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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
"Countin' on a miracle "

"If i'm gonna believe
I'll put my faith
Darlin'in you
I'm countin' on a miracle
Baby i'm countin' on a miracle
Darlin' i'm countin' on a miracle
To come through"

Bruce Springsteen

Stella. Personne ne sait vraiment d'où elle vient. Elle même n'est pas sûre de sa date de naissance.
Stella, au corps céleste, accomplit des miracles de son amour charnel.
L'Amérique a enfin une étoile Sainte.
Le vatican est aux anges. Cette neo Sainte va relancer leurs affaires.
Mais le dogme n'est pas commode. Les miracles de cette "vierge à l'envers" ne sont pas académiques.
La Sainte deviendra donc martyre.
Le vatican missionne les frères Bronski , des hommes de main capables d'aller vous retrouver dans les entrailles de l'enfer pour vous reconditionner en nourriture pour chacals.
Les bonnes étoiles qui veillent sur Stella ne seront pas de trop dans cette course-poursuite qui s'annonce complètement déjantée...

Personnages truculents aux mines patibulaires, curé repenti au nom qui sonne comme le parrain de la soul, journaliste latino à la recherche du Pulitzer, bikers qu'il ne faut surtout pas appeler motards, traversent cette histoire telle une horde sauvage qui ravage tout sur son passage.
Un road-trip délirant, western des temps modernes, saupoudré de poussière, d'alcool et de sueur. C'est drôle, irrévérencieux et on se surprend même à regretter que ce soit trop court.
Jubilatoire !

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« What if God was one of us?
Just a slob like one of us
Just a stranger on the bus
Tryin' to make his way home? »

One of Us - Joan Osborne

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Stella Thibodeaux a 19 ans et exerce le plus vieux métier du monde. Lorsque l'un de ses clients touché par un psoriasis sévère guérit soudainement après l'acte d'amour tarifé, Stella réalise qu'elle possède un don : celui de guérir en couchant.

Ancien Navy Seal, grand costaud aux cheveux gris taillé en brosse, le père Brown a 66 ans et « une gueule estampillée « j'ai vécu » ». En recueillant la confession du premier miraculé, il découvre que Stella est une sainte et transmet la nouvelle au Vatican.

Passé la stupéfaction devant l'ampleur des miracles accomplis par la jeune femme, le pape Simon II (il fallait oser) et ses sbires décident que le modus operandi de la jeune sainte américaine n'est pas concevable, et qu'il serait plus avisé de la transformer en martyre.

La tâche est confiée aux affreux jumeaux Bronski, deux tueurs à gages tout droit sortis d'un film de Tarantino, méthodiques et sans scrupules, les meilleurs dans leur domaine. Ils ne sont pas les seuls à rechercher la jeune femme : Luis Molina, du « Savannah News » a compris que l'invraisemblable destinée de Stella pourrait lui offrir le Pulitzer.

Le destin de la sainte-putain semble scellé. Heureusement pour elle, le père Brown comprend qu'il a commis une terrible erreur, et entreprend de devenir son ange gardien. le vétéran du Vietnam et la jeune sainte ont un atout dans leur manche : c'est grand, l'Amérique.

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« Quand Stella vous regardait, vous étiez le seul homme sur terre, vous comptiez pour quelque chose. Peu importe qui vous étiez et de quelle façon : Stella jetait sur vous ses yeux d'ambre, ses yeux candides, et vous étiez vivant. ».

Le dernier opus de Joseph Incardona, auteur remarqué de « La soustraction des possibles », nous offre un road-trip déjanté, une farce jubilatoire, acide et lumineuse, dans lequel le père Brown et la magnétique Stella, vont tenter d'échapper à l'inéluctable. Car, si l'on se fie à leur tableau de chasse, nul n'échappe aux frères Bronski.

Joseph Incardona nous livre une vision de l'Amérique qui semble surgie d'un film qu'auraient co-écrit les frères Coen et Quentin Tarantino. Son écriture sèche et nerveuse, parsemée de phrases courtes et d'incises ironiques, fait mouche. Elle crée une forme d'attachement immédiat pour la destinée de Stella et nous emporte, pour notre plus grand plaisir, dans le vortex de sa fuite effrénée en compagnie d'un ancien du Delta du Mékong.

« Il faut savoir que Stella n'était pas exactement belle, ni très futée non plus. Mais elle était sincère. Et loyale. Et dans une vie, quand on y pense, ça peut suffire pour devenir une sainte. »

Démiurge littéraire malicieux, l'auteur nous propose un ouvrage qui comporte deux niveaux de lecture. Une course-poursuite effrénée, où le lecteur tourne fiévreusement les pages, pour découvrir l'improbable destinée de Stella Thibodeaux que le roman déroule tambour battant. Mais également une réflexion sur le surgissement aussi soudain qu'inattendu du miracle.

