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Citations sur Là-bas (160)

Partout le triomphe des scélérats ou des médiocres, partout l’apothéose des gredins de la politique et des banques ! Et vous croyez qu’on remontera un courant pareil ? Non, jamais, l’homme n’a changé ; son âme purulait au temps de la genèse, elle n’est, à l’heure actuelle, ni moins fétide. La forme seule de ses péchés varie ; le progrès c’est l’hypocrisie qui raffine les vices !
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Pour Durtal, l’histoire était donc le plus solennel des mensonges, le plus enfantin des leurres. […] La vérité, c’est que l’exactitude est impossible, se disait-il ; comment pénétrer dans les événements du Moyen Age, alors que personne n’est seulement à même d’expliquer les épisodes les plus récents, les dessous de la Révolution, les pilotis de la Commune, par exemple ? Il ne reste donc qu’à se fabriquer sa vision, s’imaginer avec soi-même les créatures d’un autre temps, s’incarner en elles, endosser, si l’on peut, l’apparence de leur défroque, se forger enfin, avec des détails adroitement triés, de fallacieux ensembles. C’est ce que Michelet a fait, en somme ; et bien que cette vieille énervée ait singulièrement vagabondé dans les hors-d’œuvre, s’arrêtant devant des riens, délirant doucement en des anecdotes qu’elle enflait et déclarait immenses, dès que ses accès de sentiment et ses crises de chauvinisme brouillaient la possibilité de ses présomptions, alitaient la santé de ses conjectures, elle était néanmoins la seule, en France, qui eût plané au-dessus des siècles et plongé de haut dans l’obscur défilé des vieux récits.

Hystérique et bavarde, impudente et intime, son histoire de France était cependant, à certains endroits, soulevée par le vent du large ; ses personnages vivaient, sortaient de ces limbes où les inhument les cinéraires anas de ses confrères ; peu importait dès lors que Michelet eût été le moins véridique des historiens, puisqu’il en était le plus personnel et le plus artiste. Quant aux autres, ils furetaient maintenant dans les paperasses, se bornaient à piquer sur leurs plaques de liège des faits divers. A la suite de M. Taine, ils gommaient des notes, les collaient les unes à la suite des autres, ne gardaient, bien entendu, que celles qui pouvaient soutenir la fantaisie de leurs contes. Ces gens-là se défendaient de toute imagination, de tout enthousiasme, prétendaient ne rien inventer, ce qui était vrai, mais ils n’en maquillaient pas moins, par la sélection de leurs documents, l’histoire. Et puis, comme leur système était simple ! On découvrait que tel événement s’était passé en France dans quelques communes et l’on concluait aussitôt que tout le pays pensait, vivait de telle façon, à tel jour de telle année, à telle heure.
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Il semble que la nature se pervertisse devant lui et que ce soit sa présence même qui a déprave […]. Partout les formes obscènes montent de la terre, jaillissent en désordre dans le firmament qui se satanise ; les nuages se gonflent en mamelons, se fendent en croupes, s'arrondissent en des outres fécondes, se dispersent en des traînées épandues de laite ; ils s'accordent avec la bombance sombre de la futaie où ce ne sont plus qu'images de cuisses géantes ou naines, que triangles féminins, que grands v, que bouches de Sodome, que cicatrices qui s'ébrasent, qu'issues humides ! - Et ce paysage d'abomination change. Gilles voit maintenant sur les troncs d'inquiétants polypes, d'horribles loupes. Il constate des exostoses et des ulcères, des plaies taillées à pic, des tubercules chancrelleux, des caries atroces ; c'est une maladrerie de la terre, une clinique vénérienne d'arbres dans laquelle surgit, au détour d'une allée, un hêtre rouge.
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Durtal avait cessé, depuis près de deux années, de fréquenter le monde des lettres; les livres d'abord, puis les racontars des journaux, les souvenirs des uns, les mémoires des autres, s'évertuaient à représenter ce monde comme le diocèse de l'intelligence, comme le plus spirituel des patriciats. A les en croire, l'esprit fusait en baguettes d'artifices et les reparties les plus stimulantes crépitaient dans ces réunions. Durtal s'expliquait mal la persistance de cette antienne, car il jugeait, par expérience, que les littérateurs se divisaient, à l'heure actuelle, en deux groupes, le premier composé de cupides bourgeois, le second d'abominables mufles.
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D’un mot le capital décide les monopoles, édifie les Banques, accapare les substances, dispose de la vie, peut, s’il le veut, faire mourir de faim des milliers d’êtres !
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Ils feront, comme leurs pères, comme leurs mères […] ; ils s’empliront les tripes et ils se vidangeront l’âme par le bas-ventre !
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[Gilles De Rais] sanglote, en marchant, écarte, éperdu, les fantômes qui l’accostent, regarde, et soudain il voit l’obscénité des très vieux arbres.

