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Citations sur Il n'y a pas de Ajar (146)

Un petit garçon nommé Roman Kacew naît le 21 mai 1914 à Vilna, tandis que l'Europe plonge dans la guerre et la destruction. Il fera du texte et de l'écriture le refuge de sa vie, le lieu de son salut, comme une maison d'Elisha. Il grandira, s'exilera, deviendra français et amoureux de cette langue.

Plus tard, il choisira Gary comme nom d'emprunt, parmi tant d'autres noms de plume qu'il aurait pu adopter. L'écrivain, qui aimait tant les mots et les langues, ne savait sans doute pas qu'il venait de se trouver un nom à l’étrange signification hébraïque. Gary, écrit en hébreu, signifie quelque chose comme « mon étranger » ou « L’étranger en moi ».

Et ce jeu de mots, qu'il ne connaissait sans doute pas, pourrait résumer toute son entreprise littéraire : s'assurer de n'être jamais complètement soi-même, en rendant toute sa place à l’étranger en soi. Savoir ainsi, où que l’on se trouve, qu’on ne sera jamais complètement à la maison.
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Romain Gary ne connaissait sans doute pas cette histoire mais c'est ce nom qu'il a pourtant choisi quand il s'est agi de devenir un autre. Il a trouvé alors, et sans doute au hasard, un pseudo pour échapper à un nom déjà chargé d'histoire, et s'est choisi Ajar, c'est-à-dire Ah'ar... à une lettre près. Pure coincidence, évidemment. A moins que son inconscient, héritier de la sagesse talmudique, n'ait choisi de le mener là ?

