Le repentir : roman

Un repentir est en peinture une partie du tableau qui a été recouverte par le peintre pour modifier en profondeur la toile. Il peut s'agir de masquer ou de faire apparaître des personnages, des objets ou organes, ou de modifier leurs aspects et leurs positions.

Ce roman assez court (207 pages) a été une excellente surprise de lecture. La polysémie du mot repentir y est superbement exploitée dans une langue merveilleuse. Rodica Iulian est une exilée roumaine qui écrit directement en français sur l'exil et sur l'art du repentir, sur le repentir par exercice d'un art. Le personnage principal, Matei, est un exilé lui aussi qui vit à Paris. Il vient de Roumanie, mais la romancière choisit de ne jamais nommer le pays par son nom, comme pour donner à l'exil une portée universelle. Aucune occurrence des termes Roumanie ou roumain, mais des évocations suggestives comme : Carpates orientales (p. 15), Govoreni, mer Noire, Danube, village de Transylvanie (p. 148).

Matei (Mathieu en roumain) est restaurateur de tableaux (p. 26). Il doit restaurer une fresque représentant Savinien « torturé et décapité par les Romains, en l'an 275, près de la ville de Troyes » (p.8) dans l'église d'un petit village français nommé R. Cette restauration qui prendra l'allure d'une véritable rédemption pour Matei est résumée par la citation suivante : «  le fresquiste s'est contenté d'illustrer le commencement et la fin, le baptême et la mort, l'île de Samos et la Gaule romanisée, doublement païenne. Entre ces extrêmes, il y a le chemin de l'initiation. Il faudrait se l'imaginer. Si on le peut. » (p. 207). Cette restauration c'est aussi pour lui un repentir au sens de retour en arrière : « Le jour de sa première visite, il a simplement enregistré la présence des hêtres. Lorsque, en fin d'après-midi, il a repris la route pour rentrer à Paris, il les a brusquement perçus comme une réplique de ses autres arbres, laissés loin derrière lui, entre des collines, à plus de 2000 km, du village de R., au lieu-dit justement : La Hêtraie. Par la porte ouverte de se souvenir-image, tout un pan de son existence, avec ses fantômes, ses lâchetés et ses pauvres joies, tout ce qu'il pensait avoir enterré pour toujours a fait irruption comme une coulée brûlante. »