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sur 1261 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Quelle magnifique allégorie de la vie intérieure de chaque être humain ! Dès la première (et seule) lecture de cette oeuvre, j'ai eu l'impression que chaque personnage correspondait à un sentiment hautement humain (l'Amour pour la maîtresse du roi, la Raison pour la reine, l'Ego pour le roi, la Conscience pour le médecin...), et cette personnification pertinente est restée incroyablement présente à mon esprit.

La caricature de ces traits humains est évidemment là, mais n'empêche, c'est très, très, intéressant d'un point de vue tant psychologique que philosophique. Une magnifique pièce sans âge à méditer
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Classique du théâtre écrit par Ionesco en 1962, le roi se meurt est, comme beaucoup d'oeuvres classiques, la somme d'influences et de références extrêmement variées donnant lieu à une nouvelle oeuvre originale qui transcende ses inspirations.

Le thème de la pièce, évidemment, tourne autour de la mort : le roi Béranger est sur le point de mourir ! Et visiblement, il est le seul à l'ignorer.

Toute la pièce va alors nous entraîner, ainsi que le roi du titre, dans un abîme de désespoir et de questionnements sans fin qui mèneront, finalement, au dénouement ultime qu'on nous annonce dès le titre.

Pour autant, il est bien entendu que Béranger Ier n'est qu'un roi métaphorique, dont ni le nom, ni la situation géographique du royaume ne sont évoqués à quelque moment. Et pour cause : le personnage est avant tout une marionnette qu'utilise Ionesco pour parodier les tyrans de l'Histoire.

Lorsqu'on décrit par le menu tout ce que le roi a fait, ou pas, au cours de sa vie, on le découvre cruel, usant volontiers de la peine de mort, idiot, paresseux, amateur de bonne chaire, peu porté sur la lecture, autoritaire, ridicule au fond.

Bien sûr, il y a un peu du Ubu roi de Alfred Jarry dans le roi se meurt, et c'est comme si on assistait à la veillée funèbre du roi de tous les excès tout au long de la pièce. Mais, lorsque Ionesco décrit un monarque qui a traversé les millénaires, d'abord sur un cheval blanc, puis debout sur un tank, il apparaît que, comme souvent, ce sont les dictateurs autoritaires que tacle Ionesco.

C'est Napoléon, c'est Mussolini, Hitler, Staline qu'il critique lorsque le Garde récite au roi toutes les prouesses technologiques de l'humanité qu'il aurait soi-disant découvertes tout seul, sorte de tirade d'éloges à l'infini digne d'un régime soviétique où trop peu de flatterie pourrait vous envoyer au goulag, tandis que comme disait Beaumarchais, sans la liberté de blâmer, il n'est point d'éloge flatteur.

Il les critique encore par l'accès de mégalomanie dont Béranger fait preuve lorsque, se sachant mourant, le roi souhaite survivre dans les mémoires par tous les moyens : qu'on lui érige des statues, que son image soit dans toutes les maisons, qu'on brûle des cierges à son effigie... voire même, qu'on tue tout le monde, puisque nul ne devrait avoir le droit de vivre si lui trépasse. C'est une référence quasi-explicite au culte de la personnalité que de nombreux régimes fascistes du XXème siècle avaient mis en place avec succès, et que l'auteur parodie ouvertement.

Ionesco s'inscrit en faux de tout cela en représentant le royaume de Béranger comme un territoire abandonné, rongé par les ennemis de toute part, à la dérive et sombrant progressivement dans un trou dans le sol, vidé de la plupart de ses habitants et dont les quelques restants sont devenus débiles. Une vision purement apocalyptique qui laisse paraître l'idée que se fait l'auteur d'un pays qui serait laissé aux mains d'un tel chef d'État, lui qui a fui la Roumanie lorsque l'Allemagne, puis l'URSS y ont établi leurs idéologies pendant la guerre.

