il me semble qu’on a le droit d’utiliser le terme de fascisme. Quand 1500 sans-papiers sont expulsés en une seule nuit avec ratonnades dans les rues et les maisons privées, on peut y voir une version italienne de la nuit de Cristal
Je suis parti mais je n’ai pas coupé les liens avec mon pays. J’ai gardé l’habitude d’acheter les journaux italiens, je me rendais au kiosque pour demander La Répubblica. Elsa a souffert de notre rupture, pour reconstruire la part d’elle que j’avais détruite, elle m’a laissé sans nouvelles durant des mois. Ensuite, notre camaraderie a repris par courrier. S’il avait continué, j’aurais enduré son silence comme une torture. Je lui ai écrit une lettre ou bien un mail par semaine. je n’ai pas changé de fréquence, j’ai trouvé mon rythme naturel. Ses réponses m’ont sauvé de ce froid qui m’habitait depuis que je ressassais mes remords. Ce n’est pas parce que j’avais fui que j’avais tourné le dos à vingt-cinq ans de vie commune avec Elsa. Je ne pourrais pas rompre comme ceux qui font le deuil de l’autre. Pour moi, oublier une personne qu’on a aimé c’est le début de la barbarie.
J’aimais trop les femmes pour tolérer qu’on les insulte. J’ai toujours eu le fantasme presque sensuel de liens civilisés avec l’autre sexe. C’est la civilisation qui a créé l’érotisme. Sans la culture et ses entrelacs de complexités, de distance où l’art, la poésie se sont engouffrés, il ne reste que la bestialité, la vie aveugle des animaux
Je repense aux vignes près de chez moi, aux fermes et aux vallons. Aux places calmes des villages où paressent des chats qui vous regardent en clignant de l’oeil, belle activité pour des chats qui n’ont rien d’autre à faire si ce n’est, par moments, présenter leur ventre au soleil. Me viennent aux narines l’odeur de la campagne, le parfum des fleurs de haricots, les dalhias, la terre au crépuscule qui se repose d’une longue journée de chaleur, et l’ombre humide des arbres. Je cueille l’essence de la terre que j’aime. J’ai tout ça en moi, ces choses précieuses que je n’ai pas totalement laissées là-bas.