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Joseph Incardona maîtrise à la perfection les codes du genre « tarantinesque », et assume, avec un peu trop de gourmandise, le second degré de « Stella et l'Amérique ».

« Et puisqu'on en est au chapitre 40, et que c'est un chiffre pair et que les deux frangins aiment ça, je propose qu'on fasse une ellipse et qu'on passe directement à la partie VI de ce roman américain écrit par un Suisse. »

Entre un pape qui se prénomme « Simon », et deux tueurs à gages qui ressemblent à des stéréotypes sur pattes, le lecteur avait saisi qu'il avait affaire à une farce. La magie de la littérature surgit lorsque le lecteur oublie qu'il est en train de lire une fiction, et que cette fiction lui paraît tout à la fois plus réelle et plus passionnante que son quotidien. Inutile, Monsieur Incardona, de nous rappeler que vous êtes un prestidigitateur des lettres, au risque de briser la magie de votre prose.

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Malgré ce péché de gourmandise, que l'on pardonnera à son auteur virtuose, « Stella et l'Amérique » reste un roman étourdissant, qui dissimule au creux de son intrigue un questionnement métaphysique sur la possibilité de l'apparition d'une sainte au coeur d'une Amérique dont le seul Dieu s'appelle le billet vert. Aussi innocente que généreuse, Stella évoque Marie-Madeleine, voire une forme de nouveau messie, qui rend la vue aux aveugles, l'ouïe aux sourds, la mobilité aux paralytiques en leur prodiguant l'acte d'amour.

Si Joseph Incardona fait montre d'une cruauté acide envers un pape bedonnant et ses sbires qui préfèrent une sainte-martyre à une sainte-putain, c'est pour mieux dénoncer l'hypocrisie éhontée de ces pharisiens des temps modernes prêts à faire disparaître un coeur pur pour sauver les apparences.

Le père Brown, qui a troqué son M16 contre une soutane, incarne la vraie foi qui a abandonné le Vatican. Il saisit la portée des miracles que prodigue Stella et entrevoit dans les prodiges accomplis par la jeune femme, la possibilité d'une transcendance oubliée.

Le prêtre habité et la sainte qui s'ignore forment un couple de personnages aussi improbable qu'inoubliable. Ils nous rappellent, chacun à leur manière, que l'innocence, la probité et la générosité ne sont pas seulement des mots, parfois galvaudés, mais aussi des qualités que chacun d'entre nous porte au creux de son être.

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« Comme une fille sensée le ferait. Parce que n'importe qui peut être Jésus. Descendre dans la rue, donner une couverture à quelqu'un qui a froid. Être bon, généreux, sincère et loyal, c'est donné à tout le monde. Mais on vous tuera pour ça. »

Cat Power (chanteuse américaine) lors d'une interview donnée en novembre 2023.

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Road trip dans le Sud des États-Unis

On retrouve Joseph Incardona au meilleur de sa forme dans ce roman américain qui voit une bande d'individus partir à la poursuite de Stella, la prostituée capable de guérir ses clients en faisant l'amour. Un road-trip plein de rebondissements autour d'une question qui pourrait bien remettre en cause le Dogme.

