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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
"J'écris pour moi. Écrire pour falsifier la réalité, ça n'a aucun intérêt. D'autant plus que je n'ai rien à perdre. Voilà pourquoi je suis sincère."

Je ressors bouleversée de cette rencontre inoubliable avec Evguenia Iaroslavskaïa-Markon, une jeune femme forte, libre, insolente, indomptable de la trempe de Rosa Luxembourg, habitée par une passion brûlante de vivre qui transparaît à chaque page de cette courte autobiographie rédigée aux Solovki où elle est emprisonnée dans l'île Zaïatski. Elle est lucide sur ce qui l'attend : être fusillée et traînée jusqu'à la fosse commune comme l'a été avant elle son mari tant aimé, le poète Alexandre Iaroslavski, dont elle dit :
"....je ne me suis éprise de lui que peu à peu, davantage à chaque rencontre, et nous ne nous sommes vraiment aimés l'un l'autre qu'après le mariage, chaque année, chaque journée de vie commune rendant notre amour plus grand et plus fort... On pouvait ne pas aimer Alexandre Iaroslavski --- il n'est pas donner à tout le monde de l'apprécier --- mais il était impossible de le désaimer."

Un texte d'une intensité rare, écrit dans l'urgence de laisser une trace, pour témoigner de sa lutte sans concession aucune contre toute oppression et de sa grande compassion pour tout ce qui vit, en particulier les vaincus, les marginaux dont elle aura partagé la dure vie dans les bas-fonds, "sa confrérie constituée de voleurs récidivistes et de paysans dékoulakisés".

Elle deviendra même diseuse de bonne aventure et connaîtra un succès qui lui permettra de survivre tout au long de sa route semée d'embûches, tendue vers son but ultime : retrouver son mari.
".... j'ai voyagé, de ville en ville, et dans chaque ville, je gagnais assez d'argent pour continuer mon chemin...
... ni Moscou, ni Léningrad n'avait d'attrait pour moi ; dans le monde entier, dans l'univers entier, je n'aspirais qu'aux Solovki !"

Et elle conclut : " Vous savez tout de ma vie à présent --- vie de la lycéenne révolutionnaire, de l'étudiante pleine de rêves, de l'amie du plus grand des hommes et des poètes Alexandre Iaroslavski, de l'éternelle voyageuse, de l'antireligieuse itinérante, de la journaliste de Roul (= le gouvernail, journal de l'émigration russe fondé à Berlin entre autres par Vladimir Nabokov père de l'écrivain Vladimir Nabokov), de la crieuse de journaux, de la voleuse récidiviste et de la vagabonde diseuse de bonne aventure !"

Sans oublier ce à quoi elle n'accorde qu'une importance minime : son amputation des deux pieds suite à un accident... ".... événement si insignifiant pour moi que j'ai failli oublier de le mentionner dans mon autobiographie ;..."
Comment ne pas être marqué par une telle rencontre ?





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Acquis mars 2017- lecture reprise le 10 avril 2022


Grand choc de lecture en découvrant ce récit unique, d'une jeune femme de 29 ans, révoltée et dégoûtée à l'extrême par la dictature et les exactions des bolcheviks; lorsque son poète de mari est injustement arrêté, elle décide de pousser sa rage et son indignation jusqu'aux extrêmes limites.
Elle décide de rejoindre les délaissés, les pauvres, " les gueux"...et d'apprendre à voler.

Autant il lui serait très aisé, en tant qu'universitaire, de trouver un poste dans l'administration,mais pour elle,il est hors de question de "travailler" pour ces sales communistes !!!

Elle multiplie les provocations et les attaques envers le régime soviétique...Elle écrit ce texte,sans fioriture, la rage chevillée au coeur et au corps...sachant qu'elle risque sa vie...

