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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Critique complète sur mon site.

La Maison des épreuves empreinte un chemin tortueux et une forme nouvelle, surprenante, déstabilisante qui dévore le lecteur auquel elle est offerte en pâture. Elle explore l'enfance et l'adolescence, leurs hallucinations, leur sérieux et leur alter-vision de la réalité, elle exacerbe les pulsions autodestructrices et les met en scène pour les exorciser, les extraire de l'inconscient puis les déposer entre les mains du lecteur telles de petits monstres déformés qui palpitent encore.
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Une ombre plane sur la littérature, et cette ombre est celle de l'Ogre. Ogre-dieux, ogres-mages, les livres de maison d'édition de l'Ogre ne cessent de surprendre par leur diversité et leur pouvoir d'invention. Si fantastique il y a via cette évocation de la figure de l'Ogre, c'est dans la capacité de métamorphose du réel par le langage. Et peut-être aussi leur capacité à nous emmener dans l'Orcus, le royaume des morts (ogre se dit bien orco en italien).

« La Maison des Épreuves n'aura aucun ou peu d'effet thérapeutique sur toute autre personne que sa destinataire. Mais le fait que je puisse me tromper dans les deux cas m'a coûté de nombreuses heures de sommeil et, au final, j'estime qu'un peu de quiétude spirituelle vaut bien cette atteinte à ma vie privée. de là ma décision de publier la Maison des Épreuves. »

La Maison des épreuves est un livre des morts à l'usage des vivants, un regard d'Orphée vers une Eurydice suicidée.
Le livre, qui découle du choc de la nouvelle de la mort de cette femme que le narrateur a perdu de vue à la fin de l'enfance, se présente comme l'impossible remède qui aurait pu, peut-être, ramener son amie vers la vie en voyant qu'il reprenait enfin à son compte leur imaginaire enfantin et cruel du « terrain d'essai » porté à un niveau supérieur, celui de la "Maison des épreuves". Ce livre, imagine-t-on, les aurait remis en relation et aurait peut-être permis de la détourner de son suicide. le livre déploie cet impossible. Un livre « pour tous et pour personne », comme disait l'auteur de la « Grande Santé ».

Car fondamentalement ce livre sur la mort est nécessairement un livre sur la vie. Et il se présente bien à la fois dans son propos liminaire que je viens de citer, que par sa forme en petites sections presque indépendantes du point de vue narratif, comme un livre-cachet à s'administrer régulièrement, thérapeutiquement, par section, pour trouver dans la littérature une sorte de survie, une « petite santé » faite (et forte) de devenirs, d'inachèvement, de lignes de fuite, de fictions, comme le disait Deleuze dans un très bel article intitulé « La littérature et la vie » (repris dans Critique et clinique).

Ce livre est un coup de maître dans le jeu littéraire. le terme de « jeu » est attirant de par la forme que le livre adopte. Après l'introduction présentant Orphée et Eurydice, je veux dire le narrateur et Fiona, trois sections s'enchaînent, chacun avec ses règles d'écriture, ses risques, son jeu, son niveau d'interprétation.
La première section se présente par une mise en situation assortie de QCM où l'humour et la cruauté se combinent de manière merveilleuse :

« 12. Tard un soir, sous une lumière extrêmement vive, vous vous déshabillez devant le miroir. Vous êtes l'image même de la femme radieuse. Votre peau est impeccable, votre silhouette riche en promesses sexuelles. Sur votre dos, juste au-dessous des omoplates, deux bosses osseuses avec des plumes ont commencé à saillir et percer la peau. Ce sont vos ailes. Si on les laisse pousser, quel effet physiologique auront-elles ?
A. Elles entraîneront la chute de vos cheveux.
B. Elles coûteront à votre peau son éclat et sa souplesse.
C. Elles vont rendront incapable de nager.
D. Elles vous rendront stérile.

(...)