Joseph Incardona fait partie de ses rares auteurs qui savent attraper le lecteur dès l'incipit, poser un décor, donner chair aux personnages. «Il faut savoir que Stella n'était pas exactement belle, ni très futée non plus. Mais elle était sincère. Et loyale. Et dans une vie, quand on y pense, ça peut suffire pour devenir une sainte.» La jeune femme de «19 ans, l'âge des martyrs» vit dans une caravane avec des forains dans le sud des États-Unis. Elle «ne pouvait que devenir ce qu'elle portait en elle: la quantification du désir. Et dans une vie, quand on y pense, ça peut suffire pour devenir une putain.»
Seulement voilà, comme elle le confie à Santa Muerte, son amie Mexicaine, 89 ans 48 kilos, son dernier client, atteint d'un psoriasis, avait découvert son visage et sa peau «pure et lisse comme celle d'un enfant» après avoir eu une relation sexuelle tarifée avec elle et avoir quitté sa caravane. Ce qu'elle n'ose appeler un miracle vient pourtant de se produire pour la troisième fois et commence à attirer les curieux, mais aussi le prêtre du coin qui s'empresse de prévenir les autorités ecclésiastiques.
Branle-bas de combat jusqu'à Rome où l'on voit ce phénomène comme une formidable opportunité. Après tout, les saints sur le sol américain sont une denrée très rare.
Mais plutôt que de mener une enquête en béatification, il faut tenter d'étouffer l'affaire, car la manière dont se produisent ces miracles n'est pas très catholique!
Pendant ce temps, Stella a repris la route, ne se doutant pas qu'elle était recherchée par un prêtre, mais aussi par les frères Mike et Billie Bronski, deux tueurs à gages au palmarès impressionnant, sans oublier Luis Molina, le journaliste du Savannah News qui donne crédit aux rumeurs et se met sur la piste de la guérisseuse et des éclopés qui la suivent, rêvant déjà de décrocher un Prix Pulitzer.
Dans la grande tradition du road-trip américain, Joseph Incardona nous fait voyager de la Géorgie au Nevada, en passant par la Floride, choisissant de préférence des endroits hors des sentiers battus comme Penholoway Bay ou Sopchoppy, avant de conclure avec un final dont il a le secret à Las Vegas.
Venu du polar, son sens du rythme et de l'intrigue font ici merveille. D'autant qu'il se met lui-même en scène avec un joli sens de l'humour. Comme dans ce chapitre où il n'hésite pas à avouer un léger coup de mou, avant de se reprendre: «C'est un peu le hasard qui veut ça, mais ça tombe précisément au début de ce chapitre, et dans un léger accès de dépression, où les mots sont à la fois vains et apparaissent comme l'ultime rempart à la déroute; ce moment où j'aurais envie de m'en foutre de l'histoire tout en continuant à l'écrire. Ce qui ne serait pas par manque d'imagination, mais par simple inertie, le confort de l'art pour l'art, un roman qui perdrait petit à petit son intrigue, lâche parce qu'éminemment littéraire. Mais il y a Sandmann Johnny. Il y a le jazz, la malice et le sel de la vie qui, parfois, devient sucre sur la langue. Il y a la nécessité de la musique ayant couvé sous la braise de la frustration car le souffle avait manqué.»
Rassurez-vous, ce roman ni manque ni de souffle, ni d'esprit. L'auteur de la soustraction des possibles et des Corps solides se révèle même au meilleur de sa forme. Voilà qui lance bien l'année 2024!
((Babelio – Lecteurs.com – Livraddict))
NB. Tout d'abord, un grand merci pour m'avoir lu jusqu'ici! Sur mon blog vous pourrez, outre cette chronique, découvrir les premières pages du livre. Vous découvrirez aussi mon «Grand Guide de la rentrée littéraire 2024». Enfin, en vous y abonnant, vous serez informé de la parution de toutes mes chroniques.

