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Critique de viou1108_aka_voyagesaufildespages


Autant vous l'avouer même si j'en ai honte : j'ai frôlé la catastrophe. Un roman de John Irving, avec un si joli titre, et pourtant…j'ai bien failli m'y ennuyer. Je me suis demandé si j'allais le terminer, j'ai cru me perdre dans cette concentration invraisemblable de personnages sexuellement ambigus.
Heureusement, juste avant que je me résigne à chausser mes souliers de plomb pour aller au bout de ce pavé, la magie a opéré et je ne l'ai plus lâché.

Et donc, sous les auspices de Shakespeare et d'Ibsen, de Flaubert et Dickens, le rideau se lève sur le narrateur, Billy, jeune adolescent qui se cherche une identité sexuelle. Précisons que nous sommes au fond du Vermont, dans l'Amérique des années 60. La quête de Billy est donc par définition discrète et délicate, à une époque où l'homosexualité est encore considérée comme une maladie qu'il faut soigner. Déjà pas aidé par le contexte austère, Billy ne peut guère compter sur des repères familiaux solides : un père très vite volatilisé après sa naissance, une mère fragile voire hystérique, un grand-père jouant exclusivement des rôles féminins dans la troupe de théâtre amateur locale, une grand-mère et une tante (et même une cousine) castratrices.
Troublé par les « béguins » qu'il éprouve à la fois pour son beau-père, Miss Frost la bibliothécaire, et Kittredge, le lutteur-vedette du lycée, le jeune Billy ne sait plus à quel sein (non, ce n'est pas une erreur) se vouer.
Chronique d'une vie passée à se chercher, se cacher (années 60), s'affirmer (années 70), justifier ses orientations sexuelles (années 80), s'excuser presque de ne pas être mort du sida (années 90), puis enfin à s'épanouir (années 2000), A moi seul… déroute au début en zigzagant sans cesse entre les époques et les digressions.
C'est souvent cru, rarement vulgaire. Même si on trouve quasiment à toutes les pages le mot « sexuel » avec sa panoplie de préfixes (hétéro-, homo-, bi-, trans-), sans oublier la catégorie « travesti » et le sens nouveau (pour moi) des mots « actif » et « passif », on reste dans le grand style d'un grand écrivain.
Avec le théâtre pour thème secondaire, ce roman ne pouvait qu'osciller constamment entre comédie et tragédie : personnages et situations cocasses, chapitre bouleversant mais sobre sur le drame du sida.
Moins drôle que le Monde selon Garp, carrément triste si on le compare à L'épopée du buveur d'eau, on retrouve cependant une férocité de ton quand Irving flingue l'intolérance de l'Amérique puritaine.
Ce n'est peut-être pas le meilleur Irving, mais à ce niveau-là, on est de toute façon bien au-dessus de la moyenne…
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