AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
4,09

sur 101 notes
5
16 avis
4
8 avis
3
2 avis
2
1 avis
1
0 avis
Les visages inhumains de la grande famine russe…

La contemporaine Gouzel Iakhina a indéniablement hérité de l'art romanesque des grands auteurs russes. Comme eux, ses histoires incroyablement romanesques sont serties de précisions historiques mettant intelligemment le doigt sur les traumatismes de son peuple ; comme eux, elle sait offrir moult portraits de personnages ambigus décrits à la fois avec grandiloquence et finesse, des hommes et des femmes ni bon ni mauvais qu'elle traite avec réalisme, sans le moindre manichéisme ; comme eux elle se fait peintre via les nombreux clair-obscur savamment distillés qui donnent réellement l'impression d'avoir sous les yeux non pas des mots et des phrases mais une vaste galerie dotée d'une magnifique succession de tableaux aux scènes tour à tour tragiques et saisissantes ; comme eux, elle nous marque via moult images horrifiques et visuelles, ces images qui sont de celles marquant le lecteur au fer rouge à jamais.

Comme pour son livre précédent, Les enfants de la Volga, l'histoire est soutenue par plusieurs piliers, combo étonnant, récit gigogne entremêlant le conte, le fantastique, la poésie, le romanesque, et l'histoire politique et économique de la Russie du début du 20ème siècle. Alors que son précédent livre relatait la vie dans les colonies d'Allemands installés en Russie depuis le XVIII siècle et racontait l'histoire politique et économique de ce territoire sur les bords de la Volga au début des années 1920, près de la ville de Saratov, l'auteure s'empare ici d'une réalité historique tragique : la famine des années 1920 qu'a subie cette région. le nouvel état soviétique, après la Première Guerre mondiale et après la Révolution de 1917 n'arrive pas à nourrir la population. La collectivisation forcée des terres à coup d'impôts insoutenables pour les récalcitrants a en effet engendré une famine terrifiante en Ukraine, en Crimée, en Russie.

Le mot famine n'est pour nous qu'un concept, une idée. L'auteure nous plonge dedans, nous met la tête bien dedans, reliant à ce concept mille et une images. Une famine qui pousse à l'anthropophagie, à calmer sa faim en mangeant des soupes de sables, à sucer des cailloux, à se nourrir de poux, de semelles de cuir, de racines. Une famine qui pousse les mères à donner leurs enfants pour qu'ils aient un avenir meilleur, voire à les laisser en guise de nourriture, notamment aux loups affamés eux aussi, pour pouvoir sauver sa vie et celles d'enfants plus grands et plus robustes. La famine qui enlève toute humanité. Les très nombreux passages sur ce fléau, ses conséquences sur les organismes enfantins, les maladies dont elle est à l'origine (choléra, typhus, gonflements…), les millions de morts qu'elle engendre, n'interdit pas Gouzel Iakhina de distiller de la poésie, et même un certain humour, et c'est bien cette osmose-là qui est incroyable et qui donne du charme au livre malgré l'horreur racontée.

Pour tenter de sauver quelques centaines d'enfants de la famine, le gouvernement soviétique met sur pied des convois d'évacuation pour eux. C'est l'un de ces trains que l'officier de l'Armée rouge Deïev prend en charge, avec à son bord cinq cents enfants, qu'il doit acheminer de Kazan, la capitale du Tatarstan, jusqu'à Samarcande (une carte en tout début du livre nous permet de suivre leur périple à travers la Russie). Pour atteindre le Turkestan, terre d'abondance épargnée par la famine, il faut faire un long voyage de milliers de kilomètres à travers les forêts de la Volga, les steppes de l'Oural, puis les déserts d'Asie centrale. Chaque arrêt est l'occasion de s'imprégner des paysages très divers. Vu l'âge des enfants, de 2 à 12 ans, enfants affamés, orphelins ou vagabonds, il est facile d'imaginer que ce road-movie ne sera pas une sinécure, ce d'autant plus que les adultes ne sont pas nombreux pour cette armée d'enfants : il y a Deïev, la commissaire Blanche, femme forte et charismatique, douze nurses, un jeune cuisinier et un vieil infirmier dénommé Boug.
Chaque arrêt va être l'occasion pour eux de trouver à nouveau de la nourriture, de l'eau, du charbon, du savon, de la viande…entre la bonté miraculeuse de quelques personnages rencontrés, la chance de Deïv, les maladies contractées, la mort qui va frapper malgré toute la volonté désespérée des adultes, les essais infatigables des enfants des rues pour rejoindre ce convoi de l'espoir, le train va avancer cahin caha avec son lot d'horreurs, d'espoirs et quelques moments d'une beauté fulgurante.