Lien : https://collectiondelivres.w..
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Stella Thibodeaux, américaine de dix-neuf ans, au destin improbable, a beau être un personnage totalement invraisemblable, la plume incroyablement inventive de Joseph Incardona me l'a rendue brusquement si vraie, si proche, si vivante.
Tout le récit est construit autour de ce personnage féminin qui exerce le plus vieux métier du monde à bord de son camping-car, sur les routes des États-Unis dans le sillage d'une fête foraine ambulante.
Tout se passe plutôt bien pour Stella, jusqu'au moment où elle s'aperçoit qu'elle accomplit des miracles auprès de certains de ses clients, - elle préfère parler de résorptions. En effet elle guérit ceux qui sont affligés de maladies ou de handicaps graves en leur faisant l'amour, l'acte sexuel procurant à ces hommes le plus souvent seuls et rejetés de tous un plaisir, une joie indicible en même temps qu'il transforme radicalement leur vie.
Hélas de tels événements ne passent pas longtemps inaperçus. Un certain Robert Smith, affligé d'un vilain psoriasis qui, grâce aux bons soins de Stella, a miraculeusement disparu, ne trouve rien de mieux à faire que d'aller à confesse et de tout raconter au père James Brown, un ancien des Navy Seals reconverti dans la prêtrise. Ce dernier en est tellement troublé —vous pensez, un miracle dans sa paroisse — qu'il s'en remet aussitôt à sa hiérarchie. L'affaire remonte jusqu'au Vatican, où on s'enthousiasme déjà à l'idée de sanctifier la jeune élue, sauf qu'à y regarder de plus près, le CV de la future sainte a de quoi affoler le dogme catholique. Mais comment donc ?! Une vulgaire putain ?!
Le Saint-Père indigné décide de lancer ses sbires aux trousses de la belle afin d'étouffer ce scandale sous une juste omerta religieuse...
Deux anges du ciel, ou plutôt deux démons sortis tout droits des entrailles de l'Enfer, sont dès lors missionnés pour transformer l'infâme créature en martyre et sainte dûment assermentés par l'Église. Elle n'a pourtant rien demandé, et se serait sans doute volontiers passée d'une telle grâce. Les anges désignés, ce sont les affreux frères Bronski, deux jumeaux sans pitié, Billie et Mike, infatigables tueurs à gages d'une efficacité redoutable qui comptent déjà à leur actif 1.239 âmes...
Quand le malheureux prêtre, James Brown, retiré dans sa modeste paroisse au fin fond de l'État de Géorgie, réalise qu'il a commis une grosse, une très grosse gaffe, il décide de se racheter auprès de la belle Stella. Pour lui il n'y a désormais pas d'autre choix que de l'aider à fuir. Dans le même temps, un certain Luis Molina, du magazine Savannah News, mis au courant de l'événement et qui veut faire de cette affaire le prochain prix Pulitzer pour le journal, se lance aux trousses de la belle équipée...
Tout ceci nous offre un road-trip jubilatoire digne des meilleures comédies noires américaines, avec des personnages haut en couleurs, finement et facétieusement portraiturés : des tueurs à gage tout droit sortis d'un film de Quentin Tarentino qui citent Nietzsche et Heidegger, une voyante nonagénaire répondant au nom prédestiné de Santa Muerte qui n'a pas son pareil pour sucer le serpent au fond de sa bouteille de mezcal, son vieil amoureux Tarzan avec lequel elle entretient une relation aussi intense et ardente qu'aux premiers jours, un prêtre héroïque, amoureux et bouleversant dans sa quête de rédemption... On devine clairement les références cinématographiques de Joseph Incardona, dont le récit ressemble à un savoureux pastiche totalement déjanté, mais là où l'auteur se détache des références originales et casse les codes du genre, c'est dans la manière de traiter les personnages féminins, en premier lieu celui de Stella. Joseph Incardona fait de l'héroïne de son roman, une femme libre qui habite le monde avec joie, une joie pure, simple, naturelle. C'est peut-être ici le vrai miracle qui s'accomplit et qui fait de Stella et l'Amérique un si beau récit, aussi drôle et touchant que résolument iconoclaste.
Qu'en est-il des messages, me suis-je demandé ? Et y en a-t-il d'ailleurs ? Bien sûr au premier abord on pourrait être tenté d'y lire une charge virulente contre la religion. Mais Joseph Incardona sait clairement faire la part des choses entre la religion du haut, celle des dignitaires du Vatican qui baignent dans l'opulence, le cynisme, le pouvoir et celle du bas, incarnée par le père James Brown entièrement dévoué à sa paroisse, aux laissés-pour-compte d'une Amérique profonde et meurtrie...
Sans doute, à travers le beau personnage de Stella, peut-on voir aussi une forme de rapport au monde innocent, spontané, dans la joie pure de l'instant, comme on l'observe parfois chez les enfants, chez certains fous ou chez les sages. La façon avec laquelle cette jeune femme aborde l'existence et les autres, sans le filtre de la morale et des préjugés, m'a particulièrement touché.
Stella est un personnage magnifique absolument dépourvu d'arrière-pensée, incapable de concevoir le mal et tout entier dans le don, le don de soi, l'amour de son prochain, n'éprouvant aucune répugnance face à ces corps défaits, atrophiés, malades, dont elle prend soin et auxquels elle apporte le plaisir suprême en même temps que le salut. Véritable figure christique, elle irradie tout le récit de sa présence solaire.
Critique sociale acerbe, comédie noire débridée, ce récit est une véritable ode à la joie et à l'amour, un vibrant hommage rendu à l'innocence et à tous les coeurs purs qui, loin de la malignité et de la méchanceté des hommes, réinventent le monde dans la beauté, la poésie et la grâce.
« Il faudrait qu'on se souvienne de la première fois qu'on a aimé pour de vrai, aimé cet autre qui vous a brisé le coeur. Ce moment précis où l'on s'est senti orphelin parce que cette présence nouvelle vous était désormais indispensable. »
Stella fut à mes yeux cette première fois...

