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Citations sur L'officier de fortune (20)

Je ne suis pas pieux. La religion m'est restée seulement une histoire d'enfance. La faute peut-être à la mort de mon père à mes dix-sept ans. J'étais encore très convaincu à l'époque. Pendant toute sa maladie, j'avais imploré le Ciel. Comme je l'avais fait aussi pour ma grand-mère Charlotte. Mamiette. Cela n'avait servi à rien. Je me souviens de ma révolte. De mon sentiment d'avoir été dupé.
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Hier, toujours dans mon rangement du bureau, j'ai remis la main sur un petit carnet que ma mère, avec d'autres papiers ayant appartenu à mon père, m'avait donné au moment de mon mariage en 1926. Sans même y jeter un coup d'oeil, j'avais enfermé alors ce trois fois rien dans une enveloppe que j'avais ensevelie dans le tiroir d'une commode. Je n'avais que faire de souvenirs pieux...
Mon père avait tracé le titre de sa fine écriture pointue : Les aïeux. Suivaient des noms, des dates. Une génération par page. Grâce à qui, par quel moyen était-il parvenu à remonter ainsi sa filiation ? je découvrais une flopée de François, des Jacques, des Richard. Des Marguerite, des Marie, une Geneviève, une Etiennette. Des charpentiers, des sabotiers, des laboureurs. Tous ou presque, venant de Sainte-Pience, une commune d'un peu plus de deux cents habitants à l'intérieur des terres... Mon grand-père était le premier à avoir quitté le bocage pour la côte. Le plus lointain ancêtre du carnet était né en 1625. Je me suis remémoré mes cours d'histoire. Louis XIII et Richelieu. Mieux : la date à laquelle Dumas fait débuter ses Trois Mousquetaires. Mais il ne devait être guère question de cape et d'épée dans le Sainte-Pience de ce début XVIIème.
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Je serais resté volontiers plus longtemps. Je me sentais vraiment loin à Dong Khé. Détaché. Presque paisible. Le calme, je sais, était trompeur. Je m'en rendrais bien compte à mon retour fin 1945. Le saccage alors ne ferait que commencer. N'empêche, il me suffit de fermer les yeux pour revoir les montagnes englouties sous la verdure épaisse, les rizières en terrasse. Je fais un signe de la main à ce petit lieutenant d'à peine plus de trente ans, accoudé aux créneaux du poste, le regard perdu dans le paysage. Ma belle Indochine.
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Demain, samedi 13 octobre, j'aurai soixante-dix ans. En descendant l'avenue Jules-Marquis, j'ai pensé à l'âge, à ce qui me restait. Un an ? Cinq ans ? Dix ans ? Pas de quoi faire des projets en tout cas. Je voudrais simplement me sentir en paix. Je suis fatigué, perclus de regrets, de remords fuyants. Ma vie m'a échappé...
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Janvier est incroyablement doux. On se croirait au printemps. Les mimosas et les camélias ont fleuri. Il pousse déjà des primevères partout sur les talus. Je chasse de moi l'idée qu'immanquablement le froid va arriver d'un coup et blanchir de givre tout ce bizarre renouveau. Je n'y peux rien, je n'arrive jamais à me réjouir complètement. J'attends toujours le revers, la catastrophe. Ils me paraissent inévitables. Comme si le moindre abandon, la moindre satisfaction, devaient à chaque fois se payer très cher. Ce pessimisme inquiet m'a toutefois protégé. En m'attendant au pire, je finissais par trouver supportables les épreuves que je rencontrais. Elles étaient le moindre mal.
