Dans le challenge littéraire de l'année que je tente de relever, un des critères est de lire "un livre que votre mère apprécie". Et vu comment j'ai été souvent bercé aux mots des poèmes d'Hugo, ce recueil devenait une évidence, surtout parce qu'il contient "Lorsque l'enfant paraît", poème préféré de ma maman !
En redécouvrant ainsi les mots d'Hugo, le plaisir est réel. C'est la tradition française des belles lettres qui s'exprime, de nombreuses formes poétiques sont explorées, la lecture à voix haute se savoure.
Le recueil se centre beaucoup sur le poète lui-même, sur sa famille, sur les sentiments du temps qui s'enfuit, sur la vieillesse qui s'annonce. Hugo n'est pourtant que trentenaire, mais le deuil de son père, qu'il exprime dans un des poèmes, le fait devenir "l'arbre de la famille" comme il le décrit si bien dans le poème à Louis Boulanger.
Mais on ne peut pas ignorer les différentes allusions à l'empereur, image de l'enfance de l'auteur, double plus majestueux du père respecté. La préface au recueil rédigée par Hugo lui-même a beau expliquer que ces poèmes sont volontairement centrés sur l'individu et sa famille au beau milieu des tourments de son époque, ces tourments sont présents partout en filigrane. Et le poème final est là pour le souligner plus directement, vecteur de la pensée politique d'Hugo et annonciateur d'oeuvres plus engagées.
Lire un recueil, c'est aussi, au delà du plaisir de redécouvrir les vers connus de "Ce siècle avait deux ans" ou de "Lorsque l'enfant parait", de découvrir pour le coup d'autres poèmes comme "La pente de la rêverie" ou le sublime "La prière pour tous", peut-être connus de tous mais ignorés de moi.
La préface que j'évoquais est une œuvre à part entière, même dans sa prose explicative Hugo s'enflamme. Parfois trop peut-être, quand il semble s'auto admirer, tout en feignant immédiatement ensuite la modestie. Les grands auteurs ne sauraient le devenir sans un confiance en eux, une assurance qui leur permet de se confronter au jugement de leurs contemporains, "abandonnant ce livre inutile au flot populaire qui emporte tant d'autres choses meilleures, [ressentant] un peu de ce mélancolique plaisir qu'on éprouve à jeter une fleur dans un torrent, et à voir ce qu'elle devient".
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O altitudo !
Avez-vous quelquefois, calme et silencieux,
Monté sur la montagne, en présence des cieux ?
Était-ce aux bords du Sund ? aux côtes de Bretagne ?
Aviez-vous l'océan au pied de la montagne ?
Et là, penché sur l'onde et sur l'immensité,
Calme et silencieux, avez-vous écouté ?
Voici ce qu'on entend : — du moins un jour qu'en rêve
Ma pensée abattit son vol sur une grève,
Et, du sommet d'un mont plongeant au gouffre amer,
Vit d'un côté la terre et de l'autre la mer,
J'écoutai, j'entendis, et jamais voix pareille
Ne sortit d'une bouche et n'émut une oreille.
Ce fut d'abord un bruit large, immense, confus,
Plus vague que le vent dans les arbres touffus,
Plein d'accords éclatants, de suaves murmures,
Doux comme un chant du soir, fort comme un choc d'armures
Quand la sourde mêlée étreint les escadrons
Et souffle, furieuse, aux bouches des clairons.
C'était une musique ineffable et profonde,
Qui, fluide, oscillait sans cesse autour du monde,
Et dans les vastes cieux, par ses flots rajeunis,
Roulait élargissant ses orbes infinis
Jusqu'au fond où son flux s'allait perdre dans l'ombre
Avec le temps, l'espace et la forme et le nombre !
Comme une autre atmosphère épars et débordé,
L'hymne éternel couvrait tout le globe inondé.
Le monde, enveloppé dans cette symphonie,
Comme il vogue dans l'air, voguait dans l'harmonie.
Et pensif, j'écoutais ces harpes de l'éther,
Perdu dans cette voix comme dans une mer.
Bientôt je distinguai, confuses et voilées,
Deux voix dans cette voix l'une à l'autre mêlées,
De la terre et des mers s'épanchant jusqu'au ciel,
Qui chantaient à la fois le chant universel ;
Et je les distinguai dans la rumeur profonde,
Comme on voit deux courants qui se croisent sous l'onde.
L'une venait des mers ; chant de gloire ! hymne heureux !
C'était la voix des flots qui se parlaient entre eux ;
L'autre, qui s'élevait de la terre où nous sommes,
Était triste : c'était le murmure des hommes ;
Et dans ce grand concert, qui chantait jour et nuit,
Chaque onde avait sa voix et chaque homme son bruit.
Or, comme je l'ai dit, l'océan magnifique
Épandait une voix joyeuse et pacifique,
Chantait comme la harpe aux temples de Sion,
Et louait la beauté de la création.
Sa clameur, qu'emportaient la brise et la rafale,
Incessamment vers Dieu montait plus triomphale,
Et chacun de ses flots, que Dieu seul peut dompter,
Quand l'autre avait fini, se levait pour chanter.