Au-delà de la famine dont les ravages sont stupéfiants, je suis durablement marquée par quelques scènes qu'il me semble avoir vécues, vues, ressenties. Ce village sous la neige aux isbas vides et glacées, tous les habitants réunis dans une seule isba pour se tenir chaud, sans n'avoir rien à manger, il me semble l'avoir traversé moi aussi, avoir senti les odeurs fétides flottant dans cette isba remplie de corps monstrueusement maigres ou monstrueusement gonflés, entassés…ou encore la découverte des enfants grabataires au dernier stade de la faim dont la description est d'un réalisme glaçant, il me semble les avoir portés. Je pense aussi aux instants d'amour entre Deïev et Blanche, dans ce wagon au décor rococo, j'en ai été témoin discrète. L'histoire de ce petit garçon aussi qui en est venu à se mettre sur les rails, attendant l'arrivée du train pour en finir, le même qui a vu sa soeur dévorée par les loups et qui a retrouvé sa mère morte, j'ai lu dans ses pensées et ai été très émue. Et je pourrais en citer tant d'autres…L'auteure raconte tellement bien que nous voyons les scènes, nous sommes dans le train, à tanguer avec ces cinq cent enfants, nous sentons les odeurs, percevons la psychologie très subtile de chaque personnage qui deviennent d'autant plus attachants, sommes enveloppés par l'ambiance si singulière que distille l'auteure…

« Parfois, des juments s'ébrouaient. Les corbeaux croassaient souvent, ils étaient des nuées. Maigres, les plumes hérissées, ils sautillaient sur les toits, atterrissaient sur les sièges des chariots et les harnais des chevaux, fourrant partout leurs becs éhontés dans l'espoir de rafler quelque chose. Un épouvantail était dressé sur le faite de quelques grandes, mais les oiseaux ne craignaient rien : ils se posaient sur les mannequins, sur leurs bras écartés, et tapaient méchamment du bec sur leurs têtes, des pots fendus (Deïev remarqua que l'un des épouvantails était vêtu d'une soutane, un autre, d'un frac tout déchiré). Plus ils avançaient, plus les corbeaux étaient nombreux, et leurs cris bruyants. Et l'air était de plus en plus épais : les objets apparaissaient à travers une brume blanchâtre, les contours perdaient leur netteté ».

Chose à souligner aussi, comme pour son livre précédent, ce livre se démarque également par sa facette fantastique, voire magique, facette moins présente que dans Les enfants de la Volga mais cependant bien là, donnant à cette histoire une touche étonnante, tel un piment venant rehausser un plat, le fantastique colore par moment le récit. Citons par exemple les visions hallucinantes d'un enfant à l'article de la mort attaqué par un Pou qui m'a fait penser immédiatement à Kafka…

« le Pou tressaillit devant l'odeur de sang frais. Il hésita encore un instant, bougeant le museau, puis arracha ses griffes-serpes de la couchette et, crissant sur le sol, se précipita vers Senia. Sa panse grasse traina sur les planches et manqua d'arracher sur son passage les châlits solidement arrimés (…) Derrière lui, il entendait déjà grincer les serpes du Pou. Celui-ci avait de la peine à avancer sur la surface lisse : il était contraint d'enfoncer l'un après l'autre ses crochets dans le fer, gauche-droite, gauche-droite, et de progresser ainsi, par à-coups, comme s'il ramait sur le toit. Sa panse à la peau épaisse heurtait les tuyaux, et on distinguait de grosses lentes qui roulaient à l'intérieur de l'animal »…

La poésie est bien présente et émane des enfants eux-mêmes. N'ayant aucune possession, même pas des habits ou des chaussures, privés de parents et de maison, et souvent même de souvenirs d'enfance, les enfants ne sont maitres que d'une chose : la langue. C'est leur richesse, leur patrie dont ils inventent de nouveau territoires. Un trésor qu'ils ne peuvent pas perdre pendant leurs errances, pendant les rixes, un trésor inusable et qui, au contraire, s'enrichit avec le temps. Un trésor qui ne trahit pas et reste toujours avec eux.

« Les enfants aimaient les rimes – non, pas celles des poètes, mais celles qu'ils inventaient eux-mêmes. Les plus entreprenants composaient des strophes. Les plus timides répétaient ce qu'inventaient les autres. Chaque situation, l'événement le plus élémentaire, comme une bousculade dans la queue de distribution du repas ou le compte des poux sur sa chaise, pouvaient être immédiatement transformés en consonances sonores. C'était une chose de menacer de taper le nez. Une tout autre, de proférer cette menace en vers : « J'vais t'écraser le groin / T'en as bien besoin ». C'était une chose de ne pas croire quelqu'un et de le lui dire. Une tout autre, de prononcer avec mépris, plissant les yeux : « Ton clapet pue les cabinets ».

La poésie est également très présente dans les moments d'humanité qui ponctuent le récit comme le « mariage » des enfants, l'amour naissant entre Deïev et Blanche, les gestes de tendresse de Fatima, les gestes de bonté surgissant au milieu de la barbarie, la solidarité des enfants entre eux…


L'écriture de l'auteure honore à merveille la nature et la femme. Comme dans son précédent livre, les femmes ici sont des êtres forts, stables et visionnaires. La flore, la neige la Volga, la steppe sont magnifiés. Gouzel Iakhina utilise les jeux de lumières, les couleurs, les odeurs et les sons, ainsi que de nombreuses personnifications pour sertir son roman de descriptions inoubliables faisant souvent penser à des tableaux comme expliqué au début de mon billet.


