Citations sur L'Homme au Sable (39)
Peut-être alors, cher lecteur, en viendras-tu à croire que la vie réelle est pleine de merveilleux et de fantastique, et que le poète n’en peut saisir les rapports secrets que comme les reflets obscurs d’une glace dépolie.
Il est hors de doute, ajoute Lothaire, que cette puissance occulte matérielle, quand nous avons accepté son joug, fascine souvent notre imagination au sujet de certaines figures étrangères que nous rencontrons par hasard dans le monde extérieur, de telle sorte que, par une illusion magique, ces figures nous semblent animées d’un esprit, dont nous sommes nous-mêmes le véritable mobile.
» Je t’avouerai franchement qu’à mon avis tout le surnaturel et l’horrible dont tu fais mention, n’ont de fondement que dans ton imagination, et que la réalité des faits y a bien peu de part. Le vieux Coppelius devait être sans doute repoussant ; mais on conçoit que son aversion pour les enfants vous inspira à votre âge, pour sa personne, un profond sentiment d’horreur. Alors le terrible homme au sable du conte de la nourrice se confondit dans ton esprit d’enfant avec le vieux Coppelius, et celui-ci resta à tes yeux, quoique tu ne crusses plus à l’homme au sable, un spectre diabolique pernicieux, surtout pour les enfants.
(...) une fatalité mystérieuse a réellement étendu sur ma vie un voile de nuages sombres, auquel peut-être il ne me sera permis de me soustraire qu’en mourant !
» J’étais déjà devenu assez grand pour concevoir que le conte de la vieille bonne sur l’homme au sable et son nid d’enfants dans la lune pouvait bien n’être pas tout à fait fondé ; et cependant l’homme au sable resta pour moi un terrible fantôme, (...). L’homme au sable m’avait entraîné dans la sphère du merveilleux, du fantastique, dont l’idée germe si facilement dans le cerveau des enfants.
— Quelque chose de terrible est venu corrompre ma vie ! — Les pressentiments confus d’une destinée affreuse me menacent et m’enveloppent comme de sombres nuages impénétrables à tout rayon lumineux.
Partout l’image d’Olympia flottait devant lui dans les airs ; elle s’élevait au-dessus de chaque touffe d’arbre, de chaque buisson, et elle le regardait avec des yeux étincelants, du fond des ondes claires de chaque ruisseau. Celle de Clara était entièrement effacée de son âme ; il ne songeait à rien qu’à Olympia, et il s’écriait en gémissant :
– Astre brillant de mon amour, ne t’es-tu donc levé que pour disparaître aussitôt, et me laisser dans une nuit profonde !
S’il est en effet une puissance occulte qui plonge ainsi traîtreusement en notre sein ses griffes ennemies, pour nous saisir et nous entraîner dans une route dangereuse que nous n’eussions pas suivie, s’il est une telle puissance, il faut qu’elle se plie à nos goûts et à nos convenances, car ce n’est qu’ainsi qu’elle obtiendra de nous quelque créance, et qu’elle gagnera dans notre cœur la place dont elle a besoin pour accomplir son ouvrage. Que nous ayons assez de fermeté, assez de courage pour reconnaître la route où doivent nous conduire notre vocation et nos penchants, pour la suivre d’un pas tranquille, notre ennemi intérieur périra dans les vains efforts qu’il fera pour nous faire illusion.
- Il n'y a point d'Homme au sable, me répondit ma mère. Quand je dis: "l'Homme au sable vient", cela signifie seulement que vous avez besoin de dormir, et que vos paupières se ferment involontairement, comme si l'on vous avait jeté du sable dans les yeux."