Un extrait de la Lettre de la sorcière des mers du Sud
« La constellation dite du Charognard est visible dans cet hémisphère entre les mois de décembre et de mai. Quand des comètes passent devant le torse du Charognard, des chevaux meurent dans leur sommeil et des enfants naissent avec des difformités de la colonne vertébrale. Il est flanqué de l'Anorexique à sa gauche et à sa droite du Nécrofile. Les étoiles qui composent son visage luisent davantage quand je me déshabille. » D'après la reconfiguration que fait l'auteur du ciel nocturne, quelles constellations sont situées respectivement de part et d'autre de l'Anorexique et du Nécrofile ?
A. L'Incendiaire et le Bébé Bicéphale.
B. La Danseuse de pole dancing et le Virologue.
C. L'Ivrogne et la Mitraillette légère.
D. L'Usine et l'Épileptique. »

Malgré l'aspect de divertissement que présente cette section et son aspect disparate, une certaine narration est à l'oeuvre : on aborde les salles de ladite Maison des épreuves qui donne son nom au livre. On s'aperçoit aussi rapidement que tous ces passages, même ceux les plus anodins, sont en réalité une mise à l'épreuve. Une mise à l'épreuve qui s'affirmera de plus en plus au fil des sections de manière claire et... éprouvante. La section II déploie ainsi de courts scénarios où la fantaisie s'est effacée pour laisser place à des situations plus réalistes, plus sombres, plus angoissantes. Je prends à titre d'exemple le début des premiers scénarios mis à la suite les uns des autres :

« Vous faites la queue devant la tente d'un guérisseur… Vous traversez les ruines d'une ville dévastée par des bombes incendiaires… A l'âge de vingt-trois ans, vous épousez un grand et bel étranger… Vous trouvez un boulot de détective privé… A l'âge de vingt-cinq ans, vous tombez enceinte… Tard le soir, alors que vous allaitez votre nouveau-né, vous regardez par la fenêtre et voyez deux hommes en train de creuser un trou dans le terrain vague derrière votre jardin... »

Face à chaque situation s'offre un choix pour une destinatrice qui s'imagine ne plus en avoir, si ce n'est celui de se supprimer. Cet arrière-fond, peut être oublié du lecteur, est ce qui donne tout son sens au récit. En même temps il ne s'agit pas de choix. Car il n'y a pas à choisir, c'est l'étoilement du possible qui reste le plus important. C'est le « jeu » entre les réponses, le « jeu » comme l'entrebâillement de la porte du désir et de l'angoisse qui doit être maintenue comme telle, dans cette liberté, dans ce foisonnement de la fiction qui est à la fois terrible et salvatrice, « volonté de chance » dirait Bataille. Et qu'importe la direction choisie, la littérature est un « navire de nulle part », qui erre sans destination, se guidant ici sous la constellation du Charognard.

La troisième et dernière section est celle qui nous emmène jusqu'au fond de l'horreur de la « Maison des épreuves ». Ici le découpage part d'un scénario numéroté, et se décompose en sous-section (1.a, 1.b, 1c et sequitur) chacune avec son lot de questions sûrement sans réponses adressées à la lectrice / au lecteur. Prolifération de l'introspection, de la fiction comme de la vie, de la vie comme une exquise bactérie qui pullule. C'est dans cette partie que l'on atteint le coeur de l'expérience de la Maison, par-delà l'épreuve presque, et Fiona semble prendre fictivement la parole, parole de spectre mis en scène au sein de la Maison.

« Quel est le secret pour rester silencieux quand on subit une épreuve ? Ce savoir est-il réservé aux commandos et agents secrets ? Ne devrait-il pas être également dispensé aux enfants comme moi, du moins jusqu'à ce qu'ils soient assurés d'être en sécurité ?

(…) Pourquoi la tristesse est-elle toujours présente même les fois où je ressens la plus grande joie ? (…) de propos infiniment clair et délibéré, j'ai mis fin à mes jours. Ai-je commis là une chose horrible ? Prescrivez-moi une autre solution. Imaginez-moi un avenir dans lequel je retrouverai l'éloquence qui est la mienne ce soir en tant qu'enfant choisissant de se suicider. »

Dont acte.

