Après avoir lu "
La maison où je suis mort autrefois" du même auteur, j'ai continué sur ma lancée avec "
Les doigts rouges"... Que j'ai un peu moins apprécié. La trame du quotidien de la famille au centre de ce roman est très bien exposée : on y perçoit une certaine lâcheté du père de famille qui systématiquement devant la difficulté et les drames familiaux fuit. Il subit plus les choses qu'il ne les choisit et ne fait jamais rien pour que cela change. Il subit le comportement de son épouse, aigrie, égoïste et totalement vouée à contenter un fils auquel elle "passe" tout, très certainement pour compenser l'absence de présence paternelle qui semble avoir tant manqué à ce fils, qui, du statut de "tête de turc" à l'école, va passer à celui d'ignoble bourreau, précipitant toute sa famille (et celle de la victime évidemment) dans l'horreur...
Car comme si l'horreur du crime ne suffisait pas, une vie enlevée à une petite fille qui ne demandait qu'à vivre, il y a toute l'horreur du mécanisme qui a mené cet adolescent à le commettre... Et toute l'horreur et l'infamie des parents à le cacher, à "couvrir" les actes d'un fils monstrueux avec, on se fait forcément la réflexion, le risque avéré, la quasi certitude qu'il recommencera.
Que faire du monstre quand on l'a fabriqué et comment a t-on pu en arriver là ? L'auteur touche brillamment du doigt cet engrenage d'une vie gâchée, mal aimée, mal éduquée qui vient tout pourrir autour d'elle. Tour a tour dans la lecture, on ressent l'horreur, la nausée du matin en se réveillant sur l'horreur commise par son propre fils, l'incompréhension glacée devant son comportement, on ressent se refermer ce piège dont les bases ont été posées depuis le mariage de 2 êtres ne s'aimant pas vraiment, les mécanismes sont doucement mis en lumière.
Malheureusement il est trop tard. Il faut donc faire un choix : livrer son enfant, adolescent meurtrier, à la police et vivre avec la honte poisseuse d'être les parents indignes, tout perdre à cause de lui, le perdre lui, comme si ça n'était pas déjà fait... Ou cacher. Cacher le corps de la petite victime, cacher le monstre, qui continue à jouer à la console comme si de rien n'était, cacher que l'on fut un parent défaillant. le cacher lui et surtout se dédouaner soi, "sauver les meubles". Mais cette infamie a un prix : se déshonorer totalement et s'enterrer définitivement dans l'indignité en désignant un autre coupable, en sacrifiant quelqu'un d'autre...
Je ne peux trop en écrire au risque de gâcher la lecture de ceux, qui ne connaissant pas ce livre, seraient tentés de se lancer. La plongée dans l'effarement et l'abomination d'un crime, qui laisse le meurtrier indifférent est parfaitement décrite, mais je suis plus réservée sur la fin du roman qui pour moi, n'est pas en correspondance. le dénouement se veut un peu moralisateur, mais un peu bâclé à mon goût, quand j'ai eu le sentiment que l'auteur prenait bien son temps pour poser les jalons de ce drame inéluctable. J'ai la sensation d'un roman ouvragé à la plume jusqu'à ce que soudainement il soit temps de conclure rapidement au crayon de papier. Ceci étant écrit, je n'oublierai pas ce roman ni son ambiance glaçante et poisseuse.