Elle ne se bat que pour deux objectifs : ses " gueux" dont elle partage le quotidien et la misère, et
son mari adoré, Alexandre Iaroslavski, emprisonné, en lui rendant visite,lui apportant des colis, tentant de le défendre, se rendant même quelques jours au centre pénitentiaire des Iles Solovki où il a été transféré !

"Et il est allé dans sa patrie soviétique qui, ignoble et stupide, ne l'a pas compris !
Je jure de venger Alexandre Iaroslavski- pas seulement l'être aimé, mais le compagnon d'armes, le complice (...), et surtout le poète génial abattu par votre médiocrité ! Et pas seulement lui: je jure de venger les poètes fusillés (...)
Je jure de venger par le verbe et par le sang tous ceux qui "ne savent pas ce qu'ils font" Et je tiendrai le serment, à condition bien sûr que cette autobiographie ne soit pas vouée à devenir une "autonécrologie" ..."
(p. 60-61)

Un récit rugueux, absolu dans sa détermination et sa révolte...La jeune femme ira au bout de sa rage et de sa colère contre le régime, qui contrairement aux espoirs et aux paroles, ne libérera pas " le Peuple" mais l'écrasera et le fera vivre dans la Terreur....elle ira au bout...au prix de sa vie !

Voir lien : https://www.babelio.com/auteur/Evguenia-Iaroslavskaia-Markon/425255/citations/1193659
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Préfacé par Olivier Rolin (auteur d' "Un Chasseur de Lions" et du "Météorologue"), il s'agit là d'un ahurissant témoignage d'une victime du régime soviétique, à placer à côté de la volumineuse littérature dissidente que celui-ci a suscitée. Evguénia Makron n'a jamais froid aux yeux, la franchise qui ressort de sa courte autobiographie offre la peinture d'une jeune femme (exécutée à moins de trente 30 ans dans l'enfer des îles Solovki) dont le courage impressionne, c'est le moins que l'on puisse dire. Après avoir adhéré aux principes de la révolution, elle s'en éloigne de plus en plus, fidèle à son idéologie anarchiste (les bolcheviks deviennent sa bête noire). Les passages les plus stupéfiants du récit, on les retrouve dans son acoquinement avec la pègre et les bas-fonds de la société russe, dont elle célèbre à l'envi les vertus. Elle s'adonne à une activité de voleuse (métier qu'elle encense, et même qu'elle théorise !) qui lui vaudra plusieurs condamnations, lesquelles, s'ajoutant à une fidélité sans faille à son mari, l'écrivain Iaroslavski, interné et passé par les armes avant elle, causeront sa perte. Au passage, on retiendra l'art et la manière de s'emparer des valises des voyageurs dans les gares qu'elle fréquente... Voici donc un texte bref, rare, extrêmement dense, à lire d'une traite. Mazette, quelle femme !
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Des feuilles difficilement lisibles sont retrouvées ; c'est l'autobiographie d'Evguenia Iaroslavskaïa-Markon écrites quelques semaines avant d'être fusillée.
Jeune fille bourgeoise, qui n'est jamais sortie seule avant 14 ans, idéaliste, intransigeante, elle a l'âme révolutionnaire et déteste la dictature bolchevique.
On ne sait pas pourquoi, elle décide à 29 ans d'écrire sa courte vie ; sentait-elle la mort arriver ? C'est l'impression que donne son texte exalté et sans pudeur presque mystique. Il y a une sorte d'urgence dans ce récit ciselé. Lire ce texte presque 100 ans plus tard, nous fait découvrir une femme morte pour ses convictions, son exaltation, son désir de se sentir vivre. Un court texte marquant.
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se lit d'une traite, livre coup de poing.
Autobiographie de Evguénia Iaroslabskaie-Markon née le 14 mai 1902, exécutée le 20 juin 1931.
manuscrit découvert en 1996, publié en 2001.
Ce livre est une révolte contre les bolcheviques, et un appel à la résistance.
Cette femme énergique, instinctive, franche, raconte sa courte vie.
" Rédigé de ma propre main, Evguénia Iaroslavskaia 3.02.1931 Quartier d'isolement disciplinaire Zaiatchiki "