Anna (@AnnaCan), qui a lu ce livre avec moi mais n'a pas le temps d'en rédiger un retour, m'a confié le soin de le faire en nos deux noms. Je tiens à la remercier tout particulièrement pour l'échange d'idées et pour sa relecture attentive.
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Elle est américaine. Elle n'est peut-être “pas très futée ni exactement belle, mais désirable, ça oui”. du haut de ses 19 ans, avec sa sincérité toute ingénue et ses beaux yeux d'ambre, la jeune femme se révèle être l'incarnation de la grâce et du désir. Mais ce n'est pas tout! Il paraîtrait même que, moyennant rétribution, elle fasse des miracles!
Les Etats-Unis ont enfin trouvé leur Sainte en la personne de Stella, péripatéticienne au grand coeur qui guérit les causes perdues et ceux que l'on pensait condamnés par la maladie… Seul hic, pour être sauvé, ben faut coucher! Et oui! Certes, ces méthodes ne sont pas pour déplaire aux malades et la nouvelle a de quoi redonner espoir à tous les pauvres hères. Malheureusement pour eux, l'Eglise considère qu'elle a déjà assez donné avec Marie-Madeleine… Alors, cette fois encore, le Vatican voit d'un mauvais oeil cette Sainte prostituée qui commence à faire parler d'elle… Il vaut parfois mieux s'asseoir sur quelques miracles pour mieux conserver son autorité… Et puis, les Saints Martyrs, l'Eglise aime bien ça. Ça s'exploite sur du long terme, sans avoir à pinailler sur les termes du contrat. Alors, un petit coup de fil aux meilleurs tueurs à gage du pays et l'affaire devrait vite être étouffée… Enfin, c'est sans compter sur le prêtre James Brown, ancien Marines repenti, reconverti en ange gardien pour l'occasion et qui s'est mis en tête de veiller sur la belle…

Avec ce nouveau roman, force est de reconnaître que monsieur Incardona a du talent dès qu'il s'agit de divertir son lecteur! J'avais déjà été séduite et touchée par l'humour acéré mêlé de tendresse qui se dégageait des “Corps solides”, mais avec “Stella et l'Amérique”, on atteint carrément un nouveau sommet d'humour déjanté, voire carrément barré! Difficile de ne pas penser à Tarantino et aux frères Cohen, à la lecture de ce road-trip mené tambour battant et porté par des personnages hauts en couleur, qui nous embarque dans une véritable course poursuite à travers les Etats-Unis avec, pour destination finale, Las Vegas, la ville où tout est possible…

Entre deux tueurs sadiques et particulièrement zélés, un journaliste convaincu qu'il tient là son sujet pour le Pulitzer, un ancien combattant qui ferait de l'ombre à Jason Statham et une Sainte pas nitouche pour un sous, y'a pas à dire, on ne s'ennuie pas une seconde! C'est rocambolesque à souhait, parfois politiquement incorrect, et ça mêle sciemment tous les ingrédients d'un bon blockbuster: sexe, action, testosterone, amour et espoir. Bref, what else? comme dirait l'autre! Ah si, quid du “happy end”? Bon ben pour le savoir, vous savez ce qu'il vous reste à faire…

Pour ma part, je me suis régalée, tant grâce au sujet que grâce à la plume de Joseph Incardona, capable de faire ressortir toute la fantaisie, mâtinée d'insolence du texte. L'auteur n'hésite d'ailleurs pas, pour notre plus grand plaisir, à faire de nombreuses incursions à l'intérieur du récit, commentant, critiquant ou questionnant ce qu'il raconte. Bref, c'est drôle, décalé, impertinent, original et surtout, surtout, ça fait un bien fou!

