Malgré ses défauts c'est quand même impressionnant que d'avoir écrit ce "roman" de presque 500 pages avant 20 ans.
Ses défauts ? Je trouve que le texte est du théâtre en prose (et je ne suis pas sûr d'apprécier) : chaque chapitre (souvent assez court et précédé de citations dont je n'ai pas trouvé l'intérêt ni le rapport avec ce qui suivait - pourrait être facilement adapté sur une scène. Les dialogues sont "pas mal", les personnages assez bien caractérisés et les enjeux - sentimentaux, politiques..- m'ont vaguement rappelé certaines pièces de Racine. Les décors et les actions sont nombreux et variés mais je trouve que l'ensemble ne tient pas bien tous ces moments ensemble. Comme le dit quelqu'un d'autre dans ces critiques, je pense que Hugo a voulu mettre trop d'éléments littéraires dans cette oeuvre qui devient donc hétéroclite : les grands sentiments amoureux, les intrigues politiques tordues ( l'enfermement presque d'exil de Schumaker est d'ailleurs comme une étrange prémonition de la situation d'Hugo bien des années plus tard, exilé sur une île), du "gothique fantastique" (ce sont sûrement des termes anachroniques), un peu de
Homère (la scène de la bataille dans le défilé piège) etc. Mais bien des personnages sont imaginables et ce n'est pas mal écrit. On n'y trouve simplement pas le lyrisme et la liberté stylistique que j'ai tant appréciés dans
les Travailleurs de la Mer (mais entre les 2 il y a eu l'élaboration d'une oeuvre). Il y a un passage bien écrit (p.433 de mon édition (édition Rencontre, Lausanne, 1959) sur la fascination de la foule pour une condamnation, une exécution.
Bref, c'est typiquement un presque premier roman, une "oeuvre de jeunesse" d'une oeuvre dont le génie peu à peu émergera à force de travail.