Et en même temps, le roi se meurt ne parle pas que de ça. La pièce parle d'un sujet cher à Ionesco qui l'aura préoccupé pendant la quasi-totalité de sa vie : comment faire la paix avec l'idée de la mort, à la fois en tant que concept de la fin de sa propre existence, mais aussi en tant que point fixe dans le temps, inéluctable, avec lequel on ne peut pas négocier.

Une inquiétude quasi-universelle qui résonnera forcément avec quiconque ayant eu à faire face soit à sa propre mort, soit à celle d'autrui, ce qui rend le personnage de Béranger au fond humain dans ses préoccupations, et facilement compréhensible dans sa réaction.

En fait, Ionesco nous montre un personnage aux prises avec les cinq étapes de son propre deuil, une liberté géniale qui nous est procurée par le théâtre, puisqu'en général, lorsqu'on meurt, nous n'avons pas le loisir de nous y attarder tant que ça.

Déni, choc, colère, marchandage et enfin, acceptation : le roi passe par chacune d'entre elles. le personnage de Béranger se débat notamment avec la maxime latine "Mors certa, hora incerta" qui nous dit que la mort est certaine, mais l'heure où elle arrivera, elle, est inconnue. Il hurle et tente de raisonner qui veut bien l'entendre que puisqu'il est le roi, il ne mourra pas avant de l'avoir décidé, abattu cependant par la fatalité que l'évènement commence à se produire contre son gré.

Comme si Ionesco lui répétait "Memento mori" tout du long : tu as beau être le roi, il n'y a rien, aucun pouvoir, qu'il soit politique ou technologique, qui ne te sauvera de la fin inévitable qui s'en vient. Ceci est peut-être également à mettre en parallèle avec les thérapies hormonales des années soixante qui prétendaient pouvoir repousser la mort au moyen de technologies alors "révolutionnaires", dont Ionesco so moquerait dans cette pièce.

Peut-être Ionesco a-t-il aussi lu Heidegger, dont la mort est une thématique importante. En effet, comme ce dernier considère la mort comme la fin de l'être-au-monde, elle représente un anéantissement de celui qui meurt. Autrement dit, comme l'auraient formulé les philosophes de l'Antiquité : tant que nous sommes vivants, la Mort n'est pas là, et à l'instant où la Mort arrive, nous ne serons plus. Alors, de notre propre point de vue, qu'est-ce que mourir sinon disparaître du monde ? On pourrait aussi poser la question dans l'autre sens : qu'est-ce que mourir, sinon voir le monde disparaître devant soi ?

Et c'est cette vision qu'Ionesco a décidé de porter sur scène, puisqu'au fur et à mesure que le Roi décline, les personnages partageant la scène avec lui disparaissent subitement, mais il l'aborde également d'un point de vue physique, le Roi chancelle et tombe à maintes reprises, ses cheveux blanchissent d'un coup, ses sens lui font défaut, il devient aveugle, même les concepts les plus simples lui sont étrangers.

C'est aussi imprégné des rituels décrits dans le Bardo Thödol, le livre des morts tibétains, et des coutumes roumaines ainsi que du christianisme qu'Ionesco écrit la transition du roi vers l'autre monde. En effet, Ionesco dépeint ici la vie comme un exil, et la mort comme un départ : après tout dans la mythologie chrétienne, la véritable patrie du croyant se situe dans l'Au-Delà, après la mort.

Or, un départ cela se prépare et c'est pourquoi dans cette pièce, Ionesco assigne à la reine Marguerite, en fin de pièce, le rôle de guide spirituel ("lama tibétain", "la Ma"rguerite ?) qui va guider le roi par sa voix dans ses derniers moments, et couper les attaches et les chaînes spirituelles (imaginaires) qui le relient encore au monde des vivants et l'empêchent de partir en toute sérénité. Peut-être faut-il ici voir une certaine nostalgie d'Ionesco pour la ritualisation du deuil, dans un XXème siècle où les religions sont globalement en recul, où les traditions se perdent peu à peu et où, la mort devient à la fois un sujet un peu tabou et une expérience de plus en plus solitaire, pour beaucoup de gens dans l'incapacité d'être accompagnés en fin de vie.

