Un jour sa mère a comparé Sandy à un paratonnerre. D’après elle, il y a des gens à qui on a simplement envie de casser la figure. “Je ne sais pas pourquoi, Sandy, mais c’est ton cas, donc il va falloir que tu t’accroches. Que tu t’accroches et que tu fasses attention.”
Mais il en a marre de s’accrocher. Il n’est pas un paratonnerre, mais un verre. La violence ne le traverse pas pour se disperser dans le sol sans danger, elle s’accumule en lui et il déborde, ça y est. Il la sent ruisseler de lui tel un liquide bouillant.
Chapitre Un
À l’école, les autres s’acharnent sur lui. Les professeurs lui décochent des taloches alors que c’est son voisin qui cause. Quand il entre dans un magasin, le propriétaire lui gueule presque tout le temps dessus – des fois parce qu’il feuillette des BD sans les acheter, des fois sans raison, simplement parce qu’il est là et qu’il fait un bon souffre-douleur. Sa tête ne revient pas aux gens. Même les passants dans la rue trouvent des excuses pour lui crier après – parce qu’il leur a marché sur le pied sans faire exprès, par exemple, ou qu’il leur est rentré dedans en courant sur le chemin de l’école. Mais bien sûr, le pire, c’est son beau-père.
Chapitre Un
Chaque fois qu’il rentre de l’école, chaque fois qu’il franchit la porte d’entrée, une terrible appréhension lui noue le ventre. Il file droit dans sa chambre, en espérant que son beau-père ne le verra ou ne l’entendra pas, qu’il réussira à passer inaperçu, telle une ombre. Il se terre jusqu’au dîner, fait ses devoirs, lit des bandes dessinées. Lors des repas, il mange avec raideur, sans parler, tout juste “merci” ou “s’il te plaît”, il mange malgré son estomac noué, s’efforce de mâcher sans faire de bruit. Il ne pose surtout pas les coudes sur la table. La dernière fois qu’il a commis cette erreur, son beaupère lui a planté sa fourchette dans le dos de la main. Plus tard, Sandy a entendu Neil assurer à sa mère qu’il ne voulait pas le faire saigner. Il avait été piqué au vif, s’était-il expliqué, avant de rire de la formule. Mais quelles qu’aient été ses intentions, Sandy n’avait pas pu se servir de ses doigts pendant plusieurs jours. Les trous avaient noirci, la peau autour avait rougi, gonflé, et il avait eu tellement mal qu’il n’arrivait plus à tenir un crayon.
Chapitre un
S’il avait eu le cran de tuer son beau-père, ça aurait tout réglé. Il n’aurait plus eu à avoir peur sous son propre toit. Il aurait été débarrassé de cet homme qui prétend remplacer son père, cet homme qu’il déteste et qui clairement le déteste aussi.
Chapitre un