Frida, devenue mère célibataire après que le père de sa fille l'a quittée pour une autre femme, essaie désespérément de jongler entre les besoins de la petite Harriet, âgée de 18 mois, son travail et la fatigue qui menace de la submerger. Mais voici que l'impensable se produit : un jour d'extrême fatigue, elle s'attarde plus longtemps que prévu au travail en oubliant qu'elle a laissé sa fille seule chez elle, les voisins appellent la police et son enfant lui est retirée. Plongée en plein cauchemar, Frida n'a plus qu'une solution : accepter la seule solution qu'on lui propose, un stage d'un an à la toute nouvelle Ecole des bonnes mères, visant à rééduquer les parents défaillants...
L'Ecole des bonnes mères commence tout d'abord comme un roman réaliste, en décrivant de l'intérieur la vie souvent épuisante d'une mère seule avec son jeune enfant, la fatigue qui s'installe, l'impression de ne jamais avoir un moment à soi, l'envie qu'on peut parfois avoir de hurler même si on adore plus que tout son bébé. L'auteure décrit très bien cet épuisement, ce tourbillon sans fin, et nous fait vivre de l'intérieur le soudain cauchemar de Frida qui certes a fait une grosse bêtise en laissant seule sa fille mais qui n'aurait jamais pensé que cela puisse aller si loin et qu'elle puisse ainsi être privée de son enfant. Et puis à quelques petits détails on comprend que ce roman glisse vers la dystopie : ces voisins si prompts à appeler la police quand ils ont compris qu'Harriet était seule à la maison, ces policiers qui la traitent comme une criminelle et l'accusent de manquer à son devoir, ce tribunal qui semble ne faire preuve d'aucune compassion... L'auteure nous amène ainsi très intelligemment vers le monde qu'elle décrit, un monde où les autorités politiques et sociales se sont vues accusées d'avoir provoqué la mort de jeunes enfants par négligence, un monde où maintenant les parents n'ont plus droit à l'erreur, où l'état considère qu'il est de son devoir de s'assurer que tout parent est bien apte à s'occuper de sa progéniture.
On va ainsi découvrir par les yeux de Frida la glaçante Ecole des bonnes mères du titre... et ça fait froid dans le dos. Combinaison parfaite de technologie, de surveillance, de déshumanisation et de rééducation politique, cet institut d'un nouveau genre qui réunit les mères défaillantes aux yeux de l'état va devenir le nouveau cadre de vie de Frida et de ses compagnes. le récit déroule ainsi en détails ce que peut être la parentalité vue sous son angle le plus utilitaire et normatif : les câlins sont minutés et ont chacun un but (le câlin consolant pour un enfant qui s'est fait mal, le câlin anti-frustration pour celui qui n'a pas pu avoir le jouet qu'il voulait, le câlin calmant pré-dodo, etc etc), la mère doit être infaillible et se transformer tantôt en pompier pour prémunir son enfant du danger, tantôt en super prof pour lui expliquer le monde, tantôt en Gandhi pour lui apprendre la négociation non violente... le tout est très réaliste et même si certaines scènes sont poussées à l'extrême et m'ont fait m'exclamer en mode "oh non quand même ils ne vont pas faire ça", on sent bien le parallèle avec notre monde où tout est fait pour encourager la perfection, où pères et mères sont scrutés pour appliquer la "bonne" méthode éducative ou faire le maximum pour leurs enfants.
Ce roman réussit à être à la fois complètement prenant en mode thriller, la vie de Frida à l'école étant tellement difficile et jalonnée d'épreuves que l'on se demande à chaque page si elle va s'en sortir, et aussi très intéressant sur tout ce qu'il dit sur la charge mentale des parents (et sans doute plus particulièrement des mères), la femme vue uniquement à travers le prisme de son rôle de "maman" élevé comme valeur ultime, la volonté de l'état de tout contrôler y compris la sphère privée de l'éducation des enfants et encore bien d'autres questions intelligemment soulevées par ce récit. Seul petit bémol : le style de l'auteur que j'ai trouvé vraiment très plat et peu agréable à lire, au point que j'ai failli abandonner ce livre aux premiers chapitres tant j'avais du mal à apprécier ma lecture ! Heureusement que le propos intéressant et le suspens m'ont ensuite emportée. Au final un récit très original et un roman qu'on ne lâche pas avant d'avoir tourné les dernières pages : à découvrir !