Au final, ce roman est un roman extraordinaire, un livre intelligent et sensible, touchant et instructif, fort et bien écrit. C'est un grand roman dans la lignée des grands romans russes qui laisse au lecteur un savoir approfondi sur l'histoire russe servi par des images inoubliables, immersives et visuelles. L'auteure nous raconte l'horreur de la famine russe des années 1920 tout en développant avec virtuosité la psychologie de ses personnages, en magnifiant la nature traversée, avec poésie et magie. du grand art !


Commenter  J’apprécie          9342
Pour son troisième roman, Gouzel Iakhina gagne une fois encore mes 5 étoiles en maîtresse absolue de la grande tradition littéraire russe avec son intelligence de la narration étayée par une documentation solide et pourtant discrète, ses personnages ambigus en quête de rédemption et son aisance dans tous les registres d'écriture.

Dans les années 1920, le nouvel état soviétique n'arrive pas à nourrir la population et à stabiliser son économie après la première guerre et la Révolution. Une terrible famine ravage l'Ukraine, la Crimée, la Russie et le bassin de la Volga au point qu'on assiste au retour de l'anthropophagie.
Les cadavres s'empilent dans les rues et l'aide internationale tarde à se mettre en place. Des convois ferroviaires sont alors organisés pour tenter de sauver des milliers d'enfants en les envoyant vers les régions plus clémentes du Turkestan et notamment vers Samarcande.

Gouzel Iakhina s'est donnée pour mission de décrypter le traumatisme du totalitarisme, non pas de manière théorique, mais en s'approchant au plus près des émotions humaines afin de comprendre comment une société peut survivre à la déshumanisation engendrée par un système. Grâce à la littérature, elle essaie de mettre au jour la violence d'une histoire que l'état soviétique refuse d'aborder.
Alors qu'elle vit toujours en Russie et au Kazakhstan, elle craint que les pratiques de survie en société totalitaire ne soient à nouveau d'actualité : les gens refusent d'affronter la vérité et pratiquent une politique de l'autruche. Elle exprime ainsi le rejet des erreurs du passé qui empêche d'avancer :" La guerre civile, les déplacements de populations, la famine, la dékoulakisation (expropriation forcée des paysans): il est important d'aborder ces événements du début du 20e siècle, trous noirs dans la mémoire collective, qui ont coûté des millions de vies humaines. Ces traumatismes, qui font partie de l'histoire de tant de familles, ont pour la plupart été passés sous silence".
Pour cette raison, elle est accusée par les uns de noircir la réalité historique et par les autres de la blanchir. Mais Gouzel Iakhina connaît toutes les nuances de gris et sait comment un homme, broyé par L Histoire, peut être à la fois victime et bourreau.

C'est ainsi, dans cette ambivalence, que naissent chacun de ses personnages. Deïev, le chef du convoi, aussi prodigieusement courageux soit-il, est hanté par un passé de soldat-tueur. le vieil infirmier l'a compris: "On a l'impression que tu es bon, meilleur que personne : tu donnes le kissel aux grabataires, tu accueilles un attardé mental sous ton chalit, tu fais monter les gamins sans abri dans le convoi pour les sauver de la famine. Tu sembles avoir assez de bonté pour trois. Mais la haine, fiston, ce n'est pas pour trois mais pour une bonne dizaine que tu en as. Tu portes cette haine en toi, tu essaies de la retenir, mais elle jaillit quand même à l'extérieur. Et sous l'amour, il y a la colère sous la jeunesse, la vieillesse, sous la force et l'autorité, la faiblesse et une âme déchirée. "
Pour l'auteure, cette contradiction et cette dualité pourraient incarner la réalité du régime communiste : un idéal lumineux et une réalité obscure, tout comme elles pourraient rejaillir chez" l'homme soviétique ".

Gouzel Iakhina est une magnifique conteuse qui réussit l'exploit d'injecter de la poésie et de la drôlerie dans un drame épouvantable qui décrit la mort quotidienne de plusieurs enfants.
Certes on plonge dans des abîmes d'horreur en découvrant les expédients utilisés pour tromper la faim: soupes de sable, poux et cafards, semelles de cuir, cailloux et racines, jusqu'à ces mères qui demandent le droit de manger leurs enfants. Ou celle qui laisse sa fille épuisée à manger aux loups pour gagner le droit de passer.
Car " la nourriture était devenue plus chère que l'argent, la nourriture était devenue de l'argent. "

Mais le récit est ponctué d'anecdotes pleines d'humanité : le dévouement des adultes du train, les "mariages" des enfants, la berceuse du soir chantée par Fatima, la baignade dans la mer d'Aral, la solidarité des enfants qui se protègent les uns et les autres.
Et surtout pendant les six semaines de la traversée, le convoi de Deïev parcourt plus de 4000 km, traverse la moitié de l'Union soviétique et rencontre toutes sortes de personnes sur le chemin : des tchékistes, des bandits, des Basmatchi du Turkestan, tous des ennemis prêts à tuer. Tous des représentants de la barbarie humaine. Pourtant, tous vont aider à sauver les enfants. Comme si le sauvetage des enfants était l'instrument de mesure qui permettait d'évaluer le degré d'humanité en chacun.

