectif solidaire, en une meute de gens prêts à tout pour tirer leur épingle du jeu. Et quels risquent prend-on quand il semble que l'on soit seuls au monde?

Vous l'aurez compris, Tempête Yonna est avant tout un roman noir, mais c'est aussi un roman de terroir, un roman qui nous fait se poser différentes questions sur notre rapport aux autres et nos rêves par rapport à notre vie en société. L'écriture de Cyril Herry est dynamique, incisive; les chapitres sont courts, tout ne s'explique pas, l'interprétation du lecteur par moment est essentielle. le roman se lit vite, presque sans reprendre de respiration, comme quand on est pris dans un grand coup de vent et que l'oxygène semble manquer.
Un roman coup de coeur, découvert grâce à une masse critique et aux Editions in8 que je remercie chaudement. Je pense que mon esprit restera planer sur Braconne encore un petit moment...
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Cyril Herry est imprégné de la région rurale où il vit. Son métier de photographe fait qu'il décrit les lieux, les gens, avec un oeil acéré. J'ai l'impression d'être à côté de lui et de vraiment voir ce qu'il raconte.
L'histoire est à la fois simple et irréaliste et pourtant on y croit, on la vit, on se dit "pourquoi pas" ? C'est à la fois noir et quotidien.
J'ai aimé tous les livres de cet auteur, qui peuvent laisser sur sa faim le lecteur, pas moi.
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Un huis clos provoqué par une tempête, sur fond de conflit social bloquant les espoirs de secours, alors on pense notamment à La Vallée de Bernard Minier ou à Neige écarlate de Anne Waddington. Ajoutez ici que la micro-société ainsi constituée va devoir mettre en oeuvre les préceptes du survivalisme pour tenter de passer outre cet épisode. Beaucoup de morts, violentes le plus souvent. Les touristes égarés dans ce monde rustre et qui regrettent leur smartphone, se trouvent bien décalés. Une certaine surenchère entretenue par les ragots et autres bassesses, ne sont cependant pas l'apanage de la campagne. Deux « leaders charismatiques » ou pas, respectables jusqu'à un certain point vont prendre la tête des opérations de sauvetage. Une ambiguïté du fait que le nom de la tempête est aussi celui d'un personnage important du roman. Ainsi, toute une galerie de personnages, reflétant à merveille notre société va se livrer à ses excès.
Nous avons entre les mains un roman noir, avec les codes du genre et l'ambiance lourde. Une intrigue finement éprouvante, psychologique et sanglante, mais aussi une réflexion métaphorique sur l'humanité et ses limites à se surpasser au profit du collectif, dans l'adversité. Aura-t-elle la force de surmonter ses difficultés existentielles pour survivre aux catastrophes climatiques qui se profilent ?
L'auteur est sans nul doute inspiré de son mode de vie pour l'intrigue et les personnages et pour l'écriture, de ses (presque) voisins Franck Bouysse ou Sébastien Vidal. Si vous aimez leurs évocations bucoliques, vous aimerez la plume de Cyril Herry. Un bon moment de lecture mais n'y cherchez pas le divertissement car vous y trouverez la réflexion.


