Ah! J'espère que tu ne perds pas patience à la lecture de ce carnet. Aujourd'hui, les choses vont vite, même les génériques de films à la télévision, tiens ! Avant l'on prenait le temps de rentrer dans le film en douceur, comme dans ces dessins animés de Walt Disney que tu regardais enfant...Maintenant tout démarre au quart de tour ! Les films commencent par la fin, reviennent en arrière, on n'y comprend rien...
"_Alors Gisèle, ces cours d'informatique ? demande Félix. Ca avance comme vous voulez ?
Devant lui, Gisèle, en bigoudis, a le nez sur son ordinateur. Comme chaque mardi, elle a profité de l'atelier d'initiation organisé par Billy, un retraité timide mais sympathique. Les participants ne sont pas nombreux, mais Gisèle est assidue.
_Comme dirait l'autre, je comprends vite mais il faut m'expliquer longtemps. Vous connaissez la "robase" ? C'est un peu comme un code postal en forme de bouton de rose. Si vous ne mettez pas de fleur dans l'adresse, votre courrier n'arrive jamais."
"Julia ravale un sanglot. Connaît-on jamais vraiment ceux que l'on aime ? Soudain, seule dans cette chambre, Julia se met à douter de tout."
"_Pour faire ce métier, il faut écouter la nature. Il n'y a que ça qui compte. La Nature n'est pas une transaction. C'est une femme, et elle craint les hommes. Elle ne se livre qu'à ceux qui s'offrent à elle."
"Sans hésiter, elle ouvre le carnet à la première page et saisit son stylo. Qui a dit que les gens heureux n'avaient pas d'histoire ? Elle va écrire la leur. Combler les blancs. Raconter l'amour qui résiste au temps. A la maladie. L'amour que rien n'efface. Pas même l'oubli."
"_Accepte d'être vulnérable. C'est le secret du bonheur. Accepter de marcher nu dans une assemblée de gens vêtus. Se montrer tel que l'on est, tendre le flanc aux jugements. Il n'y a que comme cela que l'on est vivant !"
"La vie tient à peu de choses. Les amours les plus folles côtoient les chagrins les plus grands."
"On peut vivre sa vie de deux façons, soit comme si rien n'est un miracle, soit comme si tout l'est."
"Profitant de sa légèreté retrouvée, elle attrape son ordinateur et décide de rédiger les trois chapitres de la biographie qu'elle doit rendre à son éditeur. Les écrire d'un seul jet. Elle met son minuteur sur son téléphone. Les contraintes sont mères de créativité."
"_C'est à toi qu'elle l'a confié, non ? Et en ce qui concerne son état de santé, rien n'est définitif. Les médecins ne peuvent pas tout prévoir. Qui sait, lire ce carnet t'aidera sans doute à la ramener parmi nous. Julia n'avait pas pensé à ça. Les mots de Félix suscitent en elle un état d'optimisme inattendu.
_En revanche..., ajoute-t-il en penchant la tête.
_Oui ?
_Prépare-toi à lire des choses qui ne seront pas forcément celles que tu imaginais. Toutes les vérités ne sont pas agréables à entendre...
Julia opine du chef en silence.
La vérité demande du courage à celui qui l'exprime tout autant qu'à celui qui la reçoit."