En résumé, car cette critique est déjà bien trop longue, une pièce assez courte en un unique acte d'une seule scène mais qui recèle bien des thématiques à découvrir !
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Ionesco est âgé d'une cinquantaine d'années quand il finalise le roi se meurt. Objectivement, c'est encore fort jeune, et pourtant cette pièce illustre de manière particulièrement bien observée les affres de la grande vieillesse et de la fin de vie.

Le déni, la révolte, etc., toutes les phases connues de l'attitude des hommes face à la mort sont passées en revue et à la moulinette du théâtre de l'absurde de l'auteur. Un orfèvre en la matière. le roi se meurt, et il est entouré de sa clique. L'ancienne reine personnifie une vision réaliste de la vieillesse. La jeune reine va, quant à elle, édulcorer l'état royal et se tourner vers un passé plutôt rose. le médecin, astronome, bourreau... aimerait se trouver ailleurs. Tout comme la bonne à tout faire (et qui ne fait plus grand chose). L'absurde se trouve dans les dialogues, dans les situations et dans le garde qui hurle le bulletin de santé royal à qui mieux-mieux.

Autour du roi, le château se délabre. le royaume se réduit comme une peau de chagrin. Les sujets sont aux abonnés absents.

Cette pièce a résonné en moi comme rarement. A titre personnel et sans faire pleurer dans les chaumières, voici un an, mon père décidait de se laisser mourir. Caprice de vieillard ayant survécu au Covid, ras-le-bol d'un nonagénaire qui n'en pouvait plus et pour qui chaque jour était pire que le précédent, résignation, détermination, lucidité, dépression... peu importe le motif. La pièce m'a, d'une certaine manière, réconcilié avec lui.

Par ailleurs, et même si les analyses de la pièce sont unanimes, je ne peux pas m'empêcher de penser que Ionesco à travers cette pièce vise également une dimension politique. La Roumanie de 1960 est à l'image du roi Berenger.
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Tout le monde connaît maintenant le principe de la boite à livres. Déposer un bouquin, en choisir un autre. Cette fois-ci, j'ai trouvé « le roi se meurt » d'Eugène Ionesco, pièce créée en 1962.
Dans ce huis clos, le roi Béranger s'entend annoncer qu'il va mourir, et plus précisément qu'il lui reste 1 h ½, le temps de l'acte.
Le roi est Homme, le roi est mortel, et tout son pouvoir terrestre ne pourra rien y changer. Il est accompagné dans son cheminement vers l'inéluctable par ses deux épouses et un médecin qui a aussi les charges de bourreau, chirurgien, astrologue et bactériologue. Les répliques du garde qui ponctuent régulièrement la pièce par : - le roi se meurt ! - le roi va mieux... renforcent la temporalité de celle-ci.
Théâtre de l'improbable et de l'absurde. C'est grave, c'est de l'humour grinçant.
J'ai hâte de voir une version adaptée au théâtre !
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Le fond : dans cette pièce de théâtre au titre évocateur (elle aurait pu s'intituler Pour qui va sonner le glas) la fin est proche pour un roi (de pacotille). le roi va-t-il se résoudre à accepter son funeste sort ou au contraire ne pas voir la réalité en face et supplier de tout son être un bonus ?

La forme : des dialogues succulents, servis par des personnages caricaturaux mais non moins succulents.

Pour conclure, une mise en abime très réussie du mourant et du monde qui l'entoure.
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J'ai découvert ce véritable chef d'oeuvre en tout premier lieu sur les planches de théâtre, à travers l'interprétation de Michel Bouquet, qui incarne avec prodige le le roi Bérenger Ier.

J'ai depuis mon adolescence affectionné au plus haut point l'écriture d'Eugène Ionesco, mais je dois avoué que "Le Roi se meurt" représente pour moi, l'un de ses plus beaux chef d'oeuvre.