Entre tragédie et soulagement, la fantaisie parvient à se frayer un chemin. Elle est d'abord dans les pseudonymes choisis par les enfants, emplis de créativité, d'humour et d'émotion. La longue litanie finale des 501 enfants survivants ressemble à un inventaire à la Prevert. Et puis viennent s'intercaler dans la narration des monologues intérieurs à la première personne débordant de divagation poétique, d'auto-derision cocasse, d'aventure picaresque tel celui de l'enfant contre un pou géant. Enfin, l'usage de l'hyperbole rendu possible par le gigantisme de "la guirlande", accentue le caractère parfois picaresque de ce voyage à travers la Russie.

L'auteure a confié en interview avoir placé sa confiance dans l'espèce humaine. Comme elle, on peut espérer dans un bel élan d'optimisme, qu'un jour viendra où l'on pourra dire :
" Les gens étaient faits pour vivre, tout simplement. Ils naissaient pour gagner leur pain à la sueur de leur front, pour croquer dans une pomme, marcher pieds nus dans l'herbe, se fâcher, faire la paix, aimer quelqu'un ou aider quelqu'un à construire, à réparer. Pas pour se retrouver gisant, nus, dans une fosse commune, avec un trou dans le crâne. Pas pour être mis en miettes par les hélices d'une vedette militaire. Les gens naissaient pour exister. "

Commenter  J’apprécie          309
Il y a des recettes qui, trop déclinées, déçoivent, d'autres qui, bien qu'éprouvées, vous remettent illico les papilles en appétit.

Quand j'ai lu le résumé de Convoi pour Samarcande je me suis demandé si l'auteur de Zouleika ouvre les yeux avait su se renouveler. Encore un convoi - d'enfants cette fois- encore un long voyage - en train et pour le Turkestan ici- , encore un "couple" improbable que tout oppose et que tout va, sans doute, rapprocher.

Oui, oui...

Oui MAIS la magie vient comme toujours chez Gouzhel Iakhina de sa verve de conteuse qui donne à une trame déjà vue ses motifs, ses couleurs et ses charmes propres.

Elle vient de sa façon inimitable de peindre une fresque à la Roublev sur le mur blanc de nos mémoires, de mettre en images des exploits ou des épreuves - la messe "blanche" des Cosaques à cheval dans l'autel du train, la réquisition audacieuse de la viande chez les tchékistes les plus endurcis, au coeur de leur bastion forestier, l'emprisonnement dans les geôles de bandits sanguinaires- .

Elle vient de son art de donner à chaque silhouette croisée une épaisseur et une voix uniques:l'enfant-pou esclave de sa folie, l'enfant -chien, esclave volontaire de celui qui l'a sauvé de l'inhumanité, le généreux chef des rebelles Cosaques, celui non moins généreux des bandits musulmans, , l'infirmière - mère de tous ces orphelins qui berce de ses chants leur solitude- et bien sûr les deux protagonistes principaux, le soldat Deïev ‚ chef du convoi, une brute au coeur tendre, et la commissaire Blanche, le feu sous la glace, responsable des enfants que l'État soviétique envoie à Samarcande, à l'autre bout de la Russie pour les sauver de la famine en cette sombre année 1920.

Autant de personnages inoubliables.

Je ne raconterai pas leur odyssée, ce serait en déflorer le charme.

Oui, décidément oui, le troisième livre de Gouzhel Iakhina est à la hauteur des deux précédents.

Il se dévore à brides abattues, façon cosaque dans la steppe, sans pouvoir reprendre haleine. Essayez pourtant de le lire un peu moins vite.

Il mérite qu'on le déguste.
Commenter  J’apprécie          275
C'est le troisième roman de Iakhina : comme dans les deux précédents, elle poursuit son exploration historique de l'URSS loin du pouvoir, loin de la capitale, juste à la hauteur des vrais gens.
Et c'est magnifique.
Nous sommes dans les années 20, dans la toute jeune Union soviétique.
Dans la région de la Volga une atroce famine sévit, après les années de guerre civile et avec les débuts de la collectivisation forcée. Un nombre incalculable d'enfants sont abandonnés, orphelins, seuls au monde.
Le projet est de les convoyer vers Samarcande, terre de blé et de raisin, terre promise.
Le militaire Deïev est donc chargé d'organiser le transport de 500 de ces enfants perdus : trouver une locomotive et des wagons, les aménager, trouver cuisinier, infirmier et nurses, rassembler nourriture et combustible, et en route pour deux mois de voyage vers le Sud.
Deux mois en train avec 500 mômes.
(Quiconque a déjà voyagé quelques heures en train avec des gosses en bas âge sent déjà son sang se glacer, pas vrai ?)
Tout l'art de Iakhina est de décrire l'horreur de la famine, le désespoir des populations et les souvenirs traumatiques de la guerre, sans avoir l'air d'y toucher, juste en écrivant de petites scènes ou de courts dialogues, et surtout en incarnant profondément chacun de ses personnages.
Vous vous attacherez forcément à Deïev, à Blanche la commissaire disciplinée et volontaire, à Fatima la zoologiste qui chante des berceuses, à Boug le vieil infirmier qui en a tant vu, et même à Memelia le cuistot.
Même les 500 enfants, tous sont nommés, elle y tient.
Je quitte à regret ce train empli d'enfants et d'humanité.

