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J'ai longtemps hésité à lire Ismail Kadaré ; la figure de l'écrivain en exil, opposant au totalitarisme, m'assommait d'avance. Finalement ce livre m'a intéressée car j'ai découvert la seconde guerre mondiale d'un point de vue très différente du nôtre, celui des Albanais. Les habitants voient leur ville de pierre occupée alternativement par les Grecs et les Italiens, comme elle l'a été par les Turcs dans le passé. Ils n'ont jamais une vision surplombante des événements, ils vivent le quotidien d'un pays en guerre dans toute son absurdité.
La narration se fait du point de vue de l'enfant qu'était Kadaré à l'époque, et ce petit garçon apporte une touche de magie à tout ce qu'il voit. La ville est personnifiée, comme l'est aussi la citerne de la maison et ses échos mystérieux. Un chou transporté à la main par un des personnages devient à ses yeux une tête coupée. Les mots écrits dans les livres ou sur les affiches se transforment, ils prennent vie indépendamment de leur sens. Tout cela fait exister le personnage, alors que les autres sont comme des figures à l'arrière-plan. Malgré tout je n'ai pas pu m'identifier au petit héros, ni être vraiment emportée par ma lecture. Je l'ai appréciée comme un document plus qu'un roman.
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Kronikë në gur
Traduction : Edmond Tupja


Après la raideur compassée du "Général de l'Armée Morte", après l'errance blafarde, parmi les brumes du petit jour et celles, plus malignes, du crépuscule, de ces deux protagonistes principaux pour ainsi dire anonymes, après la boue froide du sol albanais, transformé par les pluies en une gangue qui rechigne à restituer les os des soldats étrangers morts depuis plus de vingt ans - après les tâtonnements d'un auteur à ses débuts, conscient de la valeur du sujet choisi mais aussi du traitement délicat qu'il lui impose, après ces phrases courtes, qui piétinent et hésitent, aussi désorientées semble-t-il que les deux héros, après ce texte prometteur mais qui réclame du lecteur constance et même entêtement ...

... cette "Chronique de la Ville de Pierre" constitue une surprise des plus agréables. Optant cette fois pour la fraîcheur de l'enfance, Kadare réveille, pour nous conter cette vision de la Seconde guerre mondiale s'invitant dans l'Albanie profonde, le petit garçon qu'il était à l'époque. du coup, s'il ne peut éviter les scènes d'horreur dont il fut le témoin, il lui est par contre loisible d'adoucir un peu les angles en faisant preuve de cette gaieté, de cet humour que l'on recherche en vain dans son "Général de l'Armée Morte."

Une ville bâtie à flanc de montagne, où l'ivrogne qui glisse dans une rue peut fort bien se retrouver le lendemain à cheval sur un toit, un peu plus bas ; un monôme de femmes tout de noir vêtues et commérant de porte en porte en s'arrêtant à chaque perron pour déguster le café traditionnel ; des hommes qui répondent à leurs lamentions en pérorant de leur côté, de manière considérée comme plus "virile", au café du coin ; des jeunes gens qui traînent en ayant l'air d'attendre quelque chose (mais quoi ?) ; des occupants qui changent souvent de nationalité, Italiens le matin avec le commandant Arcivocale à leur tête et Grecs l'après-midi, sous la houlette du commandant Katantzakis en attendant les Allemands qui entreront, à la nuit tombée ou au petit jour, avec leur chef Kurt Vollersee ; des collaborateurs et des maquisards qui rongent leur frein en épiant et en dénonçant ; quelques sorcières ou qui se prennent pour telles ; les Grandes Vieilles qui, parce qu'elles ont dépassé le siècle d'existence, énoncent, lorsqu'elles se risquent au soleil, des oracles dignes de l'Antiquité ; des éxécutions qui ressemblent à des règlements de compte et des règlements de compte qui ressemblent à des exécutions, et la vie quotidienne qui continue à mener parmi tout cela son petit train d'indifférence, voilà tout ce que voit, se rappelle, vit et commente le jeune narrateur.

