Pour qui connait A.
Indridason au travers de ses polars, d'Erlendur et de Konrad, ses inspecteurs fétiches, c'est un saut dans le temps, dans l'espace et dans le genre littéraire qu'il lui faudra faire.
Avec "
le roi et l'horloger" nous voici en effet parachutés dans le Danemark du 18e siècle, au château de Christiansborg, à Copenhague, sous le règne chancelant de Christian VII.
Christian VII, ses crises de folie, ses moeurs légères, paie une enfance malheureuse, manque d'amour paternel puis conjugal.
L'horloger, c'est Jon Sivertsen, l'islandais aux mains d'or, commandité par le roi pour réparer une sublime horloge astronomique.
C'est dès lors un dialogue inattendu entre ces deux-là, le roi se nourrissant de la cruelle histoire familiale de Jon, dans laquelle il se retrouve, plutôt douloureusement. Christian VII, souverain fantoche et dépravé, dont la description se rapproche de la réalité historique, et qui, lorsqu'il dévoile sa fragilité en devient presque émouvant.
Et face à lui, l'horloger, tout en respect pour son roi, tout en passion pour son art, tout en authenticité prudente dans la narration du dramatique destin de ses parents.
Ce roman d'
Indridason pourrait avoir quelque chose d'un conte...la petite sirène n'est pas loin...d'un conte philosophique alors...Mais il est bien plus que cela. Il nous éclaire ce Danemark du 18e s., partagé entre son attirance pour les Lumières de
Voltaire et paradoxalement encore plongé dans la cruauté des préjugés et d'une justice obscure.
Des précisions historiques, politiques (cf le rôle influent du médecin Struense, par ailleurs amant de la reine) qui font de ce roman une ouverture sur un pan de l'Histoire danoise, de sa société, de ses coutumes...
Au rythme de la précieuse horloge, symbole de ce temps toujours trop court, ce temps-accumulation de souvenirs, le temps que dure une vie, celui qui vous est décompté...
Celui que l'on remonte avec Jon, chassé-croisé de deux temporalités qui permet d'ancrer émotionnellement les personnages et qui permet également une meilleure exploration des situations, des personnages et des personnages dans la situation que leur attribue
Indridason.
Et toujours ce rappel de la mémoire collective de tout un peuple,
Indridason inscrivant son roman dans la société de cette époque...ce dont il a l'habitude .Quelques répétitions parfois qui ralentissent parfois peut-être un peu le rythme mais qui ne nuisent en rien à l'intérêt de l'ouvrage.