Traduction parfaite de Maud Mabillard.

Challenge ABC
Commenter  J’apprécie          264
Gouzel Iakhina a du souffle, elle l'a prouvé dès son premier roman, Zouleikha ouvre les yeux, qui révélait son immense talent de narratrice, dans un récit exigeant mais éblouissant. Après Les enfants de la Volga, reçu comme en confirmation, avec quelques bémols tout de même, pour une propension à surcharger son récit de descriptions, Convoi pour Samarcande ajoute une pierre de plus, toujours dans le même registre historique et épique mais, cette fois, l'excès de détails n'est sans doute pas étranger au fait que certains passages apparaissent comme très arides, pour ne pas dire éprouvants. L'époque auquel se déroule le livre est des plus rudes, les années 1920 dans une Russie post-révolutionnaire où la famine fait rage, en particulier dans la région de la Volga. D'où le convoi qui s'ébranle de Kazan, avec 500 enfants à son bord, et qui doit rejoindre le Tatarstan, après un long voyage ferroviaire, synonyme d'aventure où la peur, la faim et les maladies feront office de voyageurs clandestins. Même si la romancière reste une conteuse picaresque étonnante, Convoi pour Samarcande est une lecture parfois fastidieuse, de par ses digressions et son souci de tout décrire par le menu, y compris les éléments les plus sordides de cette incroyable odyssée. A force de multiplier les arrêts, le récit s'enlise et surtout suscite plus l'effroi que l'émotion. Sauf que la répétition dans l'horreur et l'accumulation d'épisodes où l'héroïsme triomphe du malheur ont tendance à assommer un lecteur qui n'en peut mais de tant de situations inextricables et tragiques. Tant mieux si certains se passionnent pour le roman mais prendre du plaisir à Convoi pour Samarcande apparaîtra comme une gageure impossible pour d'autres, qui n'auront de cesse de voir enfin arriver le train dans sa gare de destination, après un périple aussi harassant.
Lien : https://cinephile-m-etait-co..
Commenter  J’apprécie          222
Dans une interview en juin 2022, Gouzel Iakhina affirme raconter dans ses livres "des histoires d'humbles gens, d'humains qui vivent l'amitié, l'amour, la bienveillance, comme des antidotes face à la machine étatique. Dans mes romans, il y a le pire mais aussi le meilleur : des petites graines qui peuvent faire éclore un peu de bonheur par la suite…"
Le pire, c'est la brutalité et la crudité des faits historiques dans lesquels ces humains sont empêtrés inextricablement. le meilleur, c'est le pouvoir intense de la littérature qui le fait surgir, pour autant que je puisse juger avec cette première lecture de cette autrice.

J'ai retrouvé dans ce Convoi pour Samarcande le contexte terrifiant qui s'esquisse dans les nouvelles d'Isaac Babel, que j'ai découvertes il y a quelques semaines. Guerre civile, collectivisation, dékoulakisation, une série d'événements traumatiques accompagnant la jeune révolution russe, et que je n'avais pas encore abordés dans mes lectures soviétiques, plutôt inscrites dans la période stalinienne. Plongez dans ces histoires humbles aux côtés de Babel ou de Iakhina, mais n'espérez pas ressortir indemnes...

Dans ce roman, le spectre, l'ennemi, c'est la faim. La famine qui a ravagé la région de la Volga dans les années 1920, nous apparaît par le pouvoir de la littérature, dans son essence envahissante, dévorante, avilissante, déshumanisante. L'ensemble de la narration, ample et qui se déploie sur différents points de vue, se construit autour de cette famine, si inconcevable pour nous, privilégiés et nantis. Famine face à laquelle un étrange convoi de bric et de broc va résister par miracle, pour tenter de sauver à travers quelques dizaines d'enfants quelques miettes d'humanité. Quelques enfants pour 2 millions de morts...

Gouzel Iakhina est tatare, population turque de Russie, qui a été durement touchée par cette famine, à moitié décimée au cours de ces terribles années. Elle a fait des recherches, parmi des documents historiques qui n'intéressent personne. Elle fait revivre ces souffrances et ces traumatismes enfouis, ces blessures jamais cicatrisées. Par la forme romanesque, elle cherche à faire surgir la lumière du fond de ces ténèbres.

Convoi pour Samarcande est un roman qui questionne la fraternité. Comment vivre en frères et soeurs quand la violence, l'absurdité, le manque de tout, la privation de liberté semblent avoir anéanti toute humanité ?
Le héros du roman, Deïev, incarne cette question, dans ses rapports avec tous les personnages, et particulièrement avec Zagreïka, garçon autiste qu'il recueille et va sauver autant qu'il va le martyriser. Abel et Caïn, impossible fraternité... Impossible espérance de vouloir sauver qui que ce soit, y compris soi même, au risque de devenir un bourreau...