La Maison des épreuves est un livre des morts, un livre de vie, un livre d'amour. Face à l'impossible de la mort et du deuil nous est livré l'impossible de la littérature, irréalité contre irréalité. Cette solution pourrait être mise à la réflexion à travers toute une littérature tant philosophique que littéraire (de Cioran à Primo Levi, que la littérature a sauvé dans les camps mais dont la "petite santé" n'a pas empêché ensuite son suicide).

« Pourquoi consacrons-nous plus de passion aux amours qui nous détruisent qu'à celles qui nous guérissent et nous complètent ? Est-il inévitable que nous nous comportions de la sorte ? Imaginez que votre mort ne mette aucun terme au désir, qu'il vous plonge dans des états désirants encore plus fous et plus puissants. Bien qu'on vous enterre seule sous la terre froide et définie, vous brûlerez de désir pour votre amour à jamais secret. Discutez. » Excipit
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Vous perdez un être que vous connaissez depuis l'enfance dans des circonstances tragiques. Un être qui est le seul à connaître vos parts les plus sombres. La douleur vous submerge tel un abîme sans fond. Auprès du corps vous retrouvez un carnet de votre enfance, celui où vous imaginiez un monde qui reparaît toutes les injustices de votre réalité. Que faites-vous ?
A) Vous accélérez votre chute, en abrégeant vos souffrances.
B) Vous luttez pour survivre, comme si de rien était - vous vous débarrassez du carnet et tentez d'oublier le reste.
C)Vous cherchez à comprendre, lisez compulsivement les pages quitte à devenir fou.
Bienvenue dans la Maison aux épreuves, et dans les épreuves d'un deuil impossible à faire.
Ce livre est un pari stylistique un peu fou. Nous suivons le narrateur, celui là même qui a retrouvé un carnet, reliquat de son enfance qui pourrait expliquer le suicide de sa meilleure amie Fiona. Expliquer, voire réécrire la réalité. La suite n'est que le flot de ses pensées et de ses tentatives, par l'écriture, de réintégrer une réalité insoutenable.
C'est une lecture coup de poing, pour laquelle il faut s'accrocher - mais assurément une des oeuvres les plus marquantes que j'ai pu lire ces derniers temps... Nhésitez pas à tenter l 'expérience si vous 'ne craignez pas d'être ébranlés. de mon côté je n'hésiterai pas à suivre les prochaines publications des éditions de l'ogre !
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Le narrateur vient d'apprendre le suicide de son amie d'enfance Fiona, qu'il n'avait pas revue depuis leurs onze ans. C'est d'ailleurs dans l'école élémentaire où ils se sont rencontrés qu'elle a mis fin à ses jours. Une amitié fusionnelle liait les deux enfants, attirés l'un vers l'autre par une affinité quasi surnaturelle, une même appétence pour le morbide, une même imagination violente, délirante. le déménagement de la famille de Fiona les avait séparés.

Lui est alors devenu un adolescent puis un étudiant de plus en plus misanthrope, obsédé par ses rêves, pendant qu'elle, rebelle, a expérimenté tous les interdits, parcourant le monde en se livrant à maintes transgressions.

Si le père de la jeune fille a pris la peine de le contacter pour lui annoncer cette funeste nouvelle, c'est parce qu'il a trouvé dans une poche de la défunte un texte étrange, intitulé "Projet du terrain d'Essai", co-écrit par les deux enfants. le fameux Terrain d'Essai était le lieu à la fois cauchemardesque et fabuleux où ils imaginaient envoyer leurs ennemis, pour les soumettre à d'épouvantables expériences...

... Ce qui précède est un préambule à "La Maison des épreuves" -qui ne ressemble sans doute à rien de ce que vous avez déjà lu-, dont il est en même temps une composante essentielle, puisqu'en nous éclairant sur la nature et surtout sur l'objectif de ce texte, il nous empêche de le réduire à un simple exercice de style, et nous convainc de sa dimension poignante. "La Maison des épreuves" est le livre que le narrateur imagine pour Fiona, la concrétisation de leur fantasmagorie enfantine, le texte qui aurait pu, peut-être, la sauver.