Que savons-nous des textes dont nous ne savons rien ? De quelle manière sommes-nous les héritiers à la fois des histoires qu'on a lues et de celles qu’on ne nous a pas racontées ?
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Il y a aussi de nouvelles obsessions identitaires aujourd’hui, celles qui font de nous de simples héritiers d'une couleur ou d'une « race », des fautes ou des mérites de nos ancêtres, des égarements ou des douleurs de nos pères. Là encore, cette identité transmise par des générations passées nous empêcherait d'être autre chose que ce que notre naissance a dit de nous. La fidélité à un peuple, un groupe ou une mémoire rend suspecte toute individuation. Peut-on dire « je » contre les siens ? demandent ces voix. Comprend-on le racisme sans être noir, la lutte contre l'antisémitisme sans origine juive, le combat féministe sans utérus ?
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Tu connais l'histoire d’Abraham dans la Bible, non ? Dans la catégorie « folie littéraire », à part mon père, on n'a rien fait de mieux.
C'est l'histoire d'un mec qui naît à Ur, en Chaldée. Ur : capitale mondiale des mots croisés. Son père est idolâtre, comme tout le monde à cette époque et comme beaucoup de gens à la nôtre.
Un idolâtre, tu sais, c'est quelqu'un qui croit que Dieu s'intéresse vraiment à ses problèmes, qu'il peut lui demander de l'argent, du succès ou un vélo électrique, du moment qu'il ne le vexe pas et le caresse avec ferveur dans le sens du poil. (p.41)
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Tu savais qu'en hébreu, le verbe être, ça n'existe pas au présent ? Tu ne peux pas dire : je suis ceci ou je ne suis pas cela. Parce que tu ne peux dire ni "je suis", ni "je ne suis pas". Tu peux conjuguer le verbe être au passé ou au futur. Mais au présent, ça disparaît comme le lapin dans le chapeau du magicien. Bref, en hébreu, tu peux "avoir été" et tu peux être "en train de devenir", mais tu ne peux absolument pas "être"... ni binaire, ni non-binaire, ni homme ni femme.
Tu as été et tu deviendras, mais tu es forcément en plein dans ta mutation.
En clair, l'hébreu c'est la langue des trans.
Je crois que c'est pour cela que Dieu l'a utilisé pour écrire son best-seller. C'était sensé dire que ça n'a jamais fini de dire ce que ça pourrait encore vouloir dire. Mais j'avoue : c'est beaucoup trop subtil pour le commun des lecteurs. Un peu comme La Marseillaise.
(p.74-75)
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Avant, on rencontrait des gens qui étaient pleins de choses à la fois, pied-noir, fils d'immigrés et homosexuel, communiste et gymnaste... ou alors juif-athée-joueur d'échecs et goyophile; eh ben là, c'est fini. Chacun n'est plus qu'un seul truc, catho, gay, vegan, qu'importe, mais exclusivement l'un ou l'autre. Les seuls "combo" qu'on t'autorise c'est quand tu es multi-défavorisé et que tu peux cumuler a priori les discriminations comme des bonus. Mais sinon, tu ne joues plus que dans une seule catégorie et tu es donc sans rapport avec qui que ce soit d'autre. Bien sûr, ça oblige un certain niveau d'entre-soi pour préserver la pureté de l'édifice. (p.68) […] Je dis simplement : oui à l'entre soi, mais à condition qu'on sache toujours qu'on est plusieurs chez soi. Ne jamais s'imaginer qu'on y parle une seule langue, ou qu'il y aurait chez nous de la pureté ou une autre saloperie dans ce genre… (p.69)
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Bon, tu te souviens de l'histoire ? [La vie devant soi] Ça raconte une amitié improbable entre un petit Arabe de Belleville, Momo, et une vieille juive. À l'époque, c'était presque réaliste. Aujourd'hui, plus personne ne goberait cette histoire. Ces dernières années, à Belleville, on trouve encore beaucoup de vieilles juives mais elles ne seraient pas nombreuses à prendre le risque d'accueillir le gamin arabe de l'immeuble. Elles se méfieraient sans doute de Momo, au cas où il aurait l'idée soudaine de les défenestrer, un jour d'abolition de son discernement.
C'est triste à chialer de se dire que les temps ont changé à ce point, tu ne trouves pas ? Bref…
(p.80-81)
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On a prouvé que si tes parents ou tes grands-parents sont allés à Auschwitz, même si tu ne le sais pas, même s'ils ne t'ont rien raconté du tout, tu vas réagir différemment au stress.
C’est comme s'il y avait tout un tas d'impacts dans ta vie, des résidus d'histoires qui ne sont pas les tiennes et que tu n'as pas vécues mais dont tu gardes la trace quelque part. Ton ADN n'en sait rien mais ton corps s'en souvient quand même. […]
Et ça ne s'arrête pas là, et ce n'est pas qu'une histoire de biologie. C’est beaucoup plus indélébile que ça. Tu portes en toi la trace, non seulement l'histoire de tes géniteurs, mais aussi celle de tous ceux qui nous ont fabriqués par d'autres moyens.
C’est-à-dire, pas juste par relation sexuelle ou par éprouvette, mais parfois par leurs mains, leurs gros-câlins ou les gnons qu’il nous ont filés ; par les mots qu'ils nous ont dits ou pas, les livres qu'ils ont écrits ou nous ont donné envie de lire.
Tu le sais bien, toi aussi : parfois, on est les enfants de nos parents biologiques ou adoptifs… Mais on est toujours ceux de nos bibliothèques, les fils et les filles des histoires qu’on a lues ou entendues. On est tous conçus par procréation littérairement assistée. (p.79)
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Pour des raisons d'intégration « Terakh » est devenu « Tharé ». Véridique. Tu peux vérifier : Abraham, le père de tous les croyants, est « un fils de Tharé ».
À mes yeux, tu penses bien ça le rend éminemment sympathique.
Le fait de savoir que tous les fils d'Abraham sont des petit-fils de taré, ça permet de mieux comprendre l'Histoire : ses millénaires de fraternité humaine, et tout cet amour dont on a fait des guerres et des génocides, c'est d'abord un problème congénital.
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Mais depuis quand l’objectivité ne serait-elle autre chose que la subjectivité de la majorité ?
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