Cette relation terrible et déchirante est à mes yeux le noeud du roman. Elle donne au propos de l'autrice une dimension mystique, peut être évangélique. Je ne sais pas si Gouzel Iakhina est chrétienne... Mais à la lecture du dernier paragraphe, comment ne pas penser au soleil qui se lève sur les justes et les injustes de l'évangile de Matthieu ? Soleil qui est celui, rouge, de l'espérance soviétique... Comment ne pas ressentir la condamnation à l'errance de Zagreïka comme un signe de l'échec annoncé de cette fraternité promise par le communisme, qui veut s'imposer par la violence et la haine ?

"Trois personnes s'éloignaient dans des directions différentes : un homme, une femme et un garçon. Deïev dans un train vers l'ouest. Blanche dans une voiture cahotant vers le sud. Zagreïka, aveugle, avançait à tâtons le long des rails, marchant vers le nord - il cherchait son frère. Il savait qu'il ne cesserait jamais de le chercher.
À l'est, un soleil jeune et rouge montait dans le ciel, les éclairant tous."
Commenter  J’apprécie          167
Il y a deux ans, j'avais été totalement subjuguée par ma lecture de Les enfants de la Volga, coup de coeur qui a été partagé par nombreux de ses lecteurs. Si son titre précédent s'épanchait sur l'une des colonies allemandes qui bordaient les rives de la Volga, ici encore elle met au centre de son récit des enfants, pas n'importe lesquels, les enfants de l'Union Soviétique et de ses républiques, les orphelins, les abandonnés, les malades, les rejetés, les enfants de personne, ou plutôt les enfants du parti, de l'union. Les victimes de la grande famine des années 1920 qui ravage un état soviétique qui vit ses premières heures : Volga, Ukraine, Oural, aucun territoire n'a été épargné.


De ces trop jeunes esseulés, réduits à l'état de mendiant, de voleur, alcoolique ou prostitué, par la grande famine des années 1920, le parti s'est décidé de les envoyer, par fret ferroviaire, depuis Kazan jusqu'au Turkistan, à Samarcande, là où croulerait le pain et le raisin frais. le convoi qui nous intéresse se déroule sous l'égide de Blanche, une commissaire à l'enfance totalement dévouée à sa tâche, et Deïev. Un soldat rescapé de la guerre civile, reconverti dans le transport, marchandises ou bétail, jusqu'à cet ordre de mission qui le charge de ces 500 orphelins. L'homme va devoir se débrouiller avec une commissaire austère et dirigiste et les cinq cents enfants perclus dans l'oubli, la saleté, la faim et la maladie, à convoyer. Des enfants sales, malnutris et malades dont il va falloir s'occuper et soigner pendant les 4 000 kilomètres de voie ferrée, à charge de l'homme de trouver un infirmier et des nurses. le trajet va se transformer en chemin de croix, d'un homme qui va s'attacher viscéralement à ces orphelins, il l'est lui-même, et qui se veut à la hauteur de la tâche qu'on lui a confiée.

On ne sait pas vraiment ce qui motive ce Deïev, rêveur et idéaliste, pris d'un sentiment bien plus fort que la compassion pour ces 500 gamins qui ne sont qu'un infime extrait de la société soviétique qui se meurt d'inanition. Mais c'est en véritable père de famille qu'il se comportait pour les amener à bon port, alors même qu'il est dépourvu de nourritures, de médicaments, de vêtements propres et de produits d'hygiène. Face à cet idéalisme qui confine une légèreté criminelle et l'insouciance qui pousse les tous premiers pas de la locomotive, le personnage de Blanche qui a les pieds très à terre va contrebalancer l'insouciance et l'impétuosité de Deïev. le contexte historique est dramatique, les gens se meurent et tombent comme des mouches, on ne compte plus les extrémités auxquelles chacun est poussé, on touche à l'innommable, l'impensable – surtout quand on a le ventre plein – des choix extrêmes auxquels la plus grande misère peut amener. L'auteure ne se prive pas son lecteur des situations les plus désespérées, il faut s'accrocher solidement à son livre durant certains épisodes – , et c'est aussi ce qui contribue à la réussite de son roman.