Comme ce grand lion dont Daniel fut l'hôte,
L'océan par moments abaissait sa voix haute ;
Et moi je croyais voir, vers le couchant en feu,
Sous sa crinière d'or passer la main de Dieu.
Cependant, à côté de l'auguste fanfare,
L'autre voix, comme un cri de coursier qui s'effare,
Comme le gond rouillé d'une porte d'enfer,
Comme l'archet d'airain sur la lyre de fer,
Grinçait ; et pleurs, et cris, l'injure, l'anathème,
Refus du viatique et refus du baptême,
Et malédiction, et blasphème, et clameur,
Dans le flot tournoyant de l'humaine rumeur
Passaient, comme le soir on voit dans les vallées
De noirs oiseaux de nuit qui s'en vont par volées.
Qu'était-ce que ce bruit dont mille échos vibraient ?
Hélas ! c'était la terre et l'homme qui pleuraient.
Frères ! de ces deux voix étranges, inouïes,
Sans cesse renaissant, sans cesse évanouies,
Qu'écoute l'Eternel durant l'éternité,
L'une disait : NATURE ! et l'autre : HUMANITÉ !
Alors je méditai ; car mon esprit fidèle,
Hélas ! n'avait jamais déployé plus grande aile ;
Dans mon ombre jamais n'avait lui tant de jour ;
Et je rêvai longtemps, contemplant tour à tour,
Après l'abîme obscur que me cachait la lame,
L'autre abîme sans fond qui s'ouvrait dans mon âme.
Et je me demandai pourquoi l'on est ici,
Quel peut être après tout le but de tout ceci,
Que fait l'âme, lequel vaut mieux d'être ou de vivre,
Et pourquoi le Seigneur, qui seul lit à son livre,
Mêle éternellement dans un fatal hymen
Le chant de la nature au cri du genre humain ?
Juillet 1829.
CE QU4ON ENTEND SUR LA MONTAGNE
Ce siècle avait deux ans ! Rome remplaçait Sparte,
Déjà Napoléon perçait sous Bonaparte,
Et du premier consul, déjà, par maint endroit,
Le front de l'empereur brisait le masque étroit.
Alors dans Besançon, vieille ville espagnole,
Jeté comme la graine au gré de l'air qui vole,
Naquit d'un sang breton et lorrain à la fois
Un enfant sans couleur, sans regard et sans voix ;
Si débile qu'il fut, ainsi qu'une chimère,
Abandonné de tous, excepté de sa mère,
Et que son cou ployé comme un frêle roseau
Fit faire en même temps sa bière et son berceau.
Cet enfant que la vie effaçait de son livre,
Et qui n'avait pas même un lendemain à vivre,
C'est moi.
Enfant ! si j'étais roi, je donnerais l'empire,
Et mon char, et mon sceptre, et mon peuple à genoux
Et ma couronne d'or, et mes bains de porphyre,
Et mes flottes, à qui la mer ne peut suffire,
Pour un regard de vous !
Si j'étais Dieu, la terre et l'air avec les ondes,
Les anges, les démons courbés devant ma loi,
Et le profond chaos aux entrailles fécondes,
L'éternité, l'espace, et les cieux, et les mondes,
Pour un baiser de toi !
A MA FEMME
Parfois, lorsque tout dort, je m'assieds plein de joie
Sous le dôme étoilé qui sur nos fronts flamboie ;
J'écoute si d'en haut il tombe quelque bruit ;
Et l'heure vainement me frappe de son aile
Quand je contemple, ému, cette fête éternelle
Que le ciel rayonnant donne au monde la nuit !
Souvent alors j'ai cru que ces soleils de flamme
Dans ce monde endormi n'échauffaient que mon âme
Qu'à les comprendre seul j'étais prédestiné ;
Que j'étais, moi, vaine ombre obscure et taciturne,
Le roi mystérieux de la pompe nocturne ;
Que le ciel pour moi seul s'était illuminé !
XXI - (Novembre 1829)
Le jour s'enfuit des cieux; sous leur transparent voile,
De moments en moments se hasarde une étoilé;
La nuit pas à pas monte au trône obscur des soirs;
Un coin du ciel est brun, l'autre lutte avec l'ombre,
Et déjà succédant au couchant rouge et sombre,
Le crépuscule gris meurt sur les coteaux noirs.
Et là-bas, allumant ses vitres étoilées,
Avec sa cathédrale aux flèches dentelées,
Les tours de son palais, les tours de sa prison,
Avec ses hauts clochers, sa bastille obscurcie
Posée au bord du ciel comme une longue scie,
La ville aux mille toits découpe l'horizon.
...
Quatrième technique pour être sûr de convaincre lors de vos prises de parole : le storytelling. L'avocat Bertrand Périer vous apprend à utiliser cette arme déterminante, grâce à l'aide de deux experts parmi les experts en ce domaine : Victor Hugo et Barack Obama.
Dans cette saison 1 du podcast “Ma parole !”, l'avocat, Bertrand Périer vous apprend à apprivoiser les meilleurs outils de l'éloquence pour prendre la parole en public, défendre vos arguments lors d'un débat ou déclarer votre flamme.
Pour en savoir plus : https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/serie-comment-convaincre-avec-bertrand-perier
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