Il semble que la nature se pervertisse devant lui et que ce soit sa présence même qui la déprave ; pour la première fois, il comprend l’immuable salacité des bois, découvre des priapées dans les futaies.

Ici, l’arbre lui apparaît comme un être vivant, debout, la tête en bas, enfouie dans la chevelure de ses racines, dressant des jambes en l’air, les écartant, puis se subdivisant en de nouvelles cuisses qui s’ouvrent, à leur tour, deviennent de plus en plus petites, à mesure qu’elles s’éloignent du tronc ; là, entre ces jambes, une autre branche est enfoncée, en une immobile fornication qui se répète et diminue, de rameaux en rameaux, jusqu’à la cime ; là encore, le fût lui semble être un phallus qui monte et disparaît sous une jupe de feuilles ou bien, il sort au contraire, d’une toison verte et plonge dans le ventre velouté du sol.

Des images l’effarent. Il revoit les peaux garçonnières, les peaux du blanc lucide des parchemins, dans les écorces pâles et lisses des longs hêtres ; il retrouve l’épiderme éléphantin des mendiants dans l’enveloppe noire et rugueuse des vieux chênes ; puis, auprès des bifurcations des branches, des trous bâillent, des orifices où l’écorce fait bourrelet sur des entailles en ovale, des hiatus plissés qui simulent d’immondes émonctoires ou des natures béantes de bêtes. Ce sont encore, à des coudes de branches, d’autres visions, des fosses de dessous de bras, des aisselles frisées en lichen gris ; ce sont, dans le tronc même de l’arbre, des blessures qui s’allongent en grandes lèvres, sous des touffes de velours roux et des bouquets de mousses !

Partout les formes obscènes montent de la terre, jaillissent en désordre dans le firmament qui se satanise ; les nuages se gonflent en mamelons, se fendent en croupes, s’arrondissent en des outres fécondes, se dispersent en des traînées épandues de laite ; ils s’accordent avec la bombance sombre de la futaie où ce ne sont plus qu’images de cuisses géantes ou naines, que triangles féminins, que grands v, que bouches de Sodome, que cicatrices qui s’ébrasent, qu’issues humides ! - Et ce paysage d’abomination change. Gilles voit maintenant sur les troncs d’inquiétants polypes, d’horribles loupes. Il constate des exostoses et des ulcères, des plaies taillées à pic, des tubercules chancrelleux, des caries atroces ; c’est une maladrerie de la terre, une clinique vénérienne d’arbres dans laquelle surgit, au détour d’une allée, un hêtre rouge.
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Mais si l’au-delà du bien, si le là-bas de l’amour est accessible à certaines âmes, l’au-delà du mal ne s’atteint pas. Excédé de stupres et de meurtres, le maréchal ne pouvait aller dans cette voie plus loin. Il avait beau rêver à des viols uniques, à des tortures plus studieuses et plus lentes, c’en était fait ; les limites de l’imagination humaine prenaient fin ; il les avait, diaboliquement, dépassées même. Il haletait, insatiable, devant le vide ; il pouvait vérifier cet axiome des démonographes, que le malin dupe tous les gens qui se donnent ou veulent se livrer à lui.
Ne pouvant plus descendre, il voulut revenir sur ses pas, mais alors le remords fondit sur lui, le harpa, le tenailla sans trêve.
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Décidément, la réalité ne pardonne pas qu'on la méprise; elle se venge en effondrant le rêve, en le piétinant, en le jetant en loques dans un tas de boue!
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- Et dire que ce dix-neuvième siècle s’exalte et s’adule ! Il n’a qu’un mot à la bouche, le progrès. Le progrès de qui ? Le progrès de quoi ? Car il n’a pas inventé grand-chose, ce misérable siècle !
Il n’a rien édifié et tout détruit. A l’heure actuelle, il se glorifie dans cette électricité qu’il s’imagine avoir découverte ! Mais elle était connue et maniée dès les temps les plus reculés et si les anciens n’ont pu expliquer sa nature, son essence même, les modernes sont tout aussi incapables de démontrer les causes de cette force qui charrie l’étincelle et emporte, en nasillant, la voix le long d’un fil ! Il se figure aussi avoir créé l’hypnotisme, alors que, dans l’Egypte et dans l’Inde, les prêtres et les brahmes connaissaient et pratiquaient à fond cette terrible science ; non, ce qu’il a trouvé, ce siècle, c’est la falsification des denrées, la sophistication des produits.
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