Mention spéciale à l'éditeur et à son travail particulièrement soigné sur la couverture qui, en plus de publier un super texte, nous offre un bel objet!
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Le prologue donne le ton : Stella n'est ni très belle, ni très intelligente, mais quand elle regarde les hommes, ils se sentent vivants. « Ça peut suffire pour devenir putain. » En effet, Stella Thibodeau, 19 ans, se prostitue dans sa petite caravane. Elle suit un groupe de forains qui exercent en Géorgie, dans le sud des États-Unis. Ils font étape dans de petites villes où ils trouvent leur public, et Stella, des clients. Comme elle l'a confié à sa seule amie, Santa Muerte, une vieille voyante mexicaine, trois des clients avec lesquels elle a couché sont guéris : l'un était atteint de psoriasis sévère, un autre, paralysé et le suivant, aveugle. Et Stella sait bien qu'ils ne sont pas les seuls... D'ailleurs, le bruit de ses miracles commence à se répandre et une file d'attente masculine s'est formée devant la caravane. L'Église catholique commence à s'inquiéter : qu'une jeune fille fasse des miracles, soit ! Ce ne serait pas la première fois. Mais que ces miracles adviennent quand elle couche avec un homme, dans une relation tarifée qui plus est, ce n'est pas supportable. Ne vaudrait-il pas mieux en faire une martyre ? Voilà qui aurait de la gueule…
***
Le personnage de Stella, naïve, généreuse et solaire, incarne la bonté même. James Brown, ancien navy seal devenu prêtre, bien involontaire artisan des ennuis de Stella avec l'Église, n'aura de cesse qu'il la sorte de ce mauvais pas. Il choisit la fuite qui les mènera tous les deux jusqu'à Las Vegas, dans un road trip dément, pour échapper aux ignobles jumeaux Bronski. Comme dans ses autres romans, la critique sociale est féroce… Joseph Incardona nous entraine dans une farce déjantée, un récit à la fois drôle et dramatique, léger et profond. Il met en scène, avec délectation me semble-t-il, des personnages manichéens qui correspondent aux clichés habituels : « ils sont la légende, ce que je tente de décrire », dit-il à propos des jumeaux Bronski (p. 83), mais on peut étendre la remarque aux autres personnages. C'est aussi le cas pour les décors qu'il nous fait traverser, tout droit sortis des films qu'il affectionne. Bref, la parodie est moins appuyée que dans Lonely Betty, mais bien présente quand même. Les noms des personnages sont toujours chargés de sens (Stella, Santa Muerte) ou d'allusions, musicales dans ce cas-ci (Bronski, James Brown). Je crois que c'est ce que j'aime tant dans les romans de cet auteur, Stella et l'Amérique comme les quatre autres que j'ai lus. En plus de l'intrigue, en plus des personnages attachants ou détestables, parfois les deux en même temps, la complicité qu'il cherche à établir avec le lecteur me ravit. La confusion volontaire entre narrateur et auteur, les confidences de l'auteur (« j'ai trop bu, et je suis si triste, faut pas m'en vouloir de ce lyrisme… ), deux actions simultanées présentées en deux brèves colonnes, les adresses aux personnages, l'interpellation du lecteur, les jeux sur la taille de la police de caractère, le « nous » incluant l'écrivain et le lecteur, les allusions littéraires, cinématographiques et philosophiques, autant de clins d'oeil qui m'enchantent. Jusqu'à l'achever d'imprimer qui se targue de « presses miraculeuses » ! J'en redemande...
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Un « roman américain écrit par un Suisse », ça vous dit ?

Son pitch. Ça commence comme un conte de fées : une prostituée, Stella, guérit les clients en couchant avec eux. Mais quand le Pape s'en mêle, que 2 tueurs à gage jumeaux et sanguinaires sont payés pour l'éliminer et qu'un journaliste a décidé de faire de son histoire son prochain Pulitzer, les choses dérapent un tantinet…

Alors oui, ce roman est aussi déjanté qu'hilarant, il tient les promesses de son pitch jusqu'au bout. Réussite totale dans la catégorie parodie.

Mais Stella, ce n'est pas que ça. Dans ce road-movie sillonnant une Amérique de carton-pâte, il y a quelque chose de plus. Quelque chose de pur. Son héroïne, d'abord :

« L'eau coulait aux commissures de ses lèvres, roulait jusqu'aux bords de ses seins. Et s'il y a un moment où l'avidité peut être belle, c'est maintenant, dans ce simple fait d'accueillir le geste d'un homme donnant à boire à une femme absolument vulnérable et rendue fragile; c'est pour un tel moment de grâce que je suis né en Verseau. Et pour le dire, que je suis devenu écrivain. »

Pure aussi la manière de jouer avec les images chargées de rêve, de dézinguer les poncifs tout en leur rendant hommage, sans aucun cynisme.
Pur l'hommage aux forains, aux vieillards amoureux, aux gens de nulle part qui présentent des distractions surannées.
Joseph Incardona ose la nostalgie, la tendresse et le lyrisme. Il ose même la célébration de la vie.
C'est beau, tout simplement.

Lu dans le cadre du GP des lectrices Elle 2024
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Même si ce n'est pas l'apanage des seuls auteurs américains, on observe dans le parcours de Joseph Incardona cette diversité dans les professions exercées, nous rappelant les trajectoires de vie tumultueuses de ces baroudeurs qui ont effectué une multitude de métiers avant de se lancer dans l'écriture avec cette sensation d'aventure, de soif de liberté et d'indépendance que l'on retrouve d'ailleurs dans leurs textes tout en portant un regard décalé sur la société qui les entoure à l'instar de John Fante, de Charles Bukowski ou de Harry Crews pour n'évoquer que quelques-uns de ces écrivains nourrissant son inspiration. Tout cela, on le retrouve dans l'ensemble de son oeuvre, à commencer par la trilogie André Pastrella, son double de papier, dont les tribulations prennent l'allure d'une autofiction déroutante où l'on perçoit cette volonté prégnante du personnage de faire de l'écriture son métier au détour d'une vie plus ou moins instable et forcément riche en péripétie. Et puis il y a les romans bien évidemment, tous plus dévastateurs les uns que les autres, où l'absurde côtoie le cynisme nous rappelant, une fois encore, certains récits de ces écrivains américains qu'il aime citer. Cette influence américaine, parfois mêlée d'une certaine fascination, on la retrouve de manière assez évidente dans des textes tels que Lonely Betty (Finitude 2023) où Joseph Incardona rend hommage à un monument de la littérature de ce pays, alors que Misty (La Baleine 2013) fait référence à l'image du détective hardboiled d'une ville de Los Angeles forcément dévoyée. Il s'agit de brefs récits bousculant les clichés du rêve américain où l'auteur décline ce mal de vivre que l'on retrouve également dans Les Poings (Zoé poche 2024) où l'on rencontre Frankie Malone, boxeur désenchanté qui, des plaines hivernales du Midwest aux contrées ensoleillées de la Californie, entame son come-back afin de remonter sur le ring pour remporter le combat de sa vie. Et si l'on veut savoir ce qu'il est advenu de ce personnage déchu, on croisera Frankie Malone dans Stella Et L'Amérique, tout nouveau roman de Joseph Incardona nous entraînant dans le sillage d'une prostituée dotée d'un don de guérison miraculeux se produisant lors de ses étreintes tarifées avec ses clients.