J'ai beaucoup aimé le personnage principal, ce Deïev si ambivalent, un homme si différent à l'arrivée du train que celui qui en a donné le signal de départ. On démarre sur un homme un peu limité et borné, en tout cas il apparaît comme le parfait petit soldat qui obéit à chaque ordre sans faillir, sans remettre en question, sans lui-même se poser des questions. Mais la confrontation avec les enfants va changer le bonhomme, il va littéralement se transformer, se transcender même sous les yeux de Blanche, qui n'en croit pas ses yeux. Mu par une volonté supérieure, celle du sauveur, il va réussir à obtenir nourriture et autres denrées tout au long du trajet, il va se sentir obliger d'adopter chaque enfant abandonné qui se trouvera sur son chemin. Chaque personnel se trouvera sous le charisme de l'homme auquel tout le monde se trouve soumis de facto. Deïev entame son chemin de rédemption, on finira par apprendre la raison de ce dévouement insensé, il en boit la lie jusqu'à la fin. C'est la même sorte de chemin qu'emprunte ici Blanche, tout autant orpheline, qui a grandit dans un couvent, sans compagnon, sans mari, inféconde, et qui n'a trouvé que la voix des enfants pour donner un sens à sa vie. Elle également, c'est corps et âme, qu'elle s'investit dans cette responsabilité qui lui incombe, c'est la grande mission de sa vie. Deux grands orphelins qui se retrouvent coincés dans les quatre murs du train, l'image est trop flagrante pour qu'on n'y voit pas la symbolique. Il est souvent question d'ersatz pour indiquer la tension du manque qui se fait sentir en ce qui concerne les soins de première nécessité, il se trouve que l'auteure russe a mis là le parfait ersatz de la figure parentale et plus globalement de la grande famille, des patients pour l'infirmier, des centaines de garçons pour la nurse qui a perdu le sien, de la chienne qui a perdu ses bébés, et à l'inverse de la mère allaitante pour le bébé qui leur ait échu.

Ce trajet en train qui traverse l'union soviétique de part en part est également l'occasion d'avoir un aperçu de la situation gérée en dépit du bon sens et où la fidélité à la hiérarchie, dans un système aussi figé que l'était l'admnistration soviétique, prend le pas sur toute autre forme de logique. Ne se comptent plus les wagons pleins à ras bord de nourriture fraîche, en attente d'un ordre ou d'une destination, qui pourrissent à deux pas de la population qui crève de la faim, des soldats qui préfèrent se mettre à la recherche des hors-la-loi plutôt que de reconstruire la voix qui permettra le départ du train. Et de ces peuples autochtones, les ennemis de ce même système – cosaques, basmatchis de l'Asie centrale – qui font don de leur prodigalité à un wagon, rempli de personnes, appartenant au même cercle que ceux qui les exterminent. La dénonciation de tout un système qui marche à l'envers et sur la tête, où l'ultime voie de secours reste l'entraide, que l'on ne retrouve pas toujours là où on s'y attendrait, mais chez celui qui est privé et volé par le système soviétique.

Le don de Gouzel Iakhina, c'est aussi cette capacité donner vie à un moment très précis du passé soviétique, et la Volga n'est jamais bien loin, de redonner un peu de beauté entre deux savonnages et épouillages d'enfants, des liens qui se lient entre eux, de ce substitut de famille qui se crée entre quelques wagons, le temps du trajet. de la beauté, et du rire, ou du sourire, quelquefois, parce que le personnage de Deïev a beau être d'un esprit et d'une nature simples, il est pris de ces accès farouchement passionnés et nobles lorsqu'il s'agit de se battre pour obtenir de quoi prendre soin des enfants, qui lui donnent une grandeur d'âme, qui font rentrer les héros de Gouzel Iakhina dans le rang des personnages que l'on n'oublie pas.
Lien : https://tempsdelectureblog.w..
Commenter  J’apprécie          151
Ils sont partis à 500 de Kazan, la capitale du Tatarstan ravagée par la famine, dans un train qui les conduisait vers un avenir meilleur à Samarcande, dans le Turkestan. Ces gamins des rues, 400 garçons et 100 filles, abandonnés par leurs parents, mouraient de faim dans un orphelinat et, en 1923, la République Soviétique ordonna de les convoyer dans une région plus accueillante, où foisonnaient les vignes et les rizières.

Deïv, ancien militaire travaillant au Département des Transports, fut nommé Chef de convoi et se chargea de l'entreprise, supervisé par Blanche, la Commissaire à l'Enfance.

Afin de convoyer ce train de 8 wagons rempli d'enfants, il monta une équipe composée d'un cuisinier, un infirmier et 11 nurses, pour les encadrer sur les 4000 km que comptait le trajet.

C'est l'histoire vraie de leur voyage à travers cet immense territoire que nous raconte l'autrice russe, Gouzel Iakhina.

Dans un pays fait de multiples peuples aux religions, aux moeurs et aux langues différentes, il leur faudra trouver du bois pour la locomotive et de l'eau et des vivres pour les voyageurs.

Mais sortant de la Guerre Civile, la population est ravagée par les réquisitions de l'Armée Rouge et les révoltes sont nombreuses dans les régions traversées. de la «Steppe de la faim » aux « Sables de la mort » cette guirlande de fer va croiser la route des plus terribles chefs barbares mais également faire des rencontres pleines d'humanité.

Chaque adulte, chaque enfant sont décrits avec maints détails d'apparence et de caractère et j'ai fini par connaître si bien tous ces voyageurs, grands comme petits, que j'ai eu l'impression d'avoir moi-même participé à ce voyage de l'impossible.

L'autrice, au fil des kilomètres, nous imprègne de l'âme russe, de sa grandeur et de sa fierté et si le récit a parfois quelques longueurs, elles permettent de reprendre son souffle face à l'intensité du récit.

