Après l'engagement passionné et la souffrance violente exprimés dans
l'Année terrible que j'ai terminé hier, ce recueil n'est pas le même... Bien sûr, Hugo jeune a du talent, même s'il n'y a pas encore les innovations stylistiques de futurs recueils, pas encore de "bonnet rouge au vieux dictionnaire", pas encore de grande rupture dans le style, les alexandrins semblent relativement sages dans la forme - réserve-t-il à cette époque l'audace à son théâtre ? La thématique de la beauté de la nature, n'est pas ce que je préfère chez lui, ce certain sentimentalisme parfois un peu fleur bleu...
Jeune Hugo ai-je dit ? Pas tant que ça... Il a déjà évolué politiquement, passant du légitimisme à un bonapartisme qui est une admiration de l'Empereur. Mais on lit déjà une pitié bienveillante pour les pauvres - qui ne sont pas encore misérables. Il salue aussi déjà la liberté, refusant la tyrannie et l'oppression, prêt à se battre - à sa manière, par sa lyre, pour cette valeur suprême.
Et puis ce n'est plus un jeune amoureux chaste, c'est un père de famille, qui a déjà eu des joies et des douleurs, des tromperies aussi, qui relit ses premiers
poèmes d'amour sans ressentir ce qu'il éprouvait. Il se sent déjà au milieu de sa vie, dans "son automne" - ici, le poète "voyant" n'a pas su prédire lui-même sa propre carrière future ! Il se sent comme un exilé, qui n'est plus à sa place dans sa patrie, qui n'est pas apprécié et qui est critiqué. Plusieurs
poèmes sont dédiés à Lamartine, ou empruntent des citations de Byron, comme s'il devait encore se placer sous le patronage des chantres du romantisme.
Mais finalement, faut-il dire comme l'écrivit
Alexandre Dumas en découvrant
les Contemplations "qu'il était bon que Hugo souffrît" pour pouvoir écrire une oeuvre si belle ? Lire tout l'amour qu'il porte à la jeune Léopoldine est déchirant par avance, lire l'opinion que
Victor Hugo porte sur ses livres - pensant avoir déjà atteint le sommet de son oeuvre est émouvant, alors qu'il lui reste tant de souffrances personnelles et collectives à vivre, tant de douleurs intimes et nationales à partager, mais aussi tant de chef-d'oeuvres à écrire.