Aux Etats-Unis, dans un bled paumé de la Georgie, il y a désormais toute une file d'éclopés en tout genre qui attendent devant le camping-car de Stella Thibodeaux, une jeune femme de 19 ans plutôt candide et plutôt jolie, exerçant le plus vieux métier du monde. Il faut dire que la nouvelle s'est rapidement répandue dans la région. Lors de ses séances tarifées, Stella guérit les malades et les paralysés en tout genre avec qui elle couche. L'un de ces miraculés se confie au père James Brown faisant remonter l'information à sa hiérarchie jusqu'à ce qu'elle parvienne aux plus hautes instances du Vatican. Entre dogme et sexe, le Saint-Père estime qu'il est plus approprié de faire de Stella une martyre dont on édulcorait le passé plutôt qu'une sainte encombrante. L'affaire est entendue et ce sont les jumeaux Bronski, tueurs dégénérés, qui vont se charger d'éliminer Stella en démontrant toute l'étendue de leurs compétences. Se rendant rapidement compte de son erreur, le père James Brown va prendre la jeune femme sous son aile et l'aider à fuir les tueurs lancés à ses trousses. Il faut dire que le prêtre, un ancien des Navy Seals, a de la ressource pour affronter tout ceux qui voudraient s'en prendre à sa protégée. Et pour contrer ses adversaires, le meilleur moyen de s'en sortir c'est de faire connaître le don de Stella au monde entier. Une histoire juteuse, un peu dingue, qui fleure bon le Pulitzer et que Luis Molian, journaliste pour le Savannah News, aimerait bien retranscrire en essayant de retrouver lui aussi les fuyards qui entament une course effrénée en traversant les contrées du sud du pays pour se rendre à Las Vegas, ville de tous les excès et de tous les pêchés. Les miracles n'ont pas de prix.

Si La Soustraction Des Possibles (Finitude 2020) et Les Corps Solides (Finitude 2022), les deux précédents romans de Joseph Incardona, s'inscrivent dans un registre plus sombre et plus grave, Stella Et L'Amérique, avec son côté roman noir burlesque, nous rappelle davantage les tonalités déjantées que l'on trouvait dans Chaleur (Finitude 2018) avec ce concours improbable d'endurance dans un sana chauffé à 110 degrés. Cette noirceur qui nous fait grincer des dents, ce regard décalé sur le monde qui nous entoure, c'est ce que l'on apprécie chez l'auteur helvétique choisissant de nous entraîner dans les confins des état du sud d'une Amérique puritaine, dont il s'emploie à dynamiter les clichés qui en font sa légende. En croisant Santa Muerte la voyante et Tarzan le nonagénaire qui s'occupe des lions, ainsi que toute la galerie de freaks d'un cirque itinérant que Stella côtoie en sillonnant la région avec son camping-car lui permettant de travailler en toute indépendance, on pense bien évidemment à l'univers de Harry Crew pour rester dans le domaine littéraire, tandis que la violence émanant tant du père James Brown que des jumeaux Bronski nous rappelle, à certains égards, l'extravagance des films des frères Cohen. Autour d'un texte énergique aux ellipses vertigineuses, on apprécie cette marque de fabrique particulière de l'auteur interpellant directement le lecteur comme pour le secouer quelques instant avant de l'entraîner à nouveau dans le maelström de cette course-poursuite infernale. Et si l'action est omniprésente, Joseph Incardona prend le temps de la réflexion en abordant le thème de la foi et du dogme que l'on veut préserver à tout prix en l'opposant au désir et à la sexualité que l'on ne saurait concilier. On perçoit ainsi cette hypocrisie frappant les hautes instances religieuses préférant s'enfermer dans un déni meurtrier en s'autorisant à éliminer cette jeune prostituée encombrante faisant des miracles lors de l'exercice de son métier. Mais en jouant avec ces clichés imprégnés d'une dérision cinglante, Joseph Incardona évite l'écueil du pamphlet lourdingue en déclinant une atmosphère aux relents poisseux et âpres dans laquelle évolue ces personnages emblématiques du genre, mais dotés, pour certains d'entre eux, de caractéristiques dissonantes à l'image de ce prêtre James Brown, un nom pareil ça ne s'invente pas, incarnation de toutes nos contradictions. Cette opposition on la retrouve également dans les deux portraits de femmes qui traversent le récit avec tout d'abord Stella Thibodeaux, personnalité solaire se laissant porter par les événements, dont la générosité et la gentillesse se décline autour d'une certaine naïveté expliquant peut-être l'origine de ce don si encombrant dont elle est affublée, tandis que Brenda Moore, une inquiétante séductrice, manipule son entourage de tueurs et de commanditaires puissants pour parvenir à ses fins qui se révèlent peu honorables. Ainsi, au détour de cette tonitruante satyre sociale à la noirceur jubilatoire, Stella Et L'Amérique révèle, une fois encore, toute l'originalité d'un auteur talentueux qui ne cesse de se renouveler tout en nous bousculant dans nos certitudes.