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J'attache de l'importance aux dates. Ou plutôt je m'en souviens. Ainsi de l'anniversaire de Jeanne, le 19 mars. Jusqu'à nos retrouvailles, ce jour n'était plus pour moi que celui du honteux cessez-le-feu en Algérie. Son évocation seule me mettait en rage... Depuis qu'en avril 1958 j'avais quitté le commandement du 4è RIC en opérations là-bas, j'avais suivi les événements au fur et à mesure. Il était clair, quand même, que nous l'avions gagnée, cette guerre. Les rebelles étaient sans cesse pourchassés, défaits... Ils étaient en pleine déroute. Pourquoi n'avons-nous pas poussé la reconquête jusqu'au bout ? Au contraire, nous leur avons cédé le pays, contraignant les Français à fuir. Les laissant sans rien faire massacrer atrocement nos supplétifs. J'imagine avec horreur ce qu'ils ont pu subir. Je venais d'arriver à Gafsa quand on eu lieu les tueries du Constantinois. Le FLN et ses affidés s'étaient livrés à une boucherie abominable. Les victimes étaient pour la plupart des Européens mais aussi de leurs coreligionnaires qu'ils jugeaient traitres ou simplement tièdes. Des hommes, des femmes, des enfants. Egorgés, éventrés, démembrés. Voire pire. Le chef de ces assassins était un certain Zighoud Youcef. Il allait rendre son âme au diable, un an plus tard, en septembre 1956, dans une embuscade à El-Hamri, sur les hauteurs de Sidi Mezghiche. Je tire une certaine satisfaction à ce que ce soit des hommes de mon régiment qui lui aient réglé son compte.
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Il a eu dix-huit ans, m'a-t-elle dit, en septembre. Il vient de rentrer à l'université. Il apprend le chinois. Moi qui ai arrêté le collège en classe de première. A son âge, je m'étais engagé pour quatre ans. Le matin du 14 novembre 1921, je n'ai pas oublié la date, après un long voyage en train, une nuit à l'hôtel, je m'étais rendu à la caserne Stirn, à Strasbourg, pour être incorporé. J'ai encore, vive en moi, mon appréhension de jeune homme, endeuillé, inquiet. Faussement sûr de lui, et déjà fataliste. On verrait bien. J'ai vu. Je me demande si le garçon a ressenti quelque chose à son premier jour à la faculté. Je sais, ce n'est pas pareil. Qu'est-ce que les étudiants de nos jours ont dans la tête ? Pour l'idée que j'en ai, ce sont des enfants gâtés qui s'ennuient, jouent avec des allumettes et battent des mains tout en criant : Au feu !
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Ils avaient vingt ans de différence. Ils s'en étaient arrangés. Ma mère, je crois, avait longtemps regretté la ville. Elle avait le goût de la toilette, se voyait en maîtresse de maison. Mon père, lui, passait toute la journée dehors. L'administration lui avait confié la surveillance d'un territoire de côtes qui s'étendait du Pont bleu, à Kairon, jusqu'au bec d'Andaine. Pas loin de vingt kilomètres. Il rentrait le soir crotté de vase et de sable. Rangeait sa chique et soupait, sa casquette sur la tête. En silence. De toute sa vie, je n'ai jamais osé lui parler. Enfin si peu.
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Ma vie m'a échappé. J'ai pourtant cru, tout au long, la tenir, la diriger. Mais, en fait, ce sont les événements qui ont commandé. Je me suis débattu. Je suis allé jusqu'au bout, je n'ai pas manqué de courage. Rarement celui de décider, davantage celui d'accepter bravement, de supporter. Si souvent sans rien dire. De se soumettre, d'obéir. Perinde ac cadaver, la formule des Jésuites qu'on nous enseignait au collège d'Avranches. J'y ai tant pensé au cours de ma carrière militaire. Plus de trente-cinq années. Une vingtaine d'affectations. L'Afrique du Nord, l'Indochine, le Pacifique. La guerre, les guerres. J'ai fait mon devoir. Et maintenant ?
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J'ai toujours aimé chanter sans jamais avoir appris la musique. Enfant, je n'aurais jamais manqué mon tour à la fin des banquets...
Lorsque j'ai embarqué la première fois pour l'Indochine, ce que j'avais en tête, c'était "Adieu mon petit officier". Dans la chambre à Dong Khé, le poste que j'allais diriger plus d'un an près de la frontière chinoise, je faisais tourner souvent le disque sur mon gramophone valise. Du bout des lèvres, j'accompagnais les paroles. "Sa vieille mère lui dit Voyons, pas de larmes trop amères. Tiens, prends ce petit médaillon et va-t'en l'âme légère." Je n'avais que quelques jours de fonction comme major de la garnison de Saïgon, fin septembre 1950, lorsque j'ai appris que la citadelle de Dong Khé venait de tomber aux mains des Viets. La plupart des légionnaires du 3ème REI qui la défendaient sont morts en combattant. Les autres, emmenés dans les horribles camps de la jungle. Bien peu sont revenus.
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