Lien : https://collectifpolar.wordp..
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Dans la catégorie #meschouchous il y a Cyril Herry. J'ai entendu parler de lui alors qu'il était directeur de collection à La manufacture de livres. J'ai ensuite découvert sa superbe écriture chez Seuil Polar avec Scalp, puis Nos secrets jamais. Il revient en ce début d'année avec Tempête Yonna aux Editions Inuit avec un magnifique huis-clos dans un hameau. Braconne est habité par une dizaine de personnes et une famille de citadins s'est installée pour un week-end bucolique.
Il y aurait eu de quoi écrire un livre, sans le moindre doute, au sujet de Braconne, mais qui donc serait parvenu à le lire jusqu'au bout, hormis ceux qui avaient vécu là ? Il n'y aurait sûrement pas eu grand-chose de palpitant à découvrir au fil de ses pages. Rien de bien remarquable. Des anecdotes, un peu d'amour, de la rancoeur, beaucoup d'orgueil. Rien de moins ordinaire et d'humain. C'est un village qu'on oubliait aussitôt après l'avoir traversé. Pour quelle raison l'avait-on fait d'ailleurs ? Sans doute était-ce une erreur d'itinéraire. Un moment d'inattention. du temps perdu.
Eh bien Cyril Herry l'a écrit ce livre et quel roman ! Sans le moindre doute, vous le lirez jusqu'au bout.
Braconne, un village qu'on oubliait aussitôt traversé ? Encore faudrait-il pouvoir le faire ! Une tempête s'abat sur le village. Une fois le pire passé, les habitants découvrent le désastre : toits effondrés, animaux échappés ou morts, ruches saccagées, routes impraticables. Braconne est tellement reculé dans sa campagne qu'il faudra des jours et des jours pour dégager la route et atteindre le premier hameau voisin.
Concernant ceux qui vivent là, hormis un couple de parisiens venus avec leur adolescente pour passer un week-end « au vert », il y a Bruno et Julia, un couple sans enfant qui bat de l'aile depuis que Julia a eu vent de l'infidélité de son mari.
Il y a Mélanie, une des doyennes du villages qui a tenu toute sa vie le restaurant « Chez Mélanie » et qui continue à préparer de bons petits plats pour les onze autres habitant à l'année de Braconne. Elle les connait tous, a grandi avec eux ou les à presque tous vus grandir.
Il y a les Herminots, un vieux couple qu'on ne voit jamais, qui ne veut voir personne, cloitrés derrière leurs volets en PVC constamment baissés.
Il y a P'tit Léon qui vit avec sa mère, qui a toujours vécu avec elle.
Il y a Barbara et sa fille, une ado rebelle et mal dans sa peau. Une relation mère fille conflictuelle.
Et enfin il y a Yonna, son mari Saul et leur bébé Nino. Eux vivent dans une roulotte sur un terrain qu'ils ont acheté. Ils rêvent d'autosuffisance, d'entraide, de liberté. Yonna ? Oui, elle a le même nom que la tempête et quand vous aurez lu ce roman vous comprendrez que ce n'est pas du tout un hasard.
Cyril Herry distille ici des anecdotes, un peu d'amour, de la rancoeur et beaucoup d'orgueil. Il les étale dans un décor coupé du monde et nous amène peu à peu à croire que Braconne est tout ce qu'il reste du monde. Mais, surtout, que Braconne et ses habitants sont un microcosme qui regroupe tout ce qui fait notre époque et qui engendre ce désir qu'ont de plus en plus de personnes à vouloir changer de mode de vie pour un retour à la nature. Son écriture s'affirme de roman en roman faisant de Cyril Herry un grand auteur.

Lien : http://www.evadez-moi.com/ar..
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Attention, roman incontournable. Certes, il n'est pas joyeux, joyeux et ne remontera sans doute pas le moral des plus dépressifs, mais il est d'une finesse et d'une profondeur rares. Tout en étant un roman grand public. le pari de Cyril Herry est réussi et son huis clos à ciel ouvert fonctionne parfaitement. Les relations, les tensions entre les habitants se tissent, montent et l'on pressent la catastrophe, mais laquelle ? Quand ? Qui ?

La situation d'isolement fait que les failles, les peurs, angoisses, les travers voire les pulsions des un(e)e et des autres, habituellement enfouis, tant bien que mal cachés sous le vernis de la vie dans une société policée, par le quotidien, la routine qui rassure, vont se révéler, s'exacerber. Les secrets n'en sont plus. La nature, que l'homme a grandement et durablement perturbé reprend ses droits, et Yonna a mis sens dessus dessous tout un monde lisse.

Cyril Herry décrit admirablement les relations de l'homme avec la nature, ce qu'il faudrait pour vivre en harmonie, ce qui est fait contre toute logique. le retour à la réalité est dur pour Braconne "ce trou perdu était un microcosme témoin de l'humanité". Décrire l'individuel pour toucher à l'universel, voici ce que réussit l'auteur. Ça résonne avec la pandémie actuelle qui dévoile des comportements d'entraide et d'altruisme, mais l'inverse également : "Ç'avait toujours été ainsi. Catastrophes naturelles et tragédies humaines possédaient ce don de rapprocher les individus, de mettre en sommeil l'âpreté et le fiel, de recoudre provisoirement les plaies. Mais ça ne durait jamais longtemps ; au premier geste brutal, ça se déchirait et ça se remettait à saigner, à suinter le pus et à faire mal. C'était de nouveau chacun pour soi, ici comme n'importe où ailleurs, puisqu'on avait la mémoire courte et que les moeurs individuelles avaient toujours miné l'intérêt collectif." (p.240)

Nul doute que Braconne, Yonna la tempête et la jeune femme ainsi que ses voisins restent en tête longtemps. C'est le genre de livre qui continue à s'insinuer en nous lorsqu'il est refermé.
Lien : http://www.lyvres.fr/
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