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EAN : 9782070325733
396 pages
Gallimard (02/05/1990)
3.89/5   18 notes
Résumé :
"La durée est-elle forgée par le souvenir ou par la mémoire ? Nous savons que c'est nous seuls qui fabriquons nos souvenirs ; mais il y a une mémoire, plus ancienne que les souvenirs, et qui est liée au langage, à la musique, au son, au bruit, au silence : une mémoire qu'un geste, une parole, un cri, une douleur ou une joie, une image, un événement peuvent réveiller. Mémoire de tous les temps qui sommeille en nous et qui est au cour de la création.
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La clef de voûte 1949

NOUS SOMMES INVISIBLES


Quand tu es loin
il y a plus d’ombre
dans la nuit
il y a
plus de silence
Les étoiles complotent
dans leurs cellules
cherchent à fuir
mais ne peuvent
Leur feu blesse
il ne tue pas
Vers lui quelquefois
la chouette lève la tête
puis ulule
Une étoile est à moi
plus qu’au sommeil
et plus qu’au ciel
distant absent
prisonnière hagarde
héroïne exilée
Quand tu es loin
il y a plus de cendres
dans le feu
plus de fumée
Le vent disperse
tous les foyers
Les murs s’accordent
avec la neige
Il était un temps
où je ne t’imaginais pas
où hanté par ton visage
je te suivais dans les rues
Tu passais étonnée à peine
J’étais ton ombre dans le soleil
J’ignorais le parc silencieux
où tu m’as rejoint
Seuls nous deux
rivés à nos rêves
au large de nos paroles
abandonnées
Je dors dans un monde
où le sommeil est rare
un monde qui m’effraie
pareil à l’ogre de mon enfance…

p.139-140
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Les mots tracent 1943-1951

PORTES DE SECOURS


À l’approche du poème, aurore et crépuscule redeviennent la nuit, le commencement et le bout de la nuit. Le poète y jette alors son filet, comme le pêcheur à la mer, afin de saisir tout ce qui évolue dans l’invisible, ces myriades d’êtres incolores, sans souffle et sans poids, qui peuplent le silence. Il s’emparera, par surprise, d’un monde défendu dont il ignore les limites et la puissance et surtout l’ empêchera, une fois pris de périr ; les êtres qui le composent, comme les poissons, préférant la mort à la perte de leur royaume.
Hanté par chaque ombre perpétuée indéfiniment, il déchire un rideau de velours, paupière du secret.

p.164-165
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Та solitude est un jardin
  
  
  
  
Та solitude est un jardin de ruses et d’archets
Та solitude est un clocher de cendres et d’épées
Та solitude est une natte coupée aux jeunes statues
Та solitude est un œil volé au cadran des gares
Ta solitude est une bannière de couleuvres et de corbeaux
Ta solitude est un visage d’enfant à tous les volets de l’échelle
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LES CONDAMNÉS
  
  
  
  
dans le jardin des tirelires Fière jeune fille
que le soleil éloigne
on dresse l'échafaud sur l'absence
Le couperet aux fines aiguilles à coudre la mort
le couperet aux franges de lune pour le sourire du bourreau
Siècle de pendus on dresse l'échafaud pour les retardataires
zébrés de langue-au-chat La vie n'a plus de secret
Seuls les yeux le regard seul attend interroge
On dresse l'échafaud sur l'épouvante de la foule
L'herbe demande à se faire entendre on la repousse
L'herbe sur qui le condamné à mort oublie qu'il va bientôt
  mourir
Le couperet de houppe d'oiseaux à tourmenter le vent
à poudrer les joues de jeunes épouses du vent
L'implacable couperet aux idylles de sapins de Justice
un monde déchu est suspendu à sa chute
un monde de la langue dehors dont les pieds ne touchent plus le
  sol
et que le vent indifféremment balance
Je me souviens de tous les visages J'ai mis du temps à les
  reconnaître
aussi longtemps que le jour
On dresse l'échafaud sur l'impatience Le maître avec sa
  pierre ponce
frotte les maigres doigts tachés d'encre des écoliers humiliés
Tu lis je lis des mots d'innocence
que le couperet interrompt
On dresse l'échafaud sur chaque Dimanche
Une tête tombe dans le cahier ouvert
On dresse l'échafaud sur la mémoire du bourreau
sur la mémoire de la vie et de la mort
sur la détresse de l'amour
sur une tresse coupée
sur une coupe
sur un cou
brisé
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Le Désir d'un commencement II

Indatable regard.
Mémoire d'horizon.


