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Citations sur Le lieu perdu (9)

A la tombée du jour, l’air change d’odeur et le silence s’allège. Alors, le temps reprend son cours, il perd en éternité à mesure qu’il gagne en ombres. C’est que la trame du silence s’ouvre ; elle laisse l’obscurité s’insinuer lentement en elle. Ainsi se préparent-ils tous les deux, l’air et le silence, pour que la nuit se tisse à partir de leurs fils.
Et c’est un bon moment pour enterrer un homme.
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Le soleil, la chaleur, la transpiration, les mouchoirs, qui devenaient gris tant il s’épongeait le visage et le cou. La seule chose réconfortante aux yeux de Ferroni, c’était l’ombre des trottoirs. A la différence de Buenos Aires, où il faisait aussi chaud sur le trottoir au soleil que sur le trottoir à l’ombre, sur ces trottoirs ombragés on trouvait vraiment de la fraîcheur. Les trottoirs à l’ombre était frais. On passait du trottoir au soleil au trottoir à l’ombre, et la différence était palpable. A Buenos Aires, cela n’arrivait pas, et Ferroni le ressentait comme une consolation. Et puis les nuits étaient fraîches, et à l’heure de la sieste il n’était pas nécessaire de mettre le ventilateur en marche. Mais comme il était stupide de se consoler avec des choses aussi stupides, alors qu’on ne pouvait pas faire deux pas sans que ses chaussures deviennent blanches de poussière et son mouchoir gris dès qu’on se le passait sur le visage et sur le cou pour en éponger la sueur.
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L’ombre sent le jasmin. Mais ce n’est pas l’ombre, et ce n’est pas seulement le parfum du jasmin. Il y a une odeur qui lui parvient, fumeuse et âpre, qui ne se mêle pas à l’odeur du jasmin, mais qui l’accompagne, la poursuit, la rattrape, elles vont de pair, se séparent, se rejoignent. Ferroni sait que c’est l’odeur des serpentins pour faire fuir les moustiques. Il voit la spirale avec son œil de lumière, accrochée au support de laiton, il voit la fumée s’étirer paresseusement vers le haut et il comprend que ce n’est pas l’ombre qui sent la fumée, mais bien la nuit, rien que la nuit, la nuit brute et dense de son enfance.
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La soupe de légumes est un bon premier plat. Ils commandent toujours une soupe de légumes. Une fois par semaine, c'est bien ; deux, aussi. Mais plus souvent, non. Plus souvent ils se lasseraient. C'est la même chose avec la soupe de cacahouètes. Non, c'est pire avec la soupe de cacahouètes, parce qu'elle est lourde. Et plus compliquée à faire. La soupe de légumes se prépare facilement. C'est un plaisir de voir les légumes tout propres et coupés, le vert de la bette, l'orange de la carotte et de la calebasse, quelques petites patates pour ajouter une touche de blanc. L'oignon est transparent ; cru, il est dune blancheur lumineuse, mais sitôt cuit, il devient comme de la bave de bébé, et le céleri, lui aussi s'éclaircit. Le persil noircit ; l'ail devient blanc, mais comme on le hache tout menu, c'est à peine si on le voit. Avec des petits vermicelles la soupe est encore meilleure ; escargots, papillons, ave maria. Le Portègne ne va pas rester pour le déjeuner. La Matilde dit qu'à Buenos Aires les gens ne mangent pas de soupe. Parfois, oui. Vraiment de temps en temps, dit la Matilde ; en hiver, c'est tout, et encore pas tous les jours. En été, il ne faut pas y songer. Le Portègne ne va pas déjeuner ici. comme s'il allait manger de la soupe ! Un rien piquant, il a dit. Les tamales ne sont pas un rien piquants, ils sont piquants. Piquants, monsieur, piquants ;
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Village de merde. Rues de merde. La première chose qu’il ferait en arrivant à la pension, c’est de laver ses chaussures ; il n’avait pas d’autre solution que de les décrotter dans le grand bac à laver le linge. Et il allait devoir le faire rapidement, avant que la boue ne sèche. Quand la boue a séché, c’est toujours plus difficile, on finit par érafler le cuir, et ensuite plus aucun cirage ne peut masquer les éraflures. En revanche, quand la boue est fraîche, on met la chaussure sous le robinet, en prenant garde que l’eau ne s’infiltre pas à l’intérieur, et le nettoyage se fait tout seul. Bien sûr, ensuite, il faut l’essuyer soigneusement avec une peau de chamois et la faire sécher. Ferroni pensa qu’une couche de teinture serait une bonne chose avant le cirage. Oui, murmura-t-il, d’abord une couche de teinture et ensuite le cirage. La ruelle luisait. Il ne pleuvait plus, mais il y avait encore de l’eau sur les feuilles des arbres et sur les joints du pavement. Le ciel était complètement dégagé et le soleil voulait déjà se montrer. Il a beau pleuvoir à verse, tu verras que dès que ça s’arrête le soleil sort aussitôt ; dans le Nord, c’est comme ça, lui avait dit son supérieur. Alors, autant faire vite ; si la boue de ses chaussures séchait, il allait devoir la décoller avec un couteau.
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Un scarabée, pattes en l’air, se berçait sottement dans l’eau de la cuvette. Ferroni le regarda avec une certaine appréhension et décida que le mieux était de vider l’eau avec le scarabée dans le trou d’évacuation du bac. Il se lava le visage, se rappelant la sensation de bien-être qu’il éprouvait chaque fois que l’eau glacée lui fouettait les joues. L’eau le réveillait, le mettait en alerte, lui activait les neurones.
Ferroni pensa au scarabée ; il l’imaginait en train de marcher le long du tuyau d’écoulement, cherchant à s’évader de cette prison sombre et tubulaire. Soudain, là, debout dans la cour, près du bac à laver le linge, il frissonna. Il se rendit compte qu’il n’était pas prudent de sortir en maillot de corps de si bonne heure. Il pouvait prendre froid. Il n’était pas habitué à des petits matins si frais en plein été.
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- Qu’est-ce que vous êtes venu faire ?
- Vous saluer. Et aussi boire une petite bière. Il fait chaud.
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Elle avait le visage sec. Pas une seule goutte de sueur. La mèche de cheveux lui effleurant la joue. La fille ne répondit pas et continua de marcher sur le fond
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Qui peut t'assurer, Marita, qu'elle a dit laisser et non chasser ? Tu vas devoir tendre mieux l'oreille ; elle ne va pas te répéter ce qu'elle a dit, parce qu'elle ne sait pas qu'elle est en train de parler. Quand Natividad Urgarte se met à murmurer, elle décolle un peu du sol, c'est comme si elle s'élevait un tout petit peu dans l'air, juste ce qu'il faut pour se débarrasser de tant de réalité ; alors elle entrouvre les lèvres ; à peine une ligne sombre entre une lèvre et l'autre, et par là sortent les mots, fins comme les fils de soie qui s'entrelacent parfois dans la trame de quelques ponchos, et qui ensuite, quand le poncho est tissé, ne se remarquent même plus, à moins qu'on ne le mette d'une certaine façon à la lumière du soleil, alors on voit une lueur qui court comme une petite araignée le long de la trame, et ça c'est le fil de soie, qui est là pour ça, pour luire comme une éclaboussure, mais sans qu'on sache ni le comment ni le pourquoi.
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