Un témoignage très intéressant sur l'histoire de l'Union des Républiques Socialistes Soviétiques. On découvre les maximalistes, le Biocosmisme, les passeports Nansen, les Iles Solowski
A recommander
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Ce bref récit autobiographique d'une vie intense et extraordinaire transporte le lecteur dans un autre monde, un autre temps : la Russie soviétique des années 1917-1931. L'auteure, qui rédigea ce texte quelques mois avant d'être exécutée dans le camp où elle était emprisonnée, est une authentique rebelle, marginale volontaire, idéaliste assumée. Un personnage qu'on n'aurait pu inventer sans craindre de paraître excessif. C'est très beau. A lire si vous avez un penchant pour l'absolu, l'intégrité poussée à l'extrême et l'horreur de la tiédeur.
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Voici le récit d'une vie brûlante, écrit à la hâte dans sa cellule par une jeune femme de vingt-neuf ans qui se doute qu'elle va mourir : " Si je raconte tout cela avec tant de franchise, c'est parce que je m'attends de toute manière à être fusillée. "
Elle le sera en effet, en juin 1931, au " camp à destination spéciale " des îles Solovki, quelques mois après son mari le poète Alexandre Iaroslavski.
" Étudiante pleine de rêves ", ainsi qu'elle se définit elle-même, Evguénia, vite dégoûtée par la dictature des bolchéviks, se convainc que le monde des voyous forme la seule classe vraiment révolutionnaire. Elle décide de vivre dans la rue et de devenir une voleuse, à la fois par conviction politique et aussi par un goût du risque qu'elle confesse. Loin de l'imagerie héroïque de la " construction du socialisme ", c'est le Moscou et le Léningrad des marginaux, enfants des rues, ivrognes, prostituées, vagabonds, qu'elle nous fait découvrir dans une langue rude mais belle.
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Révoltée n'est pas le titre donné par Evguénia Iaroslavskaïa-Markon à son autobiographie. Elle ne l'a pas conçu comme un récit qui serait publié. Elle n'en a pas eu le temps. Sa vie s'est achevée à l'âge de 29 ans, fusillée dans un camp des Îles Solovki pour avoir tenter de tuer le commandant de ce camp.

Avant cette mort, elle aura l'opportunité de coucher par écrit sa vie, ses convictions, son amour pour la pègre, pour son mari Alexandre Iaroslavski, poète.

Ce court témoignage est rédigé avec une fulgurance, une vivacité de plume, une audace et une non-compromission.

Fille d'intellectuels, la jeune fille s'est éprise de la révolution, pas celle des bolcheviks mais de façon globale, celle qui vise à renverser le pouvoir établi.

Elle est convaincue que le milieu de la pègre peut être un élément dissident majeur. Attirance étrange pour ce milieu aux marges, avec une vision somme toute romanesque de ces bas-fonds, elle les rejoindra suite à l'arrestation de son mari.

Cette vision idéalisée pourrait lui être reprochée comme une naïveté mais elle ne s'est pas contentée de rêver, elle a vécu dehors, à la marge, se transformant en voleuse.

Arrestations , détentions, relégations, elle semble d'airain.

Elle rappelle par son récit, au-delà de ses positions, de ses désirs, que tout totalitarisme échouera car il trouvera toujours des esprits libres et indomptables comme le sien pour refuser de ployer le genou.
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"Fille de la bourgeoisie intellectuelle juive de Petrograd, femme du poète Alexandre Iaroslavski, anarchiste, voleuse, déportée aux Solovki, condamnée à mort, exécutée à vingt-neuf ans", voici Evguénia Markon (1902-1931). Elle pensait que la pègre était la seule classe révolutionnaire car la seule assurée de ne détenir jamais le pouvoir et elle décida de rejoindre les voleurs. Elle a vécu dans la rue, elle a vendu des journaux et elle a volé. En 1931, peu avant son exécution, elle écrit le texte qu'on nous présente ici et qu'elle titre "Mon autobiographie". On y découvre une femme passionnée, qui se fout des contingences matérielles et que rien ne semble pouvoir arrêter.

