La dernière petite enveloppe bleue

-C'était Harry Potter ? demanda l'un des clients.
-Qu'est ce qui te fait dire ça ? répondit Olivier.
-Tu n'arrêtais pas de dire "Harry Potter", répondit le type, très sérieusement. Et ça y ressemblait vraiment. On aurait dit que tu lisais le livre. Comment tu fais ça ?
Olivier resserra son manteau noir autour de lui, se pencha vers le type et répondit tranquillement :
-Je suis Dumbledore.
Malgré elle, Ginny éclata de rire.

-Tu veux dire que tu as une mémoire photographique ?

-Non. Ce serait utile. C'est bien plus aléatoire que ça. Je peux réciter tout le premier chapitre de chaque tome de Harry Potter. Je peux réciter les quarante-sept pages de mon manuel scolaire. Je peux recréer huit épisodes de la saison deux de Doctor Who avec le dixième docteur, mot pour mot. J'ai mémorisé le code de la route. Apparemment, je mémorise des trucs qui ont un certain sens pour moi...

Il s'interrompit brutalement.

-C'est arrivé comme ça, reprit-il. Je ne le contrôle pas. Ça tombait bien remarque.

-Tu peux réciter tous les premiers chapitre de Harry Potter ?

-Oui, enfin... Je peux réciter les chapitres un à quatre du premier tome, les chapitres un et deux du deuxième, les chapitres...

-OK, attends, dit Ginny. Je veux entendre ça. Parce que je ne te crois pas.

-Lequel veux-tu ?

-Le premier tome.

-Je peux finir ma pizza ?

Elle ne regarderait plus jamais ces stores noirs avec la même excitation, ne fixerait plus ce panneau en plastique doré dans la porte en se disant que, lorsqu'elle s'ouvrirait, elle serait accueillie par un baiser. Toutes ces rêveries, entretenues avec tant de soin, avaient été balayées. Peut-être était-ce ce que tante Peg avait voulu dire tout du long: revenir était une chose étrange. On ne pouvait jamais visiter deux fois le même endroit. Chaque fois, l'histoire est différente. Par le simple fait de revenir, on efface ce qui s'est passé avant.

Les gens disent toujours qu'ils ne peuvent pas pas faire des choses, que c'est impossible. En réalité, il manquent juste de créativité. Cette piscine est un triomphe de l'imagination. C'est comme ça qu'on réussit dans la vie, Gin. Il faut s'imaginer un chemin. Ne dis jamais que quelque chose est impossible. Il y a toujours une solution, même si elle est bizarre.

C'est toujours plus facile de dire au revoir quand on sait que ce n'est qu'un prélude à un bonjour.

Revenir était une chose étrange. On ne pouvait jamais visiter deux fois le même endroit. Chaque fois, l'histoire est différente. Par le simple fait de revenir on efface ce qui s'est passé avant.

Ginny comprit immédiatement ce que tante Peg avait aimé en Irlande : les couleurs. Il y avait de longues étendues où l'on ne voyait rien d'autre que des champs, mais il y avait des dizaines de nuances de vert différentes. Puis, soudain, s'élevait une minuscule église en pierre, quelques magasins tristounets, puis une petite ville avec quatre pubs peints en jaune, rouge et bleu...Une rangée de maisons de couleurs pastel de l'arc-en-ciel. tant de couleurs pour défier le gris acier du ciel.

Elle ne voulait pas qu'il ait de qualités. Les personnes horribles devraient tout le temps se comporter de façon horrible. Ce devrait être la loi.

- On ferait mieux d’y aller, dit-il en remettant la carte dans poche.

- Sérieusement, tu n’es pas… sérieux ?
- Je suis on ne peut plus sérieux. Si tu étais tombée sur quelqu’un d’autre, tu ne serais même pas au courant de tout ça. En échange, je t’aiderai à recomposer l’œuvre d’art. De toute façon, tu viens de me dire que tu te fichais de l’argent, alors quel est le problème ?
- Et si je refuse ?
- Alors je rentre chez moi.
- Et la lettre ?
- Demeurera perdue. A toi de choisir.