L'art de l'écrivain consiste à amener, petit à petit, les mots à s'intéresser à ses livres.
Les mots tracent
La pensée permet aux mots d'accéder au pouvoir.
Chaque femme cache dans son corsage un oiseau qu'elle libère, une fois dévêtue.
Les mots tracent
Il y a des êtres qui, leur vie durant, sont demeurés la tache d'encre au bout d'une phrase inachevée.
Le corps caressé épanouit la main. Au poing manque la caresse ; manque, également, la plume.
- La plume entr'ouvre la main.
La main s'ouvre au vocable, s'ouvre à la distance.
IV. DES DEUX MAINS - 1975
Та solitude est un jardin
Та solitude est un jardin de ruses et d’archets
Та solitude est un clocher de cendres et d’épées
Та solitude est une natte coupée aux jeunes statues
Та solitude est un œil volé au cadran des gares
Ta solitude est une bannière de couleuvres et de corbeaux
Ta solitude est un visage d’enfant à tous les volets de l’échelle
Le poème perpétue un instant de la vie du mot, un sourire, une rencontre.
Les mots tracent 1943-1951
Ton bras est au mien le nœud coulant des pendus d'amour.
Nous ignorons le sol.
Femme, complice de mon épaule.
p.170
Le poème est la soif que le désir d’une plus grande soif étanche.
Les mots tracent 1943-1951
PORTES DE SECOURS
À l’approche du poème, aurore et crépuscule redeviennent la nuit, le commencement et le bout de la nuit. Le poète y jette alors son filet, comme le pêcheur à la mer, afin de saisir tout ce qui évolue dans l’invisible, ces myriades d’êtres incolores, sans souffle et sans poids, qui peuplent le silence. Il s’emparera, par surprise, d’un monde défendu dont il ignore les limites et la puissance et surtout l’ empêchera, une fois pris de périr ; les êtres qui le composent, comme les poissons, préférant la mort à la perte de leur royaume.
Hanté par chaque ombre perpétuée indéfiniment, il déchire un rideau de velours, paupière du secret.
p.164-165