Il serait cruel de vous décrire précisément la forme, ou plutôt les formes que prend cette Maison des Épreuves dans laquelle vous entraîne Jason Hrivnak, la façon dont elle vous déroute, vous déstabilise, entrant pour une grande part dans l'empreinte que ce roman laisse en vous.

A la fois jeu de rôle dont vous êtes le héros, questionnaire à choix multiples, pseudo dissertation philosophique, ce curieux ouvrage vous emmène sur les chemins tortueux d'un territoire à la fois fabuleux et malsain, vous place dans des situations inédites, étranges, qui évoquent rêves ou cauchemars, et dont les brefs intitulés se révèlent de véritables poèmes en prose.

La succession des épreuves est déroulée avec une froideur clinique, qui contraste avec leur contenu, et donne en effet l'impression de participer à un jeu, dont l'enjeu dépasse cependant la simple dimension ludique. Car derrière l'apparent détachement avec lequel le narrateur semble avoir composé ce singulier parcours, les questions que posent cette succession d'énigmes sans réponses renvoient à la lancinante détresse des incertitudes existentielles. Comment trouver la force de vivre ? Comment être sûr de faire, pour cela, les bons choix ?

"La Maison des Épreuves" est en réalité un cri d'amour et de désespoir, qui extirpe des angoisses enfantines leur beauté malsaine pour tenter de les exorciser, un guide de navigation entre vie et mort, un mode d'emploi pour supporter la douleur de l'existence.

Accepterez-vous les règles du jeu ?
Lien : https://bookin-ingannmic.blo..
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Le livre se termine sur cette phrase : " Pourquoi consacrons-nous plus de passion aux amours qui nous détruisent qu'à celles qui nous guérissent et nous complètent ? Est il inévitable que nous nous comportions de la sorte ? Imaginez que votre mort ne mette aucun terme à ce désir, qu'il vous plonge dans des états désirants encore plus fous et plus puissants". le livre ne raconte pas d'histoire... il nous met à l'épreuve.
L'auteur a perdu une amie chère. Cette mort va l'hanter et imaginer de multiples scénarios avec des QCM ou des questions ouvertes suite à une petite histoire. Toutes ses questions nous questionnent sur notre nature profonde et la tendance à l'auto destruction.
Livre à méditer. A arrêter et reprendre plusieurs fois pour éviter de vous laisser dévorer
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Un homme apprend le décès de sa plus tendre amie d'enfance avec laquelle il a coupé les ponts depuis plusieurs années. Abandon, perte de contact … Il se verra lié à ce suicide par un objet improbable. D'une tristesse absolue, il décide de reprendre le travail qu'il avait commencé avec son amie, un monde imaginaire où torture et choix sont maîtres.

Nous avons peu d'éléments sur le narrateur, c'est un personnage qui semble discret, plutôt gentil et triste de la mort de son amie. Je me suis attachée à lui par la douceur de ses mots envers celle qui a partagé son enfance. Il m'a touché. Ils m'ont touché. Leur amitié semblait si sincère que je ne peux que être aussi triste que le narrateur et aussi compréhensive pour le geste de son amie.

L'histoire en elle-même est plutôt courte puisque le roman est séparé en plusieurs parties. La première partie est le contexte de l'histoire pour situé le lecteur. Suite à cela, nous découvrons une information cruciale sur les autres parties du roman. En effet, ce n'est pas un livre comme les autres. Sous ses airs d'horreur ou thriller, il fait penser aux ouvrages dont nous sommes les héros. Mon objectif n'est pas de spoiler le contenu de ce livre-ci mais j'ai découvert de belles surprises.

J'ai apprécié le concept de ce livre-ci. L'originalité est présente. Je ne m'attendais pas à trouver un tel contenu et c'est un régal ! Nous avons la possibilité de participer au roman, quel bonheur. Je suis stupéfaite d'avoir trouvé ce que j'ai pu y lire. Réflexions et choix sont au rendez-vous. Ce fût un plaisir de découvrir une lecture atypique, agréable et surtout surprenante.
Lien : https://lademoiselleauxcerfs..
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