Un bloc de glace n'est jamais qu'une quantité limitée d'eau que le froid a surpris.
Il n'a plus qu'une raison d'être; glacer à son tour.

Au seuil de la mort, ce n'est pas l'avenir de l'âme qui nous préoccupe mais le comportement du corps.

L'âme est un oiseau d'oubli aux ailes multicolores.

Que donne á voir le livre? — D'abord, la détresse de l'auteur. Puis son impudence.

Le serpent est, peut-étre, un mot tellement étiré, qu'il ne peut, désormais, que ramper sur son ombre.
Cruelle humiliation.
Inacceptable.
Son venin, cependant - Vengeance. Vengeance - le reconcilie avec la vie.


La mort, á l'oiseau, retire les organes du vol qui lui étaient nécessaires.
Si haut, devra-t-il voler dans la nuit, que ses ailes — les fréles ailes de la vie - lui sont, á présent, inútiles et, de trop, ses grands yeux ouverts et ronds.

Liens étroits rivant le néant au néant.
Rayage d'un beau revé; ó rive, deja, engloutie.
Ce qui coule avec nous, a, pour role et pour fin, de couler.
Objectivité de la perte.
Mais l'instant oppose, á l'esprit, un formel démenti.

Une possible approche de l'univers n'est qu'une sim­ple approche du possible.
Ici, l'impossible se butte á la perenne question de son inconcevabilité; question cruciale á laquelle il s'est toujours, dérobé.

À jamáis, il y aura un impossible que le possible mine.

Celui qui est bien couvert ne craint pas le froid. Ce-lui qui est nú, redoute autant les brûlures du soleil que les morsures du gel.
S'exposer, c'est d'accepter, d'avance, de payer le prix de son audace.
La parole que rien ne protege nous le ressasse mais nous ne l'écoutons plus.

Sereine vieillesse, comme un bandeau sur les yeux.
Bonté de l'áge.

Ne puise pas seulement dans l'amour ta forcé d'aimer.
Puise, également, celle-ci, dans sa royale forcé méme.

Si le monde a un sens, le livre en a un.
Mais lequel?

Passive raison. Raison des gouffres.

Mon père —je Fai, deja, écrit — á l'Etat Civil me de­clara né deux jours avant ma naissance.
Depuis, je vis aux cotes d'un autre moi-méme, de quarante-huit heures mon aíné.


Au Moyen-áge, en Espagne, sous 1'Inquisition, cer-tains «juifs repentis», que Fon désignait sous le nom de «ma-rrannes» et dont la plupart avaient accepté la conversión pour éviter le cbltiment supréme ou l'expuision, portaient, dans une poche appropriée, bien dissimulée dans la dou-blure de l'une des ampies manches de leurs vetements - en general, celle de gauche - un livre de petit formal, recueil de commentaires de la Thorah ou de priéres d'enfance.
Aussi pouvaient-ils, á chaqué occasion, tandis qu'ils fahaient humblement montre de soumission aux volontés de leurs implacables maítres, á travers l'épaisse étoffe qui le protégeait des regards, caresser, de leur main libre, le livre de leurs ancétres, réaffirmant par ce geste obscur, mais ó combien significatif, leur fidélité aux paroles de leur Dieu invisible et, maintenant, silencieux.

«Accepte les prophéties pour ce qu'elles sont — disait un sage. Il y a longtemps qu'elles ont cessé de briller.»
Et il lança la pierre qu'il tenait dans sa main contre le mur oú le narguait son ombre.

Ce philosophe estimé pensait que la vérité était moi-tié juive et moitié chrétienne.

L'absolue Vérité, n'étant jamáis que l'ambition dé-mesurée de toute Vérité, la question que l'on serait en droit de se poser, alors, est celle-ci: «Comment peut-on divisar, en deux, ce qui est toujours en devenir?»

«Avoir, pour témoin, le livre - écrivait un sage - c'est avoir l'univers entier pour répondant.»
Sauvés par le livre sauvé.

Le juif fait face au juif, comme la page du Livre á la page du Livre.
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Vidéo de Edmond Jabès
Lecture de Jean Lancri : une création originale inspirée par Edmond Jabès.
Ce cycle est proposé par la Maison des écrivains et de la littérature (Mel) en partenariat avec la BIS. Un mois avant la restitution, l'écrivain est invité à choisir un élément dans les fonds de la BIS. Lors de la rencontre publique, « le livre en question » est dévoilé. Chaque saison donne lieu à la publication d'un livre aux éditions de la Sorbonne "Des écrivains à la bibliothèque de la Sorbonne" Saison 5 : Jean Lancri, Gaëlle Obiégly, Sylvie Germain et Michel Simonot
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