LE CHEMIN VERS LA LIBERTÉ
Elie.
L'innu de Nutashkuan, côte nord du Québec.
Feuille fragile, d'abord insouciante,
qui se bat contre le vent de la vie.
Rouge de fatigue
Rouge de colère,
car là, tapi dans sa sève, le monstre le hante, l'empêche de lâcher prise face au bonheur,
se considérant indigne de ceux qui veulent l'aimer.
Elie,
cette feuille qui virevolte et parfois tombe au sol,
Lourde de son passé, dévorée par la violence.
Celle d'un père alcoolique et brisé
et la sienne qui semble être à l'affût, là, prête à bondir…
10 ans de prison plus tard,
Élie l'innu de Nutashkuan ne peut retourner parmi les siens,
chez les Autochtones on bannit à jamais pour punir l'irréparable…
Reste Tiohtiá:ke, Montréal.
La sonore et tapageuse,
là où « le silence est impossible ».
Écrasé par les arbres d'acier à perte de vue,
Élie est seul et saisi d'une mélancolie profonde, loin, trop loin, des paysages, des odeurs et des bruits apaisants de son enfance, auprès de son mushum.
Dès lors, le road trip s'élance,
chronologique, entre ville et forêt.
D'abord à pied dans les rues de Montréal près d'Élie l'itinérant (un SDF comme on dit en France).
On y est.
La ville nous oppresse.
Son bruit nous envahit.
Le repos impossible.
Comment oublier l'ineffaçable quand on est seul avec ses pensées, dans une ville aux antipodes des terres de ses origines- épuisante, suffocante ?
Pourtant le vent de la vie pousse à nouveau Élie
comme une feuille lourde de douleurs,
vers le square Cabot,
vers Geronimo, Jimmy, Mafia doc, Caya et les autres… une myriade d'hommes et de femmes Autochtones
itinérants de communautés éparses
réunis au pied d'une statue au milieu des tours.
On y parle l'innu, l'algonquin, le cri, l'atikamekw, l'inuktitut…
Ils sont marginaux parce qu'Autochtones au coeur de la blanche Montréal,
ils sont les exclus d'un pays qui longtemps chercha à affaiblir, disséminer et dégénérer l'existence de leurs communautés.
La plaie de l'Histoire dont on ne veut pas vraiment voir aujourd'hui la profondeur…
La rue c'est l'alcool, la drogue, la misère et la violence quotidiennes pour ces premières nations perdues dans l'océan urbain.
Leurs repères sont ailleurs, sur d'autres rives…
des rives, des forêts, une rivière, la pêche, la chasse, le feu de bois- autant de gestes et de lieux pour réapprendre à vivre,
revenir à la source pour ces échoués du bitume froid de la ville.
Élie s'éloigne de la torpeur urbaine,
appelé à reprendre le bon chemin.
Mais il reste cette feuille hésitante dans le souffle sinueux du vent de la vie,
des souvenirs surgissent:
ceux qui l'apaisent et ceux qui réveillent le monstre qui est en lui…
C'est le récit d'une rédemption qui un temps parait impossible
Et pourtant, ce même vent de la vie parfois pousse les êtres égarés vers des rencontres, l'amitié et l'amour,
points d'ancrage salvateurs capables de faire passer l'homme des ténèbres à la lumière…
C'est le récit d'une Nature-personnage agissant sur ces hommes et ces femmes qui ont éclos en ses terres.
C'est le nouveau roman de
Michel Jean, voix précieuse des peuples Autochtones qui de texte en texte, en conteur insatiable, rend justice à ses semblables, ici les invisibles des rues de Montréal,
trop longtemps victimes opprimées, solidaires face à la misère mais toujours attachés à leurs terres.
Un roman dans lequel vous (re)trouverez toute la douceur, la justesse et l'émotion des mots de
Michel Jean, ses mots qui font définitivement oeuvre de témoignage humaniste pour ces premières nations, saisissant l'Histoire et l'âme humaines meurtries par les douleurs du passé et du présent pour les mener à nouveau vers la lumière