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Critique de Charybde2


Une malicieuse et follement intelligente réflexion sur la "production" (et son absence) en art.

Publiée en 1997, la première oeuvre de Jean-Yves Jouannais marquait l'apparition d'une voix bien particulière, pour un travail résolument difficile à classer, entre l'essai social et politique, la réflexion historique et littéraire et le jeu langagier subtil.

Servi par une écriture élégante et efficace qui parvient à distiller au fil des pages de distincts brins de poésie au sein des sujets semblant parfois le moins s'y prêter, l'auteur s'engageait ici dans une démarche d'étude et de réflexion sur les « artistes sans oeuvres », créateurs réels ou même parfois fictifs, ayant choisi de « ne pas » produire d'oeuvre, en tout cas au sens classique du terme, et ce pour des raisons à la fois bien précises et très variables pour chaque individu concerné.

Traquant ces émules du Bartleby de Melville (le sous-titre d' « Artistes sans oeuvres » est d'ailleurs bien « I would prefer not to »), Jean-Yves Jouannais entame aussi un incroyable trajet parallèle et néanmoins convergent à celui du Catalan Enrique Vila-Matas (dont l'« Abrégé d'histoire de la littérature portative » de 1985 serait l'emblème, reconnu d'emblée comme point de départ par Jouannais), qui conduira les deux écrivains à devenir amis et complices intimes dans la construction croisée de réflexions littéraires flirtant bien habilement avec le canular sérieux : la préface de Vila-Matas pour la réédition d' « Artistes sans oeuvres » en 2007, ou l'introduction de Jouannais à « L'usage des ruines » en 2012, en sont d'éclatants exemples.

Avec les figures ici de Jacques Vaché, d'Armand Robin, de Félix Fénéon, de Roland Barthes, des dandies et des shandies, de Valéry Larbaud, de Jacques Rigaut, « de Marcel Duchamp, de Félicien Marboeuf, de Joseph Joubert, de Mychkine, d'Yves Klein ou encore de Gilles Barbier, le tout sous le haut patronage initial de Borges (et de sa décapante analyse sur l'inutilité d'écrire une fois que le concept de l'oeuvre existe), Jouannais réalise un tour de force captivant, ouvrant à chaque chapitre, en souriant malicieusement, des abîmes de réflexion et d'érudition enjouée sous les yeux du lecteur.

Une bien belle découverte pour moi.
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