Qui aurait cru que le chemin vers le royaume de l'esprit se trouvait dans une machine à laver ? Cette bande-dessinée de
Jesse Jacobs, à la fois auteur et illustrateur, plonge le lecteur dans un univers surréaliste qui oppose l'éclat de ses couleurs à une insipide réalité en noir et blanc. Publiée aux éditions Tanibis en 2017, traduit de l'anglais par
Madani,
Sous la maison raconte l'histoire de Daisy, une jeune adolescente isolée qui essaie de s'intégrer dans sa nouvelle école. Mais c'est à travers un monde alternatif et immatériel qu'elle nous guide, celui d'une « vaste étendue de formes et de couleurs sans limites ni frontières », directement accessible depuis son sous-sol ! Ça tombe bien… ou pas ?
Si c'est la quadrichromie de l'oeuvre qui peut frapper au premier abord, où l'on peut être à la limite de croire à un cahier de coloriage déjà utilisé, le récit qui nous est présenté n'en est pas moins puissant et témoigne d'un besoin presque universel de fuir une réalité qui nous enferme. Mais la découverte d'un ailleurs n'est pas sans danger : dans un monde peuplé de créatures étranges à l'apparence inoffensive, il ne faut pas s'aventurer à boire dans n'importe quelle théière…
Derrière ses illustrations faussement naïves,
Sous la maison semble vouloir transmettre un véritable message sur la quête de soi. À travers le point de vue des personnages, le lecteur est invité, de façon presque didactique, à se libérer de son existence matérialiste, à « laisser le [m]oi se séparer de soi » pour accéder à un espace paisible et réservé aux « êtres purs ».
Malheureusement, ce voyage psychédélique n'est pas sans un possible contre-coup et l'addiction vient doucement frapper à la porte de Daisy… L'isolement qui en découle, alors même qu'il était celui qu'elle fuyait, n'est pas sans lien avec l'illusion d'un contrôle sur ces choses qui la – nous – dépassent. Alors la perturbation de ce lieu en constante métamorphose, profané par l'organisation d'une fête peuplée d'un bon nombre d'adolescents irresponsables, vient bifurquer le chemin de « l'euphorie céleste » vers celui d'« un abîme de terreur sans fin ».
Si
Jesse Jacobs a brillamment assuré son rôle d'auteur, il n'en est pas moins un illustrateur brillant, bien au contraire. Un illustrateur de coeur, si j'ose dire… Ses pages entières de formes et de couleurs vives, qui s'assemblent et se désassemblent, se suffisent à elles-même et nous plongent dans une fascination telle qu'on ne veut pas en rater une miette. Plus qu'une bande-dessinée, c'est un monde tout entier qui nous est offert.