Joseph Incardona : Stella Et L'Amérique. Editions Finitude 2024.

A lire en écoutant : Get Up I Feel Like Being A Sex Machine de James Brown. Album: Funk Power 1970: A Brand New Thang (feat. The Original J.B.s).1996 UMG Recordings, Inc.
Lien : http://www.monromannoiretbie..
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Ce roman se déroule de nos jours aux Etats-Unis.
Stella est une jeune prostituée américaine qui se déplace en camping-car, à la suite de forains, dont son amie Santa Muerte, une voyante.. Elle accomplit des miracles en guérissant malades et paralytiques avec qui elle couche. La nouvelle se répand partout...
Le Vatican, averti, veut en faire une sainte martyre et fait appel à une filière de tueurs. Un journaliste se lance aussi sur sa trace, espérant obtenir le prix Sulitzer, tandis qu'un prêtre, ancien marine, James Brown, va devenir son ange gardien. Et de nombreux malades tentent de la rencontrer pour u'elle les guérisse.
Dans ce road-trip plein de rebondissements, Stella parcourt l'Amérique, pourchassée à la fois par ceux qui ont besoin d'elle, ceux qui voudraient l'éliminer et celui qui souhaite l'interviewer.
Ce n'est pas une Sainte, mais c'est une belle personne, généreuse.
J'ai apprécié les personnages déjantés de ce roman, notamment Stella, James Brown et Santa Muerte.
Lien : https://www.unebonnenouvelle..
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Stella et l'Amérique, Joseph Incardona, Finitude
Stella est une jeune prostituée qui fait des miracles. Ses clients qui arrivent malades repartent en pleine forme. Ce qui pourrait sembler un atout n'est pas bien vu par le Vatican : "une sainte-putain ça n'est pas présentable". Dès lors, la voici pourchassée par des jumeaux-tueurs, par un journaliste qui flaire le Pulitzer et secourue par un curé ex-navy-seals.
La quatrième de couverture en appelle à Tarantino pour l'excentricité des personnages et aux frères Coen pour les dialogues. Et force est de constater que si l'on aime ce cinéma, ce qui est mon cas, on ne peut qu'être séduit par ce roman. La candide Stella se retrouve au milieu d'intrigues politico-religieuses, on parle d'elle dans les hautes sphères du pouvoir alors qu'elle ne pense qu'à sauver des hommes malades. Sa vie simple est chamboulée par Joseph Incardona qui ne se prive pas d'entrer dans son histoire en tant qu'auteur pour abréger telle action, pour expliquer pourquoi là, il faut remettre un peu de dynamisme sinon, le lecteur peut fuir
Une comédie grinçante et noire qui n'épargne pas les pontes du Vatican et de l'église en général : le nouveau Messie ne peut pas être une femme et encore moins une prostituée, sans critiquer la religion qui est affaire intime.
Dans un mélange réjouissant Joseph Incardona invoque l'Amérique profonde et celle de la consommation, de la religiosité, de la démesure où tout, même le plus improbable semble réalisable. Il écrit un roman sans temps mort, décalé et drôle, irrévérencieux et franchement épatant. Stella la "sainte-putain" est l'un de ces personnages qui entre doucement dans la tête du lecteur et s'y installe pour longtemps.
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