Il le fait avec la naïveté de ses onze ans préservés qui, en même temps, découvrent le monde des adultes, un monde perturbé par une guerre que personne, dans la ville de pierre, pas même les lâches, ne considère comme une guerre pour l'Albanie. Tous patientent, tous courbent la tête, attendant la fin de celle-ci et le départ des étrangers pour passer enfin à la seule guerre qu'ils accepteront : celle qui rendra l'Albanie libre et indépendante.

Ayant posé sa main dans celle de l'enfant-narrateur, le lecteur le suit avec confiance et une sorte de fascination, tant dans ses vagabondages personnels (son béguin contrarié pour Maguerite et ses rêves avec Suzanne) que dans ceux qui intègrent les siens et ses concitoyens. A son tour, le lecteur redevient enfant et jette, sur cette mini-société remuante et conformiste, où les filles n'ont d'autre espoir que le mariage, un regard étonné, amusé ou réprobateur mais curieusement dénué des a priori de l'âge adulte. C'est que, sous la plume de Kadare, il découvre en fait une Albanie plus complexe qu'il ne l'imaginait, avec des personnages hauts en couleur et très bien campés - peut-être aussi un peu idéalisés mais sans excès - des personnages incroyablement vivants avec lesquels il ne détesterait pas faire connaissance. Pour autant, l'auteur ne fait pas l'impasse sur les défauts de son peuple comme ce désir de vendetta qui tourne ici à la maladie pure et simple ou encore cette éternelle minorité qui est le lot de la femme albanaise.

"Chronique de la Ville de Pierre" remporte donc une double victoire : avant tout, il incite à découvrir d'autres ouvrages de Kadare mais il pousse également son lecteur à s'interroger sur l'Albanie et à tenter de voir au-delà de l'image sociétale, à la fois réactionnaire, figée et machiste, qu'elle a malheureusement tendance à donner d'elle. ;o)
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La Ville de pierre c'est Gjirokastër que nous venons de visiter.

Chronique de la ville de pierre n'est pas seulement le guide littéraire que chaque touriste éclairé devrait emporter en Albanie, c'est un vrai coup de coeur littéraire.

C'est le regard poétique d'un enfant très imaginatif. Qui d'autre aurait pu se soucier des gouttes de pluie prisonnières de la citerne? ou des chemins mouvant dans les hauts quartiers escarpés de la maison de son grand-père? Cette maison est l'objet d'un autre livre de Kadaré : Un climat de folie - mêmes personnages, même lieux et pourtant une oeuvre tellement différente !

C'est aussi l'évocation d'une période très troublée, 1939, Gjirokastër est occupée par les Italiens, vaincus un temps par les Grecs, puis à nouveau les Italiens qui la quittent laissant la ville aux partisans et à l'anarchie. Pas longtemps puisque les nazis arrivent. Pas de jugement définitif, l'enfant entend ses grands-mères et ses voisines, répète leurs propos. L'enfant voit construire par les Italiens un aérodrome, éprouve de l'affection pour un avion, un bombardier alors que toutes les nuits la ville est la cible des bombardements.

C'est aussi l'éveil d'une conscience politique, l'enfant ne sait que penser, sa jeune tante a rejoint les partisans, aucun jugement, si ce n'est la peur des vieilles femmes de la cohabitation jeunes filles/jeunes hommes. Discrète évocation d'Enver Hoxha, qui est un voisin, aucune idéalisation des partisans cependant.
Evocation de la vie quotidienne et de traditions cachées, la sorcellerie était encore bien vivante en 1939, l'occupant italien en tire profit.....
Un livre que je vais garder pour le relire et le faire lire autour de moi.


Lien : http://miriampanigel.blog.le..
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Je viens de le relire, 20 ans après ma première lecture. Ce livre est moins sombre que je n'en avais gardé le souvenir, plus vivant et plus joyeux que la plupart des livres de Kadaré. Derrière les aléas qui malmènent cette ville austère, invasions successives, dictatures brunes puis rouges, bombardements, exodes, vit un enfant, relié à ses grands-parents, intrigué par les comportements des adultes. Bien que témoin d'horreurs, il garde de l'intérêt pour le monde qui l'entoure, aidé par une capacité à transfigurer ce qu'il voit.
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"Chronique de la ville de pierre" est un roman déroutant par bien des aspects comme pouvait l'être "Avril brisé". Ils sont à la fois similaires et si différents!
Similaires par le lieu de l'intrigue. L'Albanie profonde, dans les montagnes, une terre rocheuse et grise très froide voir glaciale pas tant par la température en elle-même que son aspect. Similaires dans la violence également: ces deux livres racontent une vie rude et cruelle, tellement éloignée de ce que nous connaissons aujourd'hui.

