C'est avec un enthousiasme débordant que je vous parle aujourd'hui du deuxième tome de la série de l'ombre de l'auteur islandais
Arnaldur Indridason. Tellement débordant d'ailleurs que ce n'est pas évident pour moi de rédiger cet article tant j'ai envie de vous en dire et de vous mettre en avant ce que j'aime tellement chez cet auteur. Ceux qui me suivent régulièrement sur les réseaux sociaux connaissent mon état de fébrilité lorsque je lis un ouvrage islandais, alors en plus quand il s'agit d'un de mes auteurs préférés toute nationalité confondue, imaginez donc !
Rarement déçue par lui, je suis une de ses lectrices inconditionnelles, j'ai lu toute sa bibliographie et bien que j'attende avec une impatience grandissante le retour de son personnage récurrent Erlendur, j'apprécie toujours quand il sort un livre même s'il n'est pas dans la continuité de cette série, ce qui est le cas ici. Il a d'ailleurs récemment reçu le prix Blood drop du roman policier islandais 2017, rien que ça !
Préparez vos moufles et vos vêtements les plus chauds, je vous emmène en Islande pour vous parler du tout dernier né de l'auteur
Arnaldur Indridason
[On prend les mêmes bons ingrédients, et on recommence !]
Si le tome 1,
Dans l'ombre, marquait une rupture nette et franche dans le style d'
Indridason, grâce à un rythme bien plus poussé que ses précédentes parutions, le tome 2 en est sa suite logique et j'ai retrouvé les mêmes ingrédients qui ont crée mon coup de coeur pour le premier opus.
Nous suivons donc les mêmes personnages principaux dans ce livre, mais il s'agit bien d'une nouvelle enquête et non d'une suite à proprement parlé. J'apprécie beaucoup d'avoir des personnages récurrents parce que j'ai tendance à m'attacher à eux, et le duo de Thorsen et Flovent m'avait beaucoup plu lors de ma précédente lecture. Sous des traits psychologiques profondément humains, les personnalités s'affinent et se dévoilent, les rendant foncièrement crédibles et intéressants. Ici, pas de héros, jamais chez
Indridason d'ailleurs. Deux petits gars ordinaires, avec leurs forces et leurs faiblesses, leurs hésitations et leur pugnacité. Une amitié et un respect profond lie les deux hommes, ils sont très complémentaires et pour une fois ça fait du bien de ne pas nous retrouver confrontés à un flic torturé et mal dans sa vie.
Une des marques de fabrique de l'écrivain nordique est le profond réalisme dans lequel il plonge ses lecteurs et qui donne un côté très immersif à l'histoire (et qui accessoirement m'a fait acheté mes premiers billets d'avion pour l'Islande en 2014). On s'y croirait presque, dans les rues froides de la capitale Reykjavik, au beau milieu des années 40, croisant des militaires à chaque coin de rue; on s'y verrait presque, devant ce bar miteux où les islandaises vont faire quelques passes avec les militaires américains pour récupérer quelques malheureuses couronnes, dans une période où tout manque et où le marché noir bat son plein.
Si cette fois les paysages islandais sont un peu relégués au second plan à mon grand désarroi – excepté lors d'une scène dans les champs de lave de la péninsule de Reykjanes – il n'en reste pas moins que l'atmosphère islandaise est bel et bien au rendez-vous, comme à chaque fois. J'apprécie énormément les thrillers qui sont chargés de l'atmosphère du pays dans lequel ils se situent. On ne vivra pas de la même manière une intrigue policière en Islande, en Ecosse ou dans les favelas mexicaines. Les thrillers nordiques ont les particularités d'avoir un rythme d'enquête relativement calme et un développement culturel/politique assez important ce qui ancre le lecteur solidement dans l'histoire et la rend terriblement immersive. C'est ça moi que j'aime, déconnecter complètement de ma réalité pour découvrir autre chose. le point fort des thrillers du grand froid, c'est ce petit truc en plus qui rendra le livre glauque, sombre et froid comme la nuit polaire : un climat difficile, une luminosité parfois quasi inexistante, une pluie drue qui vous trempe ou un brouillard qui vous colle à la peau. Forcément, ça colle parfaitement à ce genre littéraire! Parfois je lis des polars qui pourraient se passer dans n'importe quel pays, parce que les lieux et l'aspect social ne sont pas développés par l'auteur. Ici, et avec les auteurs islandais en général, ce n'est pas le cas. Prenez le cas d'
Arni Thorarinsson qui nous dresse à chaque parution une critique de la société islandaise, ou prenez encore
Ragnar Jonasson, l'étoile montante du thriller islandais, qui vous cloître dans un village coupé du monde en pleine tempête de neige… Les islandais aiment profondément leur pays, et ils aiment par dessus tout en parler, y compris dans leurs polars ! Dans
La femme de l'ombre, vous serez plongés dans les villes et rues aux noms à rallonge et incompréhensibles où quand vous aurez terminé de lire leur nom, vous ne vous souviendrez plus forcément du début, vous devrez même peut-être prendre quelques petites notes pour vous rappeler des prénoms des personnages. Finalement, est-ce un frein à la lecture? Non ! D'abord, parce qu'on s'y habitue, ensuite, parce que le petit post-it est là pour ça, et que ça serait vraiment dommage de passer à côté pour si peu de choses !