Un magnifique roman dans lequel j'ai plongé corps et âme pour suivre cet incroyable périple à travers les régions les plus inhospitalières de Russie et mes pensées sont un peu restées là-bas, ballotées dans des wagons bruyants, le long d'un chemin de fer ensorcelant.
Commenter  J’apprécie          140
Un convoi d'enfants évacués dans la Russie, nouvellement soviétique, des années 1920.

Un périple, en train, de plusieurs milliers de kilomètres de Kazan à Samarcande.

C'est la mission de Deïev, chef du convoi. Il sera secondé par Blanche, membre de la commission à l'enfance.

Si la commissaire est rompue à ce type de mission, pour le chef du convoi c'est une première et leur collaboration ne va pas se faire sans heurts.

Car Deïev veut emmener et tenter de sauver tous les enfants, même les grabataires, dont la famine a tellement entamé l'organisme qu'ils sont aux portes de la mort.

Blanche est plus pragmatique, pour elle seuls ceux qui ont une bonne chance d'être sauvés doivent être évacués. Les autres sont, malheureusement, déjà des morts en sursis.

Et cela ne sera pas la seule difficulté, car il faudra aussi trouver de quoi nourrir les enfants en route, du combustible pour le train ou de quoi soigner les malades.

Ce roman, le troisième de Gouzel Iakhina, est sans conteste le plus éprouvant à lire. La guerre frappe durement les civils et c'est insupportable de lire, de tenter de se représenter ce que que représente la famine, d'autant plus lorsqu'elle frappe des enfants.

D'imaginer que des cadavres de corbeaux puisse constituer un repas recherché. de se confronter au choix de parents décidant de sacrifier un de leurs enfants pour tenter de sauver l'autre. Les pages se tournent, la gorge serrée.

Ce livre est aussi un récit sur la guerre, qui ravage le pays mais aussi le coeur des hommes. Ceux-ci développent leur propre guerre interne. Ils sont confrontés à des décisions terribles qui les corrompent, insidieusement. Ils massacrent mais aident des enfants. Ils pillent mais donnent leurs butins aux petits affamés. Une bonté tordue pour reprendre l'expression d'un personnage.

Pourtant ce livre est aussi beau, touchant, drôle aussi. Les personnages croqués nous embarquent dans ce roman, qui est aussi un récit d'aventures, aux multiples rebondissements. le talent de conteuse de l'autrice fait encore merveille ici.

On ne lit pas, on fait véritablement partie de cette « guirlande », de cet espoir fou.

Je ne peux que vous conseiller ce magnifique roman.
Commenter  J’apprécie          140
La Révolution de 1917 a fait rage, les années qui la suivent seront synonymes de famine dans plusieurs régions de l'URSS, dont la Volga, pour diverses raisons. Ainsi sont mis en place, pour sauver le plus d'enfants possible de cette famine, des convois de trains menant ceux des orphelinats des régions les plus sinistrées dans des orphelinats aux régions moins touchées, le temps que passe la crise alimentaire soviétique.

Convoi pour Samarcande nous raconte justement un de ces convois, de Kazan, la capitale du Tatarstan, jusqu'à Samarcande, au Turkestan, mené par un officier de l'Armée Rouge, Deïev, prévu pour cinq cent enfants. Pour Deïev, mener ce convoi est bien plus qu'une simple mission qui lui est confiée, c'est un véritable sacerdoce, ce que nous comprendrons au fil d'un récit aux multiples rebondissements, tant tragiques que providentiels. Mais, et heureusement, le reste des adultes du convoi - infirmières, médecin, responsable des enfants au sein du gouvernement -, permettra à celui qui cherche à se racheter de tempérer son idéalisme parfois vain, ou alors de le seconder pour réaliser l'impossible à la sauvegarde des enfants dont il a la charge.

Je tire mon chapeau, comme pour les deux précédents romans, à l'autrice, quant aux recherches historiques réalisées pour représenter au plus près de la réalité le convoi qu'elle a choisi de nous décrire, de la situation de l'URSS à l'argot employé par les orphelins, bien souvent passés par la case banditisme, prostitution, consommation de stupéfiants..., malgré leur bien jeune âge.

Mais - parce que cette fois il y aura, pour la première fois, un "mais" -, quant à la narration ou au style du récit, je les ai trouvés un peu trop communs, sans les petites touches précédentes qui donnaient, tant à Zouleikha ouvre les yeux qu'aux Enfants de la Volga, davantage de force d'évocation.

Je remercie les éditions Noir sur Blanc et NetGalley de m'avoir permis la découverte de ce nouveau roman de Gouzel Iakhina. Je lirai bien volontiers le prochain qui sera publié, même si celui-ci m'a un peu moins convaincue et touchée que les deux précédents.
Commenter  J’apprécie          134





Lecteurs (396) Voir plus



Quiz Voir plus

La littérature russe

Lequel de ses écrivains est mort lors d'un duel ?

Tolstoï
Pouchkine
Dostoïevski

10 questions
437 lecteurs ont répondu
Thèmes : littérature russeCréer un quiz sur ce livre

{* *} .._..