"Chronique de la ville de pierre" se passe au début du 20ème siècle, en plein pendant la guerre. Ce qui est intéressant ici, c'est le point de vue du personnage principal. Il n'a pas de nom, c'est un jeune garçon né dans cette fameuse ville de pierre et qui ne l'a jamais quittée. La manière dont il voit les choses est assez surprenante: en effet il y a chez lui une sorte de naïveté touchante qui côtoie une insensibilité à la mort et la violence. Cet enfant rêveur étrange, nous emmène dans son monde bizarre où la mort et la guerre sont quotidiennes et deviennent même synonyme pour lui de jeu et d'émerveillement.

J'ai vraiment été touchée par cette histoire et ses personnages bien qu'ils soient très très nombreux et difficiles à identifier.
Le style d'écriture de Kadaré est un peu plus compliqué dans ce roman, plus tortueux, plus évasif. Il y a également des morceaux de texte tronqué appelés "chroniques" qui permettent de contextualiser l'intrigue mais m'ont parfois laissée perplexe.
Ce n'est pas un bouquin forcément très accessible bien qu'il ne soit pas horriblement compliqué.

Conclusion:

Une claque!

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Ismaïl Kadaré nous ramène en Albanie, à Gjirokaster, et nous conte les années 30 à travers la vision d'un jeune enfant courant de sa grande maison de pierre à celle des ses voisins, avide de racontars et de jeux d'enfants, et attentif aux superstitions des femmes et aux histoires sordides qui circulent.

Suivant le batifolage permanent du narrateur, le lecteur s'immisce dans la société albanaise, avec ses codes et ses traditions, mais aussi dans le microcosme d'une ville, d'un quartier. Mais le reste du monde n'est jamais bien loin, et les occupants italien et grec se succèdent, au grand dam pour certains, à la grande joie d'autres.

Une jolie fresque pour accompagner une petite virée dans cette très belle ville perchée sur les collines d'une montagne, même si cette lecture ne m'a pas laissé un souvenir impérissable ; j'ai préféré Qui a ramené Doruntine ? du même auteur.
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Voici la chronique d'une ville albanaise à l'heure de l'occupation, tantôt italienne, tantôt grecque, au gré des éphémères victoires et des revers de fortune de ses envahisseurs. Accrochée vaillamment à un éperon rocheux, elle apparaît immuable dans sa complexion tarabiscotée et biscornue, carapace de pierre abritant la chair tendre de ses habitants, gens simples, mystiques et passionnés. C'est qu'elle en a vu défiler, cette ville de pierre, des hivers rigoureux, des tremblements de terre et des fléaux humains, tour à tour possession des Romains, des Normands, des Byzantins, des Turcs et des belligérants de la dernière grande guerre. C'est part le regard d'un enfant, plein de fantasmagorie, d'étonnement et de questionnement que se déroule cette chronique. Naturellement enclin à attribuer une personnalité à cette ville, ainsi qu'aux demeures de sa famille, des pièces de ces dernières, l'enfant demeure fasciné par le ballet, pourtant terrible, des avions de chasse et des bombardiers, alors que la ville se voit contrainte à la défense passive et que ses habitants se terrent dans les caves profondes transformées en abris anti aérien.

La réalité de la situation albanaise durant la dernière guerre était pourtant un sujet prometteur par son côté singulier et méconnu. Malheureusement j'ai trouvé la prose ou la traduction d'une platitude rébarbative, le récit m'est assez vite apparu comme une collection d'anecdotes plus ou moins pertinentes.
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Un récit sur la WW2 dans une petite ville en Albanie. le tout raconté par un enfant. L'aspect culturel est bien développé. La confusion aussi de ce qui se passe pendant la guerre. Aussi tout l'aspect de la vie courante de tout les jours malgré les bombardements. C'est un roman efficace et bien écrit.
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