Pour plonger « au coeur de la pensée », ce livre prend la mode à contre-courant. Pas un seul paragraphe consacré aux neurosciences. le propos ne se nourrit pas de la substance de nos cerveaux, mais d'une analyse poussée du langage. Elle prouve ici que l'analogie, cette propension à rapprocher les choses perçues ou les idées abstraites sur la base de traits communs, est le moteur de la pensée humaine.
Douglas Hofstadter, professeur américain de sciences cognitives, auteur du célèbre Gödel,
Escher, Bach, et
Emmanuel Sander, professeur français de psychologie, mènent une démonstration convaincante, balisée d'exmples d'analogies finement repérées au fil des sept ans de gestation de ce livre. Leur collection est riche et savoureuse – les amoureux de la langue seront comblés. Surtout, elle construit une typologie des analogies qui met en relief leur omniprésence et leur force. Les plus évidentes sont incrustées dans le lexique (« une vague de chaleur », « le foyer familial ») ou la grammaire (richesse insoupçonnée de l'adverbe « très » !), inscrites en filigrane dans les fables et les contes, imprimées au sein des instances diplomatiques lors des crises internationales (l'entrée en guerre des Etats-Unis au Vietnam, analogue aux années 1930 en Europe)…
Se révèle alors le « flot incessant d'analogies […], miroir de notre intelligence ». En choisissant, comme ultime exemple de la puissance de l'analogie, de raconter le processus de création à l'oeuvre dans l'esprit d'Einstein, les deux auteurs enfoncent le clou dans le champ des sciences, règne de l'esprit logique. On découvre la capacité singulière d'Einstein à pousser les analogies plus loin que tout autre, à généraliser les concepts là ou d'autres savants cherchaient, au contraire, à les distinguer. Et c'est non seulement l'intelligence qui s'éclaire au jour de l'analogie, mais aussi la créativité, « cette capacité d'associer des objets que tout sépare en dehors de la propriété sur laquelle repose la découverte ».