Sans dévoiler l'intrigue, je dois avouer qu'il m'a fallut un certain temps pour comprendre le texte dans ma tendre adolescence, mais que l'avancée en âge, la relecture à l'âge d'adulte et la découverte de cette somptueuse pièce, m'ont permis de découvrir avec émotion et magnificence, ce roman qui parle d'un sujet pouvant être considéré comme tabou, avec toute la poésie que cela peut représenter.

A recommander vivement pour adolescent et adulte.
Immence Chef d'Oeuvre
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Quand l'absurdité de la mort renvoie à l'absurdité de la vie.

On reconnaît bien la façon unique d'Eugène Ionesco dans cette pièce à la fois comique, grinçante et si juste. Au delà du burlesque et de l'absurde, l'auteur se pose en observateur rigoureux du comportement de l'homme et le met en scène face à sa propre mort.

Le roi Bérenger 1er est informé que sa fin est proche. Malgré de nombreux signes (qu'il a préféré ignorer), il ne s'est pas préparé à cette mort, qui s'est peu à peu rapprochée de lui au fil du temps.

Autour du roi, figure centrale, l'auteur place cinq autres personnages, presque tous allégoriques :
- Marguerite, reine et première épouse, représente la raison, le réalisme et l'avenir (qui pour tout être vivant est la mort). Elle est forte, inflexible et prépare le roi à mourir.
- Marie, reine et seconde épouse, représente le coeur et les sens, les plaisirs de la vie, l'insouciance, l'illusion et le passé. Elle soutient le roi dans son fantasme d'immortalité mais n'oppose à Marguerite que des arguments dérisoires et fragiles.
- le médecin, représente le savoir et la science.
- Juliette, la femme de ménage, représente le peuple, le commun des mortels.
- le garde.

Pris au dépourvu par l'annonce de sa mort donc, le roi est envahi par différents sentiments : l'incrédulité, le refus, l'indignation, la révolte, l'impuissance, la peur, l'accablement, la résignation...
Il voit s'écrouler tout son univers, morceau par morceau (au sens propre) en même temps qu'il perd la maîtrise de sa vie. Son pouvoir, son autorité et sa volonté de vivre, comme ses biens terrestres, se désagrègent en même temps que lui.
Tout est donc vain !

Et c'est seul et nu que mourra cet homme, car même le roi ne peut échapper à sa condition humaine.

Avec cet humour noir et lucide qu'on lui connaît, Ionesco a écrit là une comédie vivante (le comble, non?), dont les répliques sont souvent très drôles. Le personnage du roi est parfois ridicule, la plupart du temps pitoyable, mais son désespoir et son angoisse devant la décrépitude et la mort émeuvent, car c'est vers la même inéluctable issue que débouche toute vie.
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Dès sa création en 1962, cette pièce de théâtre est devenue un classique. Alors que son royaume se délite, le roi Béranger Ier apprend qu'il doit mourir. A cette nouvelle, il passe par tous les stades possibles : refus, colère, incompréhension, désespoir et finalement acceptation, seul ou presque. Un chef d'oeuvre du théâtre de l'absurde.
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Le Roi se meurt, Ionesco, 1962
Genre : Tragédie, Théâtre de l'Absurde

Comme l'indique le titre, cette tragédie met en scène la mort d'un roi. Elle explore son comportement face à l'annonce de sa fin imminente, lui n'a guère pris de temps de se préparer à cette issue inéluctable. Bien qu'il soit d'une puissance sans bornes, (il est âgé de plusieurs centaines d'années, il a écrit L'Odyssée, il maîtrise le climat, envoie des fusées...), le décompte est lancé et il est contraint de s'y résoudre après un sentiment initial de dénégation, puis de révolte. Chaque personnage est symbolique : la reine Marguerite représente la raison, la reine Marie nos émotions, le médecin la conscience collective et objective. La pièce nous pousse ainsi à une réflexion sur l'absurdité de la vie, notre propre mort et nos réactions face à notre fin.
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Pour qui aime le théâtre de l'absurde c'est un mythe... j'ai vu la pièce avec Michel Bouquet il y'a quelques années et j'avoue être plus sensible pour ce style de théâtre à la pièce jouée que lue
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