Comme je vous le disais, j'aimais le style de l'auteur depuis son premier livre (avec toutefois une déception avec
le Duel auquel je n'avais pas du tout accroché) mais il est vrai que le rythme est relativement calme par rapport à ce que j'aime lire habituellement. Cependant, j'ai la sensation que cette trilogie a permis à
Indridason de s'affranchir un peu de son anti-héros Erlendur, et de sortir de son schéma d'écriture classique en nous proposant quelque chose de plus dynamique.
[Parlons un peu du rythme !]
Pas de surprise, je vous l'ai dit, ici l'action est bien plus importante : pas d'ennui, pas de temps mort, pas de longues descriptions de paysages ou de conditions météorologiques difficiles (même si personnellement ça m'a un peu manqué), place à l'action et aux investigations ! J'insiste vraiment sur ce point parce que de nombreux lecteurs me disent qu'ils n'osent pas sauter le pas pour découvrir cet auteur car ils n'accrochent pas forcément aux thrillers nordiques. Oui, il peut y avoir du rythme dans un polar nordique. Oui,
Arnaldur Indridason a évolué à ce niveau (s'est-il adapté aux attentes du public ou a-t-il eu envie de faire évoluer son écriture ? Mystère ! j'espère avoir la chance un jour de le rencontrer en salon pour lui poser la question). Quoi qu'il en soit, on ne peut pas s'ennuyer avec un livre comme celui-ci ou avec
Dans l'ombre. Certes, pas de gore, pas de scènes de massacres, pas de litres d'hémoglobine. Mais il y a réellement quelque chose de différent que vous accrochera.
[ Parlons de l'intrigue ]
La femme de l'ombre c'est : des cadavres, plusieurs histoires de vie qui convergeront vers une même intrigue et une enquête menée dans un milieu militaire très fermé. Accompagnés de nos deux enquêteurs, l'un islandais, l'autre, militaire, nous essaierons de percer le mystère qui entoure la mort d'un jeune soldat, sauvagement tabassé devant un bar fréquenté par les soldats et les islandaises qui vendent leurs charmes pour quelques couronnes. Traditionnellement,
Arnaldur Indridason nous plonge dans deux enquêtes : l'une contemporaine et l'autre non résolue qui se situe dans le passé. Ici, à nouveau, l'auteur sortira de son schéma traditionnel pour ancrer son histoire dans les années 40. N'ayant pas abandonné pour autant son jeu de temporalité, l'écrivain vous surprendra parfois, au détour d'une révélation, alors que vous pensiez que l'histoire était écrite de manière linéaire. Je ne vous en dirais pas plus, pour comprendre de quoi je veux parler, il faudra le lire!
[ Un peu d'Histoire. Mais pas trop! ]
Ce thriller est, comme le tome 1, un thriller historique. Je vous l'ai dit plusieurs fois, je déteste les thrillers historiques où l'Histoire avec un grand H prend toute la place sur l'enquête. Ici, je dirais que cela se fait de manière discrète, l'auteur joue à nouveau sur l'atmosphère (on y revient toujours ! ) qui règne dans le pays au moment de la Seconde Guerre Mondiale. Vous ne serez pas noyés par les détails historiques longs et ennuyeux, vous n'allez pas lire un ouvrage historique vous racontant les détails historiques du pays, non, vraiment ce n'est pas ça. Si je devais mettre un mot ici sur le ressenti que j'ai par rapport à ça, je dirais, en utilisant une métaphore culinaire, que les faits historiques sont une sorte de condiment, présent pour donner un petit coup de peps à l'enquête policière. Elle permet également d'accroître le sentiment d'immersion du lecteur.
[Le mot de la fin]
Je vais bien réussir à vous faire lire des thrillers islandais, vous, récalcitrants qui me résistez encore et qui ne vous êtes toujours pas lancés dans les eaux glaciales de l'Atlantique nord.
J'ai longuement insisté dans cet article pour balayer les préjugés qui voudraient que le polar nordique soit un livre calme et avec peu d'action, mais je crois vraiment en ce que je dis, et je ferai le nécessaire pour vous donner envie de découvrir cet auteur qui m'est cher.
Arnaldur Indridason est pour moi le maître incontesté du thriller nordique, et il est également dans mon trio de tête de mes auteurs favoris, celui que je lis sans même m'intéresser à la 4è de couverture, celui pour qui j'abandonne toute lecture en cours lorsque son nouvel opus est édité.
Je reste néanmoins, comme d'habitude, profondément objective dans mon article. Je ne pourrais pas mettre autant de coeur dans une chronique si je ne pensais pas réellement ce que je dis. Parfois ça ne passe pas vraiment, comme avec
le Duel, mais la plupart du temps je suis enchantée de ma lecture et c'est à nouveau le cas ici.
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