Les mots déroulent des rubans d'ombre autour de la clarté conquise.
Avec mes poignards
volés à l'ange
je bâtis ma demeure
où prouesse et paresse
où griffes et caresses
ne sont plus que vices de forme
que détresse de crête maudite
une seule et même figure du repos dynamite des aigles suspendus dans la mémoire du temps.
(L'auberge du sommeil)
Та solitude
Та solitude
a une chouette
pour amie
Та solitude
a une gitane
pour sosie
Son châle est un nuage
Son peigne l’enjeu d’un pari
impossible
Та solitude
a combien de cris
pour couteau
Le monde dispute à l’homme le poème, croissance ébruitée de la rose.
Sûre de son chemin, la prose se distingue de la poésie, comme le marcheur pressé par le but, du danseur ivre de n’arriver jamais.
LE POIDS DE LA NUIT
extrait 2
…
Ici ailleurs
au-delà de l'ombre
qui te harcèle
tes pas te suivent
Tu cris changer de route
Je t'ai toujours rencontrée
où tu m'as dit aller
où tu n'étais plus sûre d’être
Guettée engloutie
comme une main
dans la main plus large
comme la pupille
dans l'œil
et pourtant
c'est toi le roc
face à l'aventure à l'engouement
Toi seule attires
et multiplies
Tu es l'ordre
des nuits dénombrées
Tu es la faim au premier siècle
Tu existes
pour le muscle de l'homme
pour son bras droit qui épanouit la terre
Tu plaides
pour que chaque chose réelle
venue de l'obscurité
rendue à l'obscurité
…
LE POIDS DE LA NUIT
extrait 1
Cette nuit
repose sur la nuit
comme le toit
sur la rue
comme un enfant
dans le lit
Une nuit et puis l'autre
étonnée de n'avoir pas commencé
de ne jamais finir
oubliée retrouvée
Cette nuit
et puis un jour
comme une île ensoleillée
comme un navire en détresse
coupé du rivage
où je t'appelle
où tu m'entends
…
LE COLLOQUE DES RAMES
Colloque des rames
à la conquête de l’eau Le
secret est dans le bois la parole
dans le désir d'allaiter de ronde
Penche-toi sur la mer lèvres entrouvertes
Penche-toi sur l'infini du sable efféminé
que le rêve inonde pour les coquillages
énigmatiques colts sans songer que la mort
un jour les rendra au solei
LA SOIF DE LA MER
Extrait 1
Il ne faut pas que tu bouges
Il ne faut pas que tu respires
Il faut que tu restes assise
devant moi
comme l’arbre avec son ombre
comme le ciel avec la mer
sage comme l’air
et comme le sable
à midi en été
Il ne faut pas que tu parles
Il ne faut pas que tu souries
ou pleures
Il me faut deviner ton nom
traduire en images
tes pensées
chanter tous tes gestes
t’aimer avant
ta vie
…
LA JEUNE FILLE QUI MARCHE
La jeune fille qui marche dans les yeux des cailloux,
refuse à l'arbre sa ceinture pour ne pas créer de pré-
cédent. Toute branche est avare. Les fruits saignent
autour de l'oiseau abattu. De la lune, on peut brûler
la langue qui nous lèche indifféremment. On peut
colorer ses cendres, on peut aussi les jeter au vent.
Ce n'est pas moi qui me vengerai de la lune. Dans
la mer, je trie ses rayons. J'élève ailleurs l'ombre
au rang de sorcière.