A propos de son amour pour son mari, elle écrit : "En 1923 (en mars), alors que je vivais avec Iaroslavski depuis exactement trois mois, je suis tombée sous un train et on a dû m'amputer des deux pieds -événement si insignifiant pour moi que j'ai failli oublier de le mentionner dans mon autobiographie ; en effet, qu'est-ce que la perte de deux membres inférieurs en comparaison de cet amour si grand qu'était le nôtre, de ce bonheur si aveuglant ?!"

Après s'être enthousiasmée pour les révolutions de 1917 elle rejette vite le pouvoir bolchévique : "La notion même de révolution figée dans la victoire est absurde, tout comme celle de mouvement arrêté : si c'est arrêté, ce n'est plus une révolution !"

Son récit est précédé d'un avant-propos d'Olivier Rolin -par ailleurs auteur du Météorologue- et suivi d'une postface d'Irina Fligué, responsable de l'association Mémorial à Saint-Petersbourg. J'apprécie particulièrement sa conclusion : "Quoiqu'il en soit, il est un aspect -celui de la prédiction politique- où le dernier mot d'Evguénia Iaroslavskaïa s'est révélé pour de bon prophétique. le monde de la pègre a en effet fini par vaincre le bolchévisme et l'idéal communiste. Mais cela s'est produit non pas en un combat ouvert, visant à renverser le régime qu'elle haïssait. Mais progressivement, pas à pas, par la criminalisation des élites soviétiques".
Lien : http://monbiblioblog.revolub..
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Révoltée est le témoignage percutant d'une vie trop brève mais vécue avec une intensité rare. Déportée sur l'archipel russe des Solovki et condamnée pour acte terroriste et propagande contre-révolutionnaire, Evguénia Iaroslavskaïa Markon est fusillée en juin 1931 à l'âge de 29 ans.

Le manuscrit, rédigé dans l'urgence dans sa cellule quelques mois à peine avant son exécution, a été retrouvé en 1996 dans les archives du FSB (ex- KGB). Complété par un avant propos de Olivier Rolin et une postface de Irina Fligué ainsi que d'un interrogatoire, d'une ordonnance de renvoi, d'un extrait de procès-verbal et d'un extrait du récit d'un gardien, cette autobiographie est une source d'informations historiques très intéressante sur la Russie post-Révolution.

Avec sincérité et passion, détermination et force, Evguénia se raconte, explique sa vision du monde, ses opinions politiques, sa lutte acharnée contre le bolchévisme. Fille de la bourgeoisie intellectuelle juive, "lycéenne révolutionnaire, étudiante pleine de rêves", Evguénia se passionne très jeune pour la Révolution avant d'en être cruellement déçue.

Journaliste, épouse du poète anarchiste Alexandre Iaroslavski, elle vivra un temps d'amour, de création et d'errance en donnant avec lui des conférences littéraires et anti-religieuses, d'autres résolument anti-soviétiques notamment à Paris et à Berlin.

Lorsque son mari est condamné au camp pour "activité hostile à l'URSS", elle se radicalise, rallie le monde de la "racaille", convaincue de l'âme révolutionnaire des criminels, la vraie et la seule force à même de faire chuter le régime soviétique selon elle . Jurant "de venger par le verbe et le sang", elle vivra dans la rue, deviendra voleuse récidiviste, vagabonde et diseuse de bonne aventure. Les pieds amputés mais la tête haute.

En breg: un récit court mais intense et poignant qui m'a donné une furieuse envie de creuser le sujet, de lire Olivier Rolin et de découvrir la littérature russe!
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