L'eau se donne au feu pour l'éteindre.
p.175
Marche à vif jusqu'à l'homme.
p.166
Les mots tracent 1943-1951
PORTES DE SECOURS
L'arbre ignorait les exigences des branches. Il s'ensuivit un grand orage qui fut pour tous un étonnement. Le baromètre indiquait : « Beau fixe. » Un invité suggéra : « C'est peut-être la guerre ? » On comprit, alors, pourquoi il y avait tant de morts, tant de brouillard et de sang jusqu'au rire déraciné des morts. Mais la petite fille put remplir un panier de cerises en errant dans les champs de batailles. Elle vendit ensuite les plus intimes pensées des héros, au marché où elle était bien connue.
p.162
Les mots tracent 1943-1951
L'étonnante femme. Si jeune et tant de talent. Elle fait apparaître et disparaître les poissons. La jolie magicienne d'eau. « Nous serons bientôt noyés », me confie avec inquiétude mon voisin. Mais les poissons sont dressés. Une heure plus tard, au fond de l'aquarium, il ne restait qu'un programme en flammes.
p.169
CHANSON
POUR LE RETOUR DES HIRONDELLES
Si je prenais tes bras
et les coupais en quatre
Tu aurais autant de bras
que si tu étais quatre
Rois
et quatre
Reines
Quatre joies
et quatre
peines
Si je prenais ta bouche
et la coupais en quatre
tu aurais autant de bouches
que si tu étais quatre
Lacs
et quatre
lunes
quatre parcs
et quatre
prunes.
Si je prenais ton cœur
et le coupais en quatre
tu aurais autant de cœurs
que si tu brisais quatre
Ruches
et quatre
rondes
quatre cruches
et quatre
mondes
p.53-54
III
Danseuses qui rêvez d'être les sœurs de l'aurore,
valsez dans l'oubli du miracle avec la roue des robes
ensoleillées.
Le chemin est sans indulgence pour qui
s'en détourne. L'avare n'a pas d'allié.
IV
(Mais l'heure reste à naître, l'heure frontalière où le
faucon des sables règne sur d'innombrables prunelles
apeurées.)
Ton monde et le mien se séparent dans nos yeux.
Tiendrons-nous désormais tête à l'avenir.
Le poète est rivé au poème, comme le mot à la mort du monde qui le projette.
(...)
Rien
que le jour aux raies d'orageuses semailles
Rien
que l'attrait du jour sur une ombre ensevelie
Rien
que ton sourire serpent de paille
que ton nom d'emprunt velours des cités
Au murmure
des lointaines cataractes
A l'appel pressant
des lys ensorcelés
poissons des toisons glauques
Rien
que la source des meutes engendrées
Rien
que la chute du feu
sur une graine de cristal
La rose de fer frétille
dans le délire consumé
après nous après toi
(...)
Je parle
pour les premières cerises hagardes
pour les gares de cerfeuils au bout des naufrages
pour les images de plomb des danseuses fendues en deux
Je parle
pour l'orée des rames lourdes dans le corps
(...)
pour ne plus te quitter mon amour
je parle je parle je parle pour la mouche
pour l'écorce des pins pour l'ardoise des algues
pour le vent dans la mer mon amour
pour le sel dans les narines mon amour
pour la tomate pour la boue filandreuse des mages
pour la girouette aux gaités d'écharpe pour une